Culture
Chanson douce de Leïla Slimani - Par Samir Belahsen
Chanson Douce de Leïla Slimani a inspiré un film éponyme avec Karin Viard et Leïla Bekhti. Le récit de L. Slimani serait lui-même inspiré d’une histoire vraie, l’affaire Yoselyn Ortega qui, en 2012, a secoué les Etats Unis et bouleversé l’Amérique
“Le prétexte ordinaire de ceux qui font le malheur des autres est qu'ils veulent leur bien. ”
Vauvenargues
"La cécité aux inégalités sociales condamne et autorise à expliquer toutes les inégalités, … , comme inégalités naturelles, inégalités de dons."
Pierre Bourdieu
Leïla Slimani, née en 1981 à Rabat, est une journaliste et femme de lettres franco-marocaine. Elle a reçu le prix Goncourt 2016 pour son deuxième roman, Chanson douce.
En 2017, elle a été nommée représentante personnelle du président Emmanuel Macron pour la francophonie.
Dans son premier roman « Dans le jardin de l'ogre », Leila avait abordé le sujet de l'addiction sexuelle féminine. Une journaliste jolie, mère d'un petit garçon, mariée à un médecin qui l'aime et lui fait confiance tombe dans le tourbillon de l'addiction sexuelle. Un mal être, compensé par l'érotisme pour donner du relief à une vie trop timorée.
Après Chanson douce, et le Concourt, elle a publié « Sexe et Mensonges » et « Le Pays des autres ».
L’histoire
"Chanson douce" suit l'histoire de Myriam et Paul, un couple parisien qui, après la naissance de leurs deux enfants, décide de retourner au travail. Pour gérer leur vie professionnelle tout en s'occupant de leurs enfants, ils engagent Louise comme nourrice. Après un casting sévère, elle semble être la candidate idéale même si son passé reste mystérieux.
Louise s'intègre rapidement dans la vie de la famille. Elle est dévouée, attentionnée et arrive à créer un lien fort avec les enfants, ce qui rassure Myriam et Paul. Avec le temps, le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame.
Derrière cette apparence de perfection, Louise couve de profondes blessures émotionnelles et des difficultés personnelles. Elle vit seule, sans amis, « sans famille », et sa dépendance à ce travail devient de plus en plus évidente.
La relation entre Louise et la famille devient alors de plus en plus complexe. Bien qu'elle soit indispensable à leur quotidien, les tensions émergent. Louise ressent un profond mépris (Hogra) et une aliénation face à cette bourgeoisie parisienne qui l'entoure.
Myriam, quant à elle, elle jongle, elle lutte pour équilibrer sa carrière et sa vie de mère. Le climat de stress et de pression s’installe.
La description pointilleuse, que nous offre Leila Slimani, du jeune couple et du personnage mystérieux de la nounou, révèle en fait la face cachée de notre modernité, de notre époque, avec notre conception de l'amour et de l'éducation, des rapports de domination et d'argent, des préjugés de classe ou de culture.
"Chanson douce" est une réflexion poignante sur la maternité, la solitude et les relations de pouvoir au sein des familles modernes.
À travers le personnage de Louise, Leïla Slimani aborde des thèmes tels que la dépendance, l'isolement et les inégalités sociales, tout en nous invitant à réfléchir sur les implications tragiques de ces dynamiques.
Le roman interroge les notions de responsabilité et de la complexité des relations humaines, offrant une analyse profonde et plutôt troublante de la vie contemporaine.
Les Nounous dans la littérature Maghrébine
Dans son récit autobiographique « Rêves de femmes :Une enfance au harem », Fatéma Mernissi évoque son enfance dans un harem où les nourrices jouent un rôle crucial. Elle décrit comment ces femmes, souvent issues de milieux modestes, sont à la fois des soutiens affectifs et des témoins des inégalités sociales. Chez Mernissi, les nourrices symbolisent les sacrifices et les luttes des femmes dans une société patriarcale.
Dans "L'Enfant de sable", Tahar Benjelloun aborde les rôles des femmes dans la société marocaine, y compris ceux des nourrices. Les personnages féminins, souvent en lutte pour leur identité et leur place dans la société, reflètent les défis auxquels sont confrontées les nourrices, qui sont souvent invisibilisées.
Rachid Boudjedra, dans "La Répudiation", traite des relations familiales et des rôles des femmes dans la société algérienne. Bien qu'il ne se concentre pas spécifiquement sur les nounous, les nourrices, sont représentés dans le contexte des luttes sociales et des tensions familiales, symbolisant les sacrifices et les attentes placées sur elles.
Assia Djebbar dans "Les Enfants du nouveau monde", aborde les thèmes de la maternité et des relations familiales. Les nourrices sont souvent évoquées comme des figures de soutien et de sacrifice, représentant les liens entre les générations et les défis des femmes, en général, dans une société en mutation.
Ces auteurs utilisent les nounous comme des symboles pour explorer des thèmes plus larges tels que la condition féminine, les inégalités de classe et les dynamiques familiales.
Les représentations des nourrices dans la littérature maghrébine francophone révèlent et condamnent la double exploitation des nourrices et les luttes pour l'identité et la reconnaissance dans des contextes socio-économiques et culturels complexes.