Culture
Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marques sur Netflix : une œuvre réussie mais qui demande patience – Par Hassan Zakariaa
L’histoire débute avec l’un des fils Buendia, Aureliano, devant, on ne sait pourquoi, un peloton d’exécution. Mais avant qu’il ne soit mis à mort, le narrateur prend le téléspectateur par la main pour le mener, discrètement et utilement il faut le dire, dans un flashback à travers la fresque que Marques a fait de son univers fantasque, pour le plonger dans l’exode d’Arcadio Buendía et son épouse, Ursula, poursuivie par les mauvais présages de sa mère lui prédisant des enfants malformés.
Par Hassan Zakariaa
Netflix vient de frapper un grand coup. Sans doute pas financier, mais sûrement culturel en adaptant à sa plateforme l’œuvre emblématique du Nobel de littérature Gabriel García Márquez “Cent ans de solitude”. Une série en huit épisodes, en attendant les huit autres à venir, d’un peu plus d’une heure chacun, qui a fait le pari de porter à l’écran la complexité d’un roman latino-américain qui a transporté ses lecteurs dans les méandres de la saga de la famille Buendía sur sept générations.
Adapter à l’écran une œuvre littéraire c’est comme la traduire qui ne peut se faire, selon une maxime, sans un peu trahir, voire parfois beaucoup. La tâche avec Gabriel Garcia Maques c’est autrement plus compliqué. Le suivre déjà à la lecture de son roman dans la complexité de sa composition des personnages est un exploit tant son univers est une réédition continue des événements avec leur lot d’erreurs, de méprises et surprises.
Il faut partir donc partir du principe qu’une adaptation à la lettre et non seulement impossible, mais contreproductive. Ceci, la production l’a bien compris.
Cent ans de solitude qui a fait entrer Gabriel García Márquez dans le panthéon des écrivains les plus influents du XXe siècle et lui a valu le prix Nobel de littérature en 1982, est une allégorie marquesienne de l’histoire de l’Amérique latine, mêlant colonisation, autogestion innée réfractaire à la bureaucratie, conflits politiques et croisement des religions animiste et monothéiste. Un florilège culturelle imprégnés de « réalisme magique », qui intègre l’extraordinaire et le surnaturel au quotidien, et transcende vérités et rivalités pour mieux dévoiler leurs réalités.
L’histoire débute avec l’un des fils Buendia, Aureliano, devant, on ne sait pourquoi, un peloton d’exécution. Mais avant qu’il ne soit mis à mort, le narrateur prend le téléspectateur par la main pour le mener, discrètement et utilement il faut le dire, dans un flashback à travers la fresque que Marques a fait de son univers fantasque, pour le plonger dans l’exode de José Arcadio Buendía et son épouse, Ursula Iguarán, poursuivie par les mauvais présages de sa mère lui prédisant des enfants malformés.
Dans leur fuite des superstitions et apparitions, ils sont suivis par tous ceux que l’appel de la mer séduit. Le groupe se perd dans les marées et fatigué de tourner en rond, José Arcadio décide de jeter l’ancre et les bases Macondo, village sorti de son imagination si fertile, installé quelque part et nulle part en Amérique latine. Le village prospère, mais il est rapidement confronté à des bouleversements sociaux, politiques et spirituels, qui reflètent l’histoire tumultueuse de l’Amérique latine.
Les membres de la famille Buendía, portant souvent des noms similaires (José Arcadio, Aureliano, Amaranta), incarnent des cycles de grandeur et de décadence. Au milieu de la série, José Arcadio Buendía, curieux assoifé de savoir, qui a perdu la raison à force de quêter le dissimulé dans l’Alchimie, est attaché à un arbre multiséculaire. Autour de lui tout s’immobilise dans une ambiance embuée tandis qu’une sentence apparait en synthé : « L’éternité a commencé … mais les hommes ne naissent pas pour devenir éternel… nous naissons pour devenir de la matière organique … pour devenir mémoire et oubli… dans le cœur des hommes… »
Les multiples interférences entre le temps et l’espace du roman qui s’imposent au réalisateur, ne facilitaient pas l’adaptation à l’écran, et pourtant Netflix a réussi à transposer l’univers féérique de Gabriel Garcia Marques, où le surnaturel n’est jamais loin du naturel et l’extraordinaire de l’ordinaire. La plateforme a mis les ingrédients et prévient : ‘’Sexe – nudité - violences sexuelles – suicide – automutilation’’
Un bémol sur l’ensemble toutefois. En s’appuyant sur un narrateur pour guider le téléspectateur, il a sans doute choisi une certaine facilité, et on peut reprocher à la série ses lenteurs, mais y avait-il d’autres choix ?
La réalisation méticuleuse soutenu par une narration fidèle de la saga a réussi à capter l’âme et l’ambiance de l’œuvre d’un grand parmi les grand de la littérature mondiale et, surtout, universelle. Les inconditionnels des techniques particulières de l’auteur trouveront à redire, mais ses lecteurs dans leur globalité prendront beaucoup de plaisir à voir les personnages de Cent ans de solitude, Macondo et son atmosphère flottante se mouvoir dans des décors captivants plus vrais que nature.