LETTRE OUVERTE AU DENOMME ABDELMAJID TEBBOUNE PAR MUSTAPHA SEHIMI

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Président par défaut ! Vous ne le devez ni à votre équation personnelle transparente, ni à votre courage militant ni à vos principes mais aux généraux en place et à leur connexion avec des lobbies militaro-affairistes.

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Comment m'adresser à vous ? Et quel titre vous attribuer ? Président de la République algérienne ? Difficile, inapproprié même : avec vos médiocres 10% lors de votre élection le 13 décembre 2019, cette qualification protocolaire et institutionnelle est pour le moins déplacée ; elle fait injure à ce peuple frère qui n'en finit pas de se mobiliser et de lutter pour arracher et recouvrer ses droits et ses libertés depuis six décennies. Alors, quoi ? Citoyen Tebboune - tout aussi irrecevable et implaidable compte tenu de votre parcours et de vos actes à la tête de l'Etat voisin, 

Pour autant, il me faut bien vous saisir pour vous dire simplement ceci : vous êtes dans le déni! Déni des réalités, déni des faits, déni de votre responsabilité devant le Peuple algérien. Président par défaut-là où vous êtes actuellement, vous ne le devez ni à votre équation personnelle transparente, ni à votre courage militant ni à vos principes mais aux généraux en place et à leur connexion avec des lobbies militaro-affairistes. Vous poussez l'outrecuidance et le ridicule jusqu'à répéter à l'envi que le hirak est "béni". Drôle conception de la bénédiction ! C'est qu'en effet, faire face aux revendications pacifiques et légitimes des millions d'Algériens portées précisément par le hirak depuis le 19 février 2019, votre régime et vous n'ont répondu que par la répression. Pas étonnant : c'est le seul mode de gouvernance qui soit le marqueur de vos soutiens et de vos suppôts. 

Répression « tout terrain »

Le Secrétaire général de l'ONU vous a mis en garde sur votre politique les 5 mars et le 11 mai 2020 ; le Parlement européen aussi ; sans oublier Amnesty international et de nombreuses ONG de défense des droits de l'Homme. Tous ont instamment demandé que cessent les arrestations arbitraires et la répression. Peine perdue : la fuite en avant et, le mensonge d'Etat persistent. Votre pays a pourtant ratifié les conventions internationales de protection des droits de l'homme ; allègrement, si je puis dire, vous continuez à les ignorer et à les fouler aux pieds. Leur violation systématique est la règle et, plus encore, dans l'impunité la plus totale. 

Honte à vous ! Quelle indignité ! Votre répression est pratiquement "tout terrain ", n'épargnant personne ; les arrestations et les jugements arbitraires touchent les journalistes, les intellectuels ainsi que les militants pacifiques, les blogueurs, les mineurs et ... les handicapés. Alger est quadrillée par les forces de sécurité ; toute personne non résidente dans la capitale est interpellée - un état de siège qui ne dit pas son nom. Tous les sites électroniques d'informations critiques sont bloqués. Une bonne dizaine de journaux en ligne sont rendus inaccessibles.

Quelle misère ! Quelle déchéance politique et morale ! Comme projet de société d'une "Nouvelle République", le verdict de l'Histoire rendra justice, n'en doutez pas... 

Cette page de l'histoire dramatique de l'Algérie doit être lue, pas évacuée ni déchirée. Elle est pleine d'incandescence : une condamnation de vos actes - ou de ceux que vous couvrez par pleutrerie pour ne pas déplaire aux généraux. Sans être exhaustif, je vous rappelle certains méfaits. Ce jeune mineur, Chetouane Saïd, âgé de 15 ans, arrêté et qui a subi des sévices sexuels, puis frappé d'une mesure punitive de placement dans un centre de protection de l'enfance ; la mort en détention du docteur Kamel Eddine Fekhar, porte-parole du Mzab; le journaliste Mohamed Tamalt ; la libération de quelques dizaines de détenus suivie par l'arrestation de centaines d'autres au titre d'une amnistie présidentielle avec les mêmes chefs d'accusation; sans oublier, en moins de deux semaines , la rafle  puis le placement sous écrou, de plus de 2.000 personnes. 

Ce n'est pas une "fake news" de mon cru mais l'information donnée par Saïd Salhi, vice-président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de L'Homme (LADDH). Sombre tableau comptant de surcroît plus de 180 détenus d'opinion. Plus encore : des partis politiques et des associations subissant pratiquement une situation d'exception, menacés de dissolution et soumis à des intimidations voire à des menaces. Des formations comme celle de l'avocate militante Zoubida Assoul (Parti Socialistes des Travailleurs - PST), ou de l'Union pour le Changement et le Progrès (UCP) en sont les victimes ; l’Association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) aussi. 

Forfaiture

Mais il y a plus. Référence est faite à votre propagande dénonçant l'action de la diaspora algérienne portant et amplifiant l'action du hirak auprès des opinions et des instances internationales et s'échinant à la qualifier d' "ennemie de la nation" et de "vendue aux forces étrangères". 

Votre ministre de la Justice a même osé aller plus loin dans l'ignominie en présentant un projet de loi de déchéance de la nationalité algérienne des résidents à l'étranger soutenant le hirak. Une forfaiture ! Dans cette même ligne, votre haut conseil de sécurité - au cœur du réacteur de la junte militaire - a inscrit sur la liste des organisations terroristes deux  formations politiques comme le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie ) de Ferhat Mehenni et le Mouvement RACHAD , créé en 2007 dont Mohamed Larbi Zitout, ancien diplomate réfugié à Londres, est l'un des principaux fondateurs - qui prône les principes de la non-violence et du pacifisme (assilmiya).  Où est donc le "terrorisme" ? Plutôt du côté de vos comparses galonnés qui tentent de discréditer par tous les moyens le hirak et qui veulent verrouiller le scrutin relatif au Parlement, dans quelques jours, le 12 juin courant

Un régime dans un « bunker »

Au total, vous ne respectez rien ! Ni la citoyenneté et la dignité des Algériens. Ni leurs droits et leurs libertés. Ni même votre propre Constitution que le peuple a majoritairement rejetée, avec un taux de votants de 23,14% avec 5.661.547 votants sur un corps électoral de 24.466.618 et qu'un tiers de ces mêmes votants a voté non. 

Alors ? Alors, continuez ! Le "système" que vous portez et que vous représentez n'est pas réformable tant des intérêts »statutaires" excluent tout "aggiornamento"- il est rigidifié, frappé de glaciation. Mais jusques à quand ? N'est-ce pas le dernier avatar d'un régime réfugié et retranché dans un "bunker" où vous n'êtes qu'un stipendié attaché à un recyclage d'un matériau dont le peuple algérien ne veut pas. Ce peuple-là est en marche ; la dynamique sociale et contestataire qui le meut et le mobilise finira par l'emporter. Une Algérie que tous les Algériens et tous les maghrébins appellent de leurs vœux 

Evidemment, je ne vous salue pas !  Pouvez-vous en douter ?