chroniques
Que peut espérer l’Algérie ? Par Ahmed Charaï
Un peu trop grand le fauteuil pour Abdelmadjid Tebboune, non ?
Depuis plusieurs mois, le gouvernement algérien est dans une stratégie de la tension vis-à-vis du Maroc, stratégie qui atteint son paroxysme, mais dont on ne voit pas les objectifs réalisables et surtout qui ne correspond pas à la situation réelle de l’Algérie.
Le pays est totalement dépendant des hydrocarbures. Depuis quelques semaines, les prix flambent, ce qui aurait normalement permis une amélioration des finances de l’État algérien, mais structurellement, c’est une grande faiblesse.
En 2014, le pétrole et le gaz représentaient 97% des exportations et un tiers du PIB. Depuis, les choses n’ont pas beaucoup évolué. Le secteur privé se développe peu et dans le cadre de la rente. Dans les moments fastes, ceux d’une hausse des cours des hydrocarbures, les gouvernements algériens ont pu subventionner généreusement les produits de première nécessité, distribuer gratuitement des logements...
Mais cela n’a pas répondu aux aspirations du peuple, à la démocratie, à la transparence, à la bonne gouvernance. Le Hirak qui a duré deux ans, et qui n’a été freiné que par la pandémie, a démontré une vraie fragilité, celle du manque de légitimité des institutions. Or le rebond actuel des cours internationaux du pétrole et du gaz, qui ne durera que quelques mois, ne change rien aux données fondamentales.
Les réserves énergétiques prouvées de l’Algérie s’amenuisent. Le calendrier prévisionnel d’extraction indique que d’ici deux générations, à moins de nouvelles découvertes significatives, les réserves pourraient être épuisées.
Cette fragilité est reconnue par les institutions algériennes. Le parlement a adopté, pour 2021, un budget qui situe le déficit à 14%. Les résultats pourraient être meilleurs avec la surchauffe actuelle, mais cela démontre que ce n’est pas une économie fluide.
Parce que c’est un pays importateur, y compris des produits de première nécessité, l’inflation actuelle, va impacter les couches sociales défavorisées et accentuer les remous sociaux.
Cette fragilité est la plus importante. Alors qu’elle a eu des excédents budgétaires pendant des décennies, l’Algérie n’a pas réussi à combattre la pauvreté de manière structurelle. L’Espagne a annoncé que dix mille Algériens sont entrés, illégalement, sur son sol depuis le début de l’année. Aucune propagande officielle ne peut constituer une réponse à ce chiffre.
Alors que peut gagner l’Algérie à travers l’escalade actuelle ? Sur le plan diplomatique, elle perd au niveau de l’ONU et en Afrique. Sur les plans économique et politique intérieure, cela ne lui apporte rien. Cette escalade ne mène qu’au chaos.
L’autre chemin est plus porteur pour tout le monde, il n’y aura pas de perdant. La coopération maghrébine, c’est au moins deux points de croissance de plus, parce que l’élargissement du marché, attirera les investissements.
La résolution du conflit du Sahara, par le biais du processus onusien et dans le cadre de l’autonomie proposée par le Maroc, permettra de baisser les dépenses militaires et de diriger ces fonds vers les secteurs sociaux.
De manière rationnelle, pour assurer sa stabilité intérieure, l’Algérie a tout intérêt à arrêter l’escalade. Son entêtement est non seulement très peu compréhensible mais suicidaire et c’est le peuple algérien qui en pâtira. L’histoire jugera.