Sahara, Etats Unis - Conseil de sécurité : Statu Quo

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Linda Thomas-Greenfield ambassadrice américaine à l'ONU.

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Les résultats de la dernière réunion, du Conseil de sécurité à huis clos, le mercredi 21 avril dernier, ont été diversement accueillis. Certains ont insisté sur l'échec de Washington à faire approuver par cette haute instance onusienne sa proposition. D'autres sont allés plus loin - dans ce même site, tel Mohamed Salah Tamek - en jugeant que l'ambassadrice américaine, Linda Thomas-Greenfield n'avait pas à la hauteur et qu'elle avait été décevante. De quoi conduire l'observateur à tenter d'y voir plus clair... 

Quelle était donc la proposition américaine ? Elle appelait les parties à adopter une attitude "constructive". Référence est faite à la coopération sur le terrain avec la mission de paix de l'ONU ; à la nécessité aussi d'"éviter l'escalade " et d'accélérer les démarches pour nommer un nouvel émissaire onusien " afin de relancer dès que possible un processus politique bloqué". Cette initiative de Washington n'a pas été agréée par l'Inde – qui a cependant dénoncée la rupture du cessez-le feu par le « Polisario »-, la Chine, le Kenya, la Tunisie et le Niger. Le motif invoqué à cet égard est qu'elle " pourrait être mal interprétée et devenir contreproductive". A noter que le Kenya a demandé que l'UA joue un rôle dans le processus de règlement de la question nationale. Enfin, les quinze membres du Conseil de sécurité ont été unanimes à demander la désignation d'un nouvel émissaire de l'ONU. 

Sur la base de ces éléments, que dire ? Le chef de la MINURSO, Colin Steward a fait un exposé - comme c'est programmé traditionnellement devant la haute instance onusienne. Un rapport qui cette fois prend un relief particulier dans la mesure où le "Polisario" ne respecte pas le cessez-le feu ; qu'il le viole ; et qu'au surplus il a proclamé "l'état de guerre". De tels actes ont conduit le secrétaire général de l'ONU lui-même, à faire état de sa "profonde préoccupation" à propos des menées du mouvement séparatiste à Guerguerat et à l'est du mur de défense. En prenant de vigoureuses mesures de sécurisation, le 13 novembre dernier, pour assurer la sécurité et la liberté au passage frontalier de cette localité, le Maroc n'a fait que prendre ses responsabilités. Et d'ailleurs ni Antonio Guterres, ni les grandes puissances, n'ont trouvé à y redire : c'était là une action de stabilisation et de normalisation ; elle mettait fin à des menées et à des provocations de milices armées à la solde du mouvement séparatiste et de son encadrement par l'armée algérienne. Un autre rapport a été présenté par Michael Kingsley-Nyinah, secrétaire général par intérim pour l'Afrique relevant de la direction politique. 

UNE PROPAGANDE D’ETAT DECALE 

Le secrétariat général de l'ONU a pu ainsi faire le point sur l'état du dossier. Il a "averti que la situation était hautement instable et pouvait conduire à une escalade". Il a aussi insisté sur le fait qu'il y avait lieu de réactiver le processus politique actuellement en panne et que la nomination d'un émissaire onusien ne pouvait qu'enclencher une reprise du cadre négociatoire pratiquement bloqué depuis près de trois ans, soit depuis la démission "pour raisons de santé" de Horst Köhler en mai 2019. 

L'on note cependant une évolution de cette question du côté des adversaires que sont l'Algérie - à titre principal - et le "Polisario" - à titre supplétif. Ces deux parties font campagne contre le Secrétaire général de I'ONU pour sa partialité ainsi que pour les profils des candidats qu'il a proposés pour succéder à l'ancien président allemand. Partialité, quelle partialité ? Un procès à charge qui prête plutôt à sourire. Quant aux candidats, plusieurs noms ont été approchés par Antonio Guiterrès, à titre exploratoire et consultatif. Voici quelques mois, il avait ainsi retenu celui de Pietr Roman, ancien Premier ministre de Roumanie (1989 -1991), ministre des Affaires étrangères (1999-2000). Alger et le "Polisario" l'ont récusé au motif fallacieux qu'il aurait eu une position favorable au Maroc dans le passé. Le second est le Portugais Luis Amado, ancien ministre des Affaires étrangères (2006-2011) - il n'a pas eu non plus l'agrément du tandem Algérie- "Polisario". 

