''Les vies d’après'', quand un Nobel rappelle les œuvres des Allemands en Afrique - Par Samir Belahsen

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En Tanzanie au dernier quart du 19ème siècle, les guerres coloniales. On les oublie, mais les Allemands ont écrasés par les armées, sinon affamés par les pénuries et les razzias allemandes

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“Après un drame, on a besoin de recréer quelque chose. Ce permis de reconstruire, on l'obtient avec la famille, avec ceux qui restent.”

 Daniel Prévost 

“Moi je n’étais rien 

Et voilà qu’aujourd’hui 

Je suis le gardien 

Du sommeil de ses nuits 

Je l’aime à mourir 

Vous pouvez détruire 

Tout ce qu’il vous plaira 

Elle n’aura qu’à ouvrir 

L’espace de ses bras 

Pour tout reconstruire ”

Francis Cabrel 

On a trop souvent tendance à oublier que l'Allemagne fut aussi une grande puissance coloniale en Afrique : Namibie, Cameroun, Togo et Tanzanie actuelle. Les atrocités commises par les forces allemandes ne se sont arrêtés qu’après la défaite du IIe Reich en 1918. 

L’histoire

L’histoire se déroule en Tanzanie au dernier quart du 19ème siècle, les guerres coloniales font rage sur des terres et contre des peuples qu'elles ravagent.

Allemands, britanniques, portugais et belges se livrent à des combats atroces en Afrique de l'Est, aussi bien entre eux que contre les habitants. 

Les locaux sont écrasés par les armées occidentales sinon affamés par les pénuries et les razzias allemandes. La ressemblance avec des évènements plus récents s’explique par la nature même de tout colonialisme. 

Le petit garçon, Ilyas, a été enlevé par un soldat allemand sur le quai d'une gare, il a eu la malchance de se retrouver à portée de main des esclavagistes des troupes coloniales allemandes de l'est de l'Afrique. 

Quand il parvient à regagner la ville de son enfance, ses parents ne sont plus là et sa sœur Afiya a été adoptée. 

Hamza qui avait été vendu comme esclave à un officier pervers cherche à se reconstruire et à construire une vie avec des rêves : un travail, un toit et Afiya, la servitude lui a laissé quand même la capacité d’aimer et de rêver.

Abdulrazak Gurnah, le 6ème des Nobel de la littérature africains, nous embarque, dans Les Vies d’après (Ed. Denoël) avec ces trois survivants qui tentent de se refaire une vie dans des conditions difficiles mais une nouvelle guerre s’annonce. 

Ces personnages subissent plus qu'ils ne décident, les puissances européennes qui ont partagé l'Afrique ne leur ont pas laissé le choix. 

Après les traumas géopolitiques, « les vies d'après » des individus oubliés de l'Histoire comme celles des nations demeurent chargées du poids du passé et des craintes du futur. 

L’histoire oubliée, il a fallu attendre l’autre Ilyass de la génération d’après, « le neveu », pour la reconstituer…

La reconstruction

Plusieurs écrivains ont traité du thème de la reconstruction après les traumatismes géopolitiques et individuels, offrant des récits poignants qui soulignent l'importance de comprendre avant de surmonter les conséquences des événements historiques sur les individus et les sociétés. 

Les exemples ne manquent pas dans la littérature, les hommes ont tout le temps manqué d’humanité et les opprimés ont souvent lutté contre l’oubli par l’écrit. 

Quoi de mieux que d’en citer trois pas trop reconnus chez nous ?

Chinua Achebe 1930- 2013

C’est l’une figure incontournables de la littérature africaine, ayant profondément marqué le paysage littéraire mondial par sa contribution à la valorisation des voix africaines et à la préservation des identités culturelles du continent.

L'auteur nigérian explore les conséquences du colonialisme et des conflits politiques en Afrique, offrant une perspective profonde sur l'impact des événements historiques sur les individus et les sociétés.

Dans « La flèche de Dieu » ,  Chinua Achebe décrit l'entreprise de dépossession de l'Afrique par le pouvoir colonial et les conflits dramatiques qui opposent un grand prêtre et un capitaine britannique c'est-à-dire le pouvoir et la culture traditionnels de l'Afrique et la puissance aliénante de l'Occident.

Nadine Gordimer 1923- 2014

Elle a reçu le Prix Nobel de littérature en 1991 pour son « œuvre épique qui a rendu à l'humanité d'éminents services ».

L’œuvre de la sud-africaine aborde les effets de l'apartheid, mettant en lumière les luttes personnelles et collectives face à l'oppression politique et sociale.

Dans «  Ceux de July », Nadine Gordimer analyse avec finesse la fin de la suprématie des Blancs en Afrique du Sud . Elle nous livre le portrait d'une société sclérosée et anachronique, fondée sur des jeux de domination pervers et pointe la difficulté de la reconstruction individuelle et collective.

Khaled Hosseini 1965-

L’américain d'origine afghane, dépeint les ravages de la guerre et de l'exil sur les individus, offrant une vision émouvante des traumatismes liés aux conflits géopolitiques.

Dans « Mille soleils splendides » , il nous raconte sur fond de chaos et de violence, l'histoire bouleversante de deux femmes dont les destins s'entremêlent, sur une terre sacrifiée. Difficile de parler de reconstruction en Afghanistan après cinq décennies de guerres et de conflits : les Russes, les guerres civiles incessantes, et les taliban.

Ces exemples et « Les vies d'après » de Gurnah mettent en lumière les défis de la reconstruction individuelle et collective après des événements traumatisants ou des périodes de bouleversement : guerres coloniales, guerres civiles, dictatures sanglantes…

 Ils nous poussent à réfléchir sur la résilience, la solidarité, et la nécessité de confronter le passé pour avancer. On pourrait y apprendre l'importance de soutenir les individus et les communautés affectées par des épreuves, ainsi que la valeur de la mémoire collective, et donc de la littérature, pour éviter la reproduction des erreurs et des crimes du passé.