Sommet du Koweït : Entre les priorités du futur et l'omission du dossier syrien - Par Hatim Betioui

5437685854_d630fceaff_b-

Figure 1Bien que la crise avec le Qatar ait officiellement pris fin, des défis demeurent dans la reconstruction de la confiance entre les parties du CCG. Cela met en lumière la nécessité de mécanismes plus efficaces pour gérer les différends à l'avenir

1
Partager :

Alors que l'appel à l'arrêt de la guerre, aux crimes de meurtres de masse à Gaza, au déplacement des populations et à la destruction des installations civiles et des infrastructures, ainsi qu'à l'intervention pour protéger les civils, dominait l'ordre du jour du 45e sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui s'est tenu dimanche dernier au Koweït, les développements graves en Syrie ont été absents, bien que la situation y ait connu une escalade majeure vendredi dernier suite à l'intrusion des combattants de l'opposition dans la ville d'Alep.  

Eviter la Syrie évitée pour réussir le sommet 

Le sommet a également salué la trêve temporaire au Liban, mais il a évité de proposer une vision ou un plan pour financer la reconstruction du pays, ce qui a soulevé des interrogations sur le sérieux de l'engagement des pays du Golfe à l'égard des questions libanaises.  

L'absence du dossier syrien lors du sommet du Koweït, selon de nombreux observateurs, est attribuée à une volonté purement régionale de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Bahreïn d’éviter toute divergence avec le Qatar. Ce pays reste en effet le seul pays du Golfe qui continue d’émettre une objection ferme à la normalisation avec le régime du président syrien Bachar el-Assad et soutient les factions armées qui lui sont opposées.  

Il est à noter que le sommet du Koweït a porté le slogan "L'avenir du Golfe", et que l'émir du Koweït, Cheikh Mishaal Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah, a affirmé dans son discours d'ouverture que le sommet se tenait dans un contexte particulièrement complexe, affectant l'économie mondiale et menaçant le développement et la prospérité des peuples de la région. "Cela exige de nous d'accélérer nos efforts pour réaliser l'intégration économique du Golfe".  

Selon l'émir du Koweït, atteindre cet objectif nécessite l'unification des politiques, la diversification des sources de revenus non traditionnels, la facilitation des échanges commerciaux et des investissements, le soutien des industries locales et l'expansion des domaines de l'innovation et de l'entrepreneuriat, notamment dans des secteurs émergents comme l'intelligence artificielle, afin de renforcer la compétitivité des économies des pays du Golfe tant au niveau régional qu'international.  

Un milieu des crises, un système qui tient

 Quelles que soient les conclusions du sommet du Koweït, sa tenue en soi représente un rayon d'espoir dans un monde arabe en déclin, montrant qu'il existe un système arabe du Golfe qui a su tenir bon au milieu des crises et des turbulences multiples, la dernière en date étant la crise avec le Qatar en 2017, lorsque les trois pays (l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Bahreïn), en plus de l'Égypte, ont annoncé la rupture des relations diplomatiques et économiques avec ce pays.  

Bien que la crise ait officiellement pris fin, des défis demeurent dans la reconstruction de la confiance entre les parties. Cela met en lumière la nécessité de mécanismes plus efficaces pour gérer les différends à l'avenir.  

La situation dans les pays du Conseil de coopération du Golfe reste un rayon de lumière dans la région arabe, en comparaison avec le système de l'Union du Maghreb arabe, qui se trouve dans un état de mort cérébrale depuis l'échec du sommet maghrébin à Tripoli en 2005 en raison des conséquences du conflit entre le Maroc et l'Algérie concernant la question du Sahara, qui boucle l'année prochaine un demi-siècle de tensions.  

Récemment, l'Union du Maghreb arabe a vacillé entre une union à cinq fondée à Marrakech le 17 février 1989 et des tentatives algériennes de relancer une union alternative sans le Maroc. Toute ces tentatives ont échoué après le refus de la Mauritanie de rejoindre une union excluant Rabat. Ainsi, le projet maghrébin alternatif est né mort-né, étant donné qu'il n'obéissait à aucune logique de remplacer un important pays fondateur de l'union par une milice séparatiste établissant un "État ficitf" sur le territoire d'un autre pays.  

L'intégration économique, rien que l’intégration économique

Étant donné que le Conseil de coopération du Golfe est le seul système régional encore actif dans le monde arabe, le "Sommet du Koweït" a cherché à relever le défi de renforcer l'unité interne du Golfe et de se tourner vers l'avenir, en les considérant comme la solution la plus réaliste pour faire face aux problèmes complexes et entrelacés de la région.  

Se concentrer sur le renforcement de l'unité interne du Golfe et la réalisation de l'intégration économique comme priorité pourrait aider à trouver des solutions à long terme à de nombreuses questions régionales, à condition de traiter les fractures internes qui se sont révélées plus dangereuses que les défis extérieurs.  

Il s’agit de retenir la leçon de la dernière crise avec le Qatar qui a révélé une certaine fragilité dans les relations entre les pays du Golfe, et la profondeur des divergences entre leurs États membres. Cette crise a induit à un recul de l'intérêt pour les questions extérieures. C’est ainsi que la situation en Syrie est ainsi apparue comme une question de moindre priorité pour les pays du CCG, comparée à l'effort de renforcer l'intégration économique et l'unité du Golfe dans un environnement globalement instable, incertain et qui s'oriente vers l'inconnu.

lire aussi