Voilà bien un paradoxe ! Que le futur envoyé personnel de l'ONU ait l'accord des quatre parties (Maroc, Algérie, "Polisario", Mauritanie), n'est pas contestable ; il faut qu'il puisse assurer sa mission de facilitateur dans des conditions normales. Il doit en effet s'investir pleinement, prendre contact avec elles, faire montre enfin d'un esprit d'ouverture, d'écoute, de nature à pouvoir faire avancer le processus de recherche d'un règlement politique négocié. Or, qu'en est-il au vrai ? 1'Algérie et le mouvement séparatiste proclament à l'envi qu'il y a urgence à nommer un émissaire onusien alors qu'ils rejettent les propositions du Secrétaire général de l'ONU. C'est même devenu une affaire d'Etat dans le pays voisin : le président Tebboune n'a-t-il pas lui-même exhorté, à différentes reprises, ce responsable de l'Organisation mondiale, pour accélérer une nomination ? Dans cette même ligne, son ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoumn a multiplié les voyages en Afrique pour demander à ses interlocuteurs de réclamer la nomination d'un émissaire onusien n'ayant pour mission que l'organisation d'un référendum. 

Tout cela n'est que l'une des modalités d'une propagande d'Etat relayée par la mobilisation d'un appareil diplomatique déjà passablement décalé et même inaudible sur les grandes questions régionales, continentales et internationales. En résumant, Alger n'a - pas ou plus - de visibilité et d'influence si ce n'est le crédo de l'hostilité à l'endroit du Maroc couplée avec cette cristallisation sur la récupération de ses provinces méridionales. Les termes de référence de cette question nationale ont engrangé des avancées de forte amplitude : la reconnaissance par l'administration américaine, le 10 décembre dernier, de la marocanité de ces provinces ; l'implantation de pas moins de 23 missions consulaires (africaines), arabes et d'Amérique latine à Laayoun et à Dakhla; le consensus consolidé de la communauté internationale sur la primauté de la proposition marocaine en date du 11 avril 2007 relative à une autonomie interne dans cette région; enfin ; la consécration des paramètres de négociation, constamment réitérés par le Conseil de sécurité et dont le format, lors des négociations de décembre 2018 et de mars 2019 à Genève est l'expression la plus opératoire. 

Le rendez-vous du Conseil de sécurité, lors de sa réunion à huis clos, participe d'une délibération semestrielle prévue par la résolution 2548 adoptée le 30 octobre dernier. Comme d'autres agendas de même périodicité au cours des précédentes années, il n'a été sanctionné ni par une déclaration ni par une résolution - il était sans enjeu. Mais il aura été utile pour mettre en relief ces faits soulevé par Omar Hilale, ambassadeur représentant du Maroc aux Nations Unies : la quiétude et la sécurité dans les provinces sahariennes alors que les séparatistes parlent d'un état de guerre" ; la "désinformation" et la "duplicité d'Alger"; les entraves apportées aux casques bleus de la MINURSO pour l'accomplissement de leur mission à l'est du mur de défense; la rigidité et le blocage de toute nomination d'un émissaire onusien. Une mise à plat conséquente donc de postures redoutant de s'engager dans la relance du processus de règlement. 

A la fin de ce mois d'avril, sous le bénéfice de ces observations, c'est assurément le statu quo. Mais cela ne peut être qu'une situation provisoire. Il faudra bien que le Secrétaire général de l'ONU et le Conseil de sécurité s’attellent prochainement à conjuguer leurs efforts dans la perspective de l'agenda institutionnel annuel, lui, en octobre prochain. Un rendez-vous qui aura à appréhender toutes les facettes de ce dossier avec une claire identification des responsabilités des deux parties (Algérie et "Polisario") mobilisés et fourvoyés dans des slogans et des chimères... 

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