PJD : Crise des accréditations ou échec dans la gestion des conflits intergénérationnels – Par Bilal TALIDI

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Réunion du Secrétariat général du PJD

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Les préparatifs des élections au sein du PJD laissent transparaitre les ingrédients d’un grand malaise inédit qui interpelle désormais sérieusement la direction du parti. Fermée à ce qui se passe autour d’elle, celle-ci persiste à nier énergiquement l'existence d'une crise interne.

Ce n’est pas nouveau. Depuis cinq ans, les dirigeants du PJD s'emmurent dans le déni de cette crise, assurant qu'il ne s'agirait que de simples divergences ordinaires gérables dont l’absorption se fait naturellement au sein des instances du parti et dans le cadre de ce qu’autorise sa ligne politique. 

Cette politique de l’autruche si elle rassure ceux qui la produisent, ne peut occulter le fait que la crise est bien plus profonde qu’on ne veut le croire et ne se limite pas aux démissions et départs interprétés en interne – c’est accommodant - comme l'expression de tentatives de subordination de l’intérêt du groupe aux intérêts de certaines personnes se considérant au-dessus du parti.

On ne s’attardera pas sur la fracture traditionnelle entre El Otmani et Benkirane, et encore moins sur celle, au sein de la direction actuelle, entre El Otmani et Mustapha Ramid qui a pris ses distances avec la gestion de tout ce qui se rapporte aux prochaines échéances électorales. Cette démarche n’apportera rien de nouveau à l’observation des évolutions que connait le PJD et des convulsions qui le secouent régulièrement depuis 2016. On a déjà eu l’occasion de les analyser dans plus d'un article. Ce qui doit retenir l’attention aujourd'hui, c’est l’amplification de la crise produite par le processus d’accréditation des candidatures aux élections.

Une brève énumération comparative révèle que le nombre des circonscriptions où le différend a éclaté entre les bases et la direction du parti au sujet des candidatures a doublé par rapport aux échéances de 2015 et 2016, sachant que la direction a opté en 2016 à présenter la candidature de l'ensemble des ministres du PJD et presque tous les membres du Secrétariat général.

A l’étape actuelle, alors que la majorité des ministres et du Secrétariat général ont préféré, par prudence, ne pas se représenter, des dissensions profondes ont éclaté dans nombre de circonscriptions, au nord comme au centre, au sud comme à l'est du pays. Kénitra-Rabat et plusieurs circonscriptions de Casablanca, Témara, Settat, Tiznit, Larache, Essaouira, Aït Melloul, Laâyoune et bien d'autres, c’est pratiquement toutes les régions qui sont touchées par la contestation.

Au scrutin de 2016, l'unique forme de protestation a été le rejet du parachutage de candidats dans certaines circonscriptions, et la contestation avait alors concerné certains dirigeants du parti, y compris des membres du Secrétariat général, comme ce fut le cas dans la circonscription de Bernoussi où l'on avait parachuté Mohamed Yatim.

Le nouveau dans les développements présents est l’ampleur de la protestation et son extension pour englober quasiment tous les comportements déviants de la direction. La contestation peut ainsi concerner l'accréditation par le Secrétariat général des derniers de la liste élue par la base au lieu des premiers (cas de Tanger), aussi bien que le recours au pouvoir discrétionnaire du Secrétariat général pour imposer des candidats (cas d'Amekraz à Tiznit), sans se soucier que de cette manière c’est l’essence même de l'instance de candidature et de ses travaux qui est jetée aux orties. 

Aux contestations habituelles s’est ajoutée ainsi la contestation des inamovibles vétérans électoraux (cas de Témara) et le rejet de candidats sur lesquels pèsent des soupçons d'implication dans des affaires de corruption, écartés par les bases, mais maintenus par le Secrétariat général (cas de Tiznit). Dans la même série des écarts, on peut aussi inscrire l'accréditation de certains membres du Secrétariat général dans des circonscriptions autres que celles où ils ont candidaté auparavant (cas de Rabat), l'élimination des opposants (cas de Settat), ou encore le transfert de dirigeants réfractaires à des circonscriptions où ils n'ont pas obtenu l'accréditation des bases pour les éloigner des circonscriptions où ils ont été accrédités (cas de M. Boukarai). Au PJD, on a même eu le génie d’inventer la candidature disciplinaire pour le cas d'Amina Maae El Ainaine « exilée » dans la circonscription de Sidi Ifni où elle n’a aucune chance.

La récurrence de ces contestations multiformes confirme que la procédure adoptée par le PJD a épuisé ses ressources et atteint son plafond de verre. Deux raisons à cela. La première tient au fait que l'autorité du Secrétariat général en matière d'accréditation (la prérogative de cooptation) dépasse et outrepasse désormais l'autorité de la candidature émanant des bases. La seconde en est que le substrat spirituel et pédagogique qui sous-tendait cette procédure s'est érodé sous le coup d'une double crise de confiance et de légitimité qui isole la direction des bases.

Auparavant, la logique pédagogique voulait que l'individu ne présente pas sa propre candidature, cependant que le pouvoir du Secrétariat général était extrêmement limité en matière de modification des résultats des instances de candidature. L'organisation du parti était compacte, peu sujette à des divergences politiques. La légitimité de la direction était indiscutable et indiscutée du fait qu'elle rassemblait toutes les sensibilités. La génération des fondateurs et celle d'après faisaient alors un bon usage des procédures et n'hésitaient pas le cas échéant à s'excuser. Ce qui, bien souvent, permettait à l'appareil du parti, face à des défis externes, d’étouffer les dissensions et de rejeter l’autoflagellation en sonnant le ralliement et le resserrement des rangs.

Dans le contexte actuel, l'arrivée de nouvelles générations qui ont adhéré au parti pour des raisons politiques sans rapport aucun avec les motifs de départ basés sur la prédication ou l'idéologie, a changé la configuration et la donne. Ces nouvelles recrues estiment que la démocratie interne a plus de force que l'autorité de la direction en termes de "désignation des candidats par accréditation", croient à l'alternance des élites, et pensent que la tentation de l'inamovibilité dans les postes bloque le projet politique et le vide de son âme.

Cette nouvelle situation n’est pas sans compliquer les problèmes organisationnels, aggravés par des fractures au niveau de la direction que n’arrangent pas, par ailleurs, le déficit de légitimité et l’érosion de la confiance entre les bases et la direction. A toutes ces complications s’ajoute une susceptibilité extrême à l’égard du recours à l'utilisation anti-démocratique des procédures aux fins d'élargir le cercle de loyautés clientélistes ou de briser l'élan des opposants.

La direction actuelle tente de banaliser ces transformations et considère, comme à son habitude, qu'il s'agit de divergences ordinaires facilement assimilables par l'appareil du parti. Elle considère ainsi que l'autorité de l'organisation et la soumission aux décisions suffiront à la résolution des problèmes. 

Mais les faits, têtus, sont tout autres. Car, ni l’invocation de la discipline et la soumission aux décisions de la direction, ni la convocation de la culture unitaire face aux défis, et encore moins l'intervention de dirigeants crédibles et charismatiques pour éviter l'inacceptable (l’éclatement des rangs) ne pourront dissimuler la nature réelle de la crise : l'inaptitude de la génération des fondateurs et celle d'après, dépassées, à gérer le conflit intergénérationnel au sein du parti.