Que faire pour rétablir la confiance ?

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Chakib Benmoussa, Président de la CSMD

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''Le sujet qui revient avec force c’est celui de la confiance. Il figure en tête de liste des priorités parmi les sujets évoqués que ce soit par les citoyens, les acteurs politiques et institutionnels, l'administration, les acteurs économiques ou la société civile'', tel est le constat peu amène de   Chakib Benmoussa, en tant que Président de la CSMD,  lors d’une rencontre avec la presse organisée le 14 juillet dernier. En plus  de ce constat,  celui qui a la responsabilité d’élaborer le Nouveau Modèle de Développement pour les années à venir, a rappelé  les principales attentes des citoyens qui ne constituent pas, à vrai dire, une surprise. Elles s’articulent autour de trois axes   à savoir «  la justice sociale et territoriale, les libertés générales et la participation politique, et le développement économique ».  

Cette question de confiance nous parait fondamentale, voire déterminante pour l’avenir de notre pays.  Il est navrant de constater qu’au niveau de tous les étages de la société, la défiance prime sur la confiance. Non seulement, on ne fait pas confiance à d’autres, mais  souvent on ne fait pas confiance à soi-même.  La suspicion est de mise.  Aucune société ne peut avancer correctement si les rapports de confiance se dilatent à ce point.  Et pourtant, les choses étaient entièrement différentes dans la société traditionnelle : les gens se faisaient totalement confiance à tel point que  les  transactions immobilières et les opérations de crédit  se passaient par un simple consentement oral sans aucun écrit. Les contractants  se donnaient juste la « parole » ! Cette parole valait plus qu’un contrat écrit, plus que n’importe quelle loi. Il y avait à côté de la parole, ce qu’on désigne par « Amana »  que personne ne pouvait trahir (sorte de sécurité partagée).  Nous vivions dans un système où  confiance et sécurité allaient de pair. 

Aujourd’hui, la « parole » est dévalorisée  et n’a plus aucune force.   La confiance cède le pas à la défiance.  Cela est le produit de tout un processus de détérioration et de délitement  de valeurs fondamentales qui cimentent la société.  A partir du moment où chacun porte un regard négatif sur l’autre, on ne peut rien construire ensemble.  Vous avez   beau à être sincère dans vos paroles, fidèle dans votre  engagement, honnête dans  votre vie,   vous n’arriveriez pas à en convaincre grand monde, car Il suffirait d’un « seul  poisson pourri pour salir le tout », comme dit  l’adage populaire.  

Nous sommes tous aujourd’hui face à nos responsabilités pour  restaurer cette confiance qui  nous fait tellement défaut et qui  risquerait de nous  affaiblir davantage à l’avenir si on ne prend pas cette question à bras le corps. En effet,  Etat, Partis politiques, organisations syndicales,  différents corps constitués, système éducatif, citoyens….doivent  se remettre en cause et revoir leur mode de pensée et leur façon d’agir.  L’Etat, et l’administration d’une façon générale,  qui a gagné en confiance au cours des derniers mois  à la faveur de la gestion de la pandémie Covid-19, doit rester sur la même trajectoire  et saisir cette opportunité  pour ouvrir d’autres perspectives à l’avenir, sachant bien que ce qui lui reste à faire est beaucoup plus difficile et compliqué  que ce qui a été déjà fait.  Il s’agit de transformer l’essai  pour employer un langage de rugby.  De leur côté, les partis politique et syndicats ne doivent pas se limiter à verser des larmes de crocodile et à recourir tout le temps à la victimisation. Une dose d’autocritique de leur part ne leur  ferait pas de mal. Au contraire,  elle ne fera qu’améliorer  leur offre politique,   renforcer leur crédibilité  et  rehausser  leur « compétitivité » et leur attractivité. A condition, toutefois, de mettre fin aux campagnes de de dénigrement dont ils font l’objet par des pseudo-intellectuels et des pseudo-commentateurs  de service.  Ces organisations, qui ont comme rôle d’encadrer la population, ont comme responsabilité de tirer la société vers le haut.  Elles disposent  d’outils privilégiés pour ce faire : les assemblées représentatives. Ainsi, elles doivent  faire du  parlement un lieu par excellence de débat démocratique et de confrontation des idées et de projets. Elles doivent  faire des collectivités territoriales de véritables partenaires dans  la gestion des questions vitales  de la population.  Par conséquent, toute tentative de marginalisation de ces instances de démocratie représentative et participative ne ferait que « dégouter » les gens,   renforcer leur désaffection du politique et  réduire davantage leur confiance dans les institutions.

Bien sûr, la confiance ne se décrète pas. Elle se construit « step by step » à travers des actions concrètes. Les paroles mielleuses de circonstance ne servent pas à grand-chose. Les discours pompeux et enflammés  non  plus.  IL faut un travail méthodique et continu en interaction entre la base et le sommet. A commencer par l’éducation et l’école, là où on enseigne les valeurs fondamentales, tout en menant un travail en profondeur sur le terrain  pour être tout près des gens,  et en premier lieu à côté de ceux qui se sentent oubliés, marginalisés, voire sacrifiés. 

La CSMD  apportera, on l’espère,  des réponses  satisfaisantes et mobilisatrices aux principales problématiques du Maroc. Nous le saurons à la fin de cette année. Mais une chose est sûre : la mise en œuvre  de ce nouveau modèle,   à même de  remettre le pays sur les rails du progrès  social et du changement démocratique,  est une affaire  d’abord des acteurs politiques dévoués et en premier lieu des partis politiques crédibles et de toutes les bonnes volontés dont regorge le  pays.  Une occasion historique à ne pas rater !