CHRONIQUES DE L’AMITIE – Par Rédouane Taouil

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"L'amitié" de Pablo Picasso.

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C’est sous le signe du philosophe de l’amitié, Abû Hayyân al-Tawḥîdî, que se placent ces chroniques pour évoquer des vers, des chansons ou des aphorismes chers à des amis dont le souvenir de leur proximité humaine adoucit à coup sûr la résidence sur terre. Le cours de la vie doit beaucoup à ces féaux des conversations (Al-Muqâbasât) qui donnent à aimer l’étonnement d’être, par leur aperçus et trésors (Baṣâ'ir wa-l-dhakhâ'ir) ? leurs examens et brèves réponses (Al-Hawâmil wa-l-shawâmil) sur le traité de la vie (Risâlat al-ḥayâh).

La fugue de l’aube

 A la mémoire de Hamid Damir

Le cœur de l’ami généreux est semblable à une porte humble, entre-ouverte à l'ombre comme au soleil. Sans clé. On y accède comme à un rayon de lumière, au parfum d'une vague ou d'un foin errant au faîte de l'été, à la largesse d'une natte ou à la lueur d'un cierge qui brave le vent, à la tendresse de bras songés au fil des odes d’amour, à un élan ineffable 

comme les couleurs d'un papillon. Sans serrure. L'invite est aux épousailles des entrailles, au partage des pétales et des buissons de l'aurore, de la couvée des ressemblances et de la source des blessures, de la sève des nuages et de l'hymne de l'abeille à l’étoile.

Les mains de l’ami généreux sont comme une treille vêtue des teintes de l’automne. Quand le soir pend comme une grappe, elles tendent haut le vin de l’unisson. Au scintillement des rimes et des chansons du Maroc d’antan, s’épandent les arômes des émerveillements et la tristesse des songes déchus, la tendresse sonore des rires et le soupir des roses jaunies. « Le seul devoir que je me reconnais est celui d’aimer » clame Camus. Cette maxime est l’emblème de l’ami généreux. Telle la flamme des vignes, son visage prodigue l’amitié en toutes saisons.   A la merci des chemins éperdus, sa mémoire célèbre les doigts mauves et les gouttes d’encre, les envolées des stades du ballon rond et les ondes des saveurs de la radio, le verbe gracieux et des refrains d’une profonde langueur. Dans l’âpre Casablanca où la suie s’abat sur les fanaux, nous sommes seuls dans la pénombre. Pareil au poète du Karnak, l’aube est notre héraut. Les plaines des rêves et les soleils fugaces sont notre demeure. Nos lèvres éconduisent la coupe et nos yeux se refusent à l’oubli. Commensaux, trempons nos cœurs, en louange à l’ami généreux, dans ce chant de Pessoa qui s’élève parmi nous : « Aimer c’est l’innocence éternelle/ et l’unique innocence est de ne pas penser ».

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