chroniques
Trump et les Arabes – Par Samir Belahsen
Le Prince héritier Saoudien Mohamed Ben Salman chez Donald Trump à la Maison Blanche lors d’une rencontre mémorable le 20 mars 2018
« Les relations que nous, Arabes, entretenons avec l’Occident à l’époque moderne sont marquées par la permanence de l’humiliation, depuis l’invasion napoléonienne de l’Égypte à la fin du dix-huitième siècle. »
Khaled Hroub
“La politique est un peu semblable à la météo, on progresse par temps clair ou par temps couvert, chaque fois il faut percer les nuages de l’avenir.”
Hassan II
Après près de 80 ans d’illusions et de désillusions, les inquiétudes des pays arabes se concrétisent après l’élection de Donald Trump pour un nouveau mandat.
Un peu d’histoire
Les relations entre les États-Unis et les pays arabes remontent, globalement, au 18ème siècle. Après la Seconde Guerre « mondiale » les interactions ont pris un tournant significatif. Les États-Unis ont commencé à exercer une influence majeure dans le monde et dans la région. La découverte de vastes réserves de pétrole les a conduits à des alliances stratégiques et militaires avec plusieurs pays arabes, notamment l'Arabie saoudite et l'Égypte.
L’accord de Quincy entre la monarchie saoudienne et Franklin D. Roosevelt a été fondamental pour établir une alliance stratégique en 1945, garantissant aux États-Unis un accès privilégié au pétrole saoudien en échange d'une protection militaire.
Cependant, cette relation s'est détériorée au fil des décennies en raison de divergences politiques, notamment l'émergence de l'Iran comme puissance régionale, les tensions liées au conflit « arabo-israélien » devenu « israélo-palestinien », et les critiques croissantes sur le soutien américain à des régimes perçus comme corrompus et parfois sanguinaires.
Les événements du 11 septembre 2001 ont également exacerbé les tensions, mettant en lumière les liens entre certains éléments saoudiens et le terrorisme.
Le premier mandat
Pendant son premier mandat, Donald Trump a adopté une approche axée sur la lutte contre le terrorisme, en particulier l'État islamique, ce qui a conduit à une coopération renforcée avec certains pays arabes. Il a également tenté de renforcer les relations avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, en mettant l'accent sur la vente d'armes et un certain soutien militaire auquel Biden a mis fin à son arrivée.
Lire aussi : Trump et l’Ukraine – Par Samir Belahsen
Cependant, sa décision de restreindre l'immigration et son appel à interdire l'entrée aux ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane ont été fortement critiqués par de nombreux dirigeants arabes.
La relation entre Donald Trump et Israël, pendant son premier mandat, a été marquée par la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, la reconnaissance de l’annexion du Golan occupé et par le soutien des colonies israéliennes en Cisjordanie.
L'approche de Trump a été, sans aucun doute, en faveur d'Israël et aux dépens des intérêts arabes.
Les tensions régionales dans le Moyen-Orient ont été exacerbées par les actions de l'administration Trump, y compris la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël et le retrait unilatéral de l'accord nucléaire avec l'Iran. Ces décisions ont suscité des réactions vives dans la région, en augmentant les tensions entre l'Iran et les alliés occidentaux, notamment Israël et les États-Unis.
Le bilan du mandat de Biden a confirmé l’affaiblissement de l’intérêt et de l’influence américaine au Moyen-Orient et la continuité de l’alignement total de Washington sur la politique du gouvernement israélien.
Le retour
L’élection a eu lieu alors que Gaza fait l’objet d’un génocide qui dure depuis plus d’un an, que Beirut était bombardée et que le sud Liban en cours de destruction. Sans parler des incursions des bombardiers israélien en Syrie. Pour Gaza le compteur macabre affichait plus de 43 000 morts… L’appétit sioniste grandissant avec le massacre, en Cisjordanie tout est fait par les colons et l’armée sioniste pour pousser les palestiniens à partir…
Les instances de régulation politique internationale ont démontré leur impuissance, le retour au pouvoir de Donald Trump reconnu pour son tropisme unilatéraliste constituera certainement un facteur supplémentaire de risque de déstabilisation durable pour la région.
Dans ce contexte, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a suscité des réactions mitigées au sein des pays arabes. Certains dirigeants ont exprimé clairement et poliment leur inquiétude quant à la politique étrangère de Trump, craignant un renforcement des relations avec Israël au détriment des intérêts arabes.
Lire aussi : Trump et la Chine - Par Samir Belahsen
D'autres ont salué ce retour, espérant une meilleure compréhension des défis régionaux et une possible stabilisation des relations. En général, les pays arabes restent prudents quant à leurs attentes vis-à-vis de l'administration Trump, conscients des tensions préexistantes et de la complexité des enjeux géopolitiques dans la région et des rapports de force.
Le rôle de Trump dans la normalisation des relations entre Israël et certains pays arabes avait également tenté de changer la dynamique des relations dans la région.
Les accords d'Abraham, signés en 2020, avaient « normalisé » formellement les relations entre Israël et certains pays arabes, mais n'ont pas avancé vers une solution au conflit israélo-palestinien. La marginalisation de la cause palestinienne a induit une résistance croissante dans le monde arabe contre ces accords. Si les signataires espéraient stabiliser la région, la réalité actuelle montre que ces accords n'ont pas réussi à aborder les aspirations arabes et plus particulièrement palestiniennes, rendant leur impact sur le processus de paix très limité.
La nouvelle politique de multi-alignement devenue constitutive de la politique extérieure de la plupart des pays de la région est révélatrice des inquiétudes dans cette sphère, la participation des Émirats arabes unis et de l’Égypte aux BRICS+ est un indice d’une prise de conscience des dangers de l’hégémonie Américaine.
La normalisation entre l’Arabie Saoudite et l’Iran sous l’égide de la Chine montre bien que les pays arabes se trouvent aujourd’hui obligés de naviguer habilement entre plusieurs eaux tumultueuses.
Cependant, ce retour offre également des « opportunités » pour les pays arabes de renouveler leur engagement avec les États-Unis et de chercher des domaines de coopération mutuellement bénéfiques.
On leur offrirait, plutôt séparément, des deals, des gestes, en contrepartie ils devraient accepter l’inacceptable : annexions, établissement de nouvelles colonies et extensions des anciennes.
Sous le nouveau mandat de Donald Trump, l'avenir des relations entre les pays arabes et les États-Unis serait marqué par ces deals, proposés ou imposés. Le fameux processus d’Oslo, tout comme la fameuse ligue arabe, est définitivement enterré. Ce sera, selon Trump, « La paix par la force ! »