Cinéma, mon amour ! de Driss Chouika : ''WEND KUUNI'' LE DON DE DIEU OU LE DON DU CINEMA

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La grâce et l’émotion que portent les corps et les décors, merveilleusement rendues par une caméra très fouineuse, malgré quelques lenteurs, font ressortir ce que le film dit clairement, à savoir que L’Afrique et l’Africain ne sont pas des « entités primitives insignifiantes » que les colons occidentaux vont venir tenter de « civiliser »

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Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika : Rapports Professionnels/Films

Gaston Kabore est l’un des pionniers du cinéma africain. Il a été d’un grand apport en tant que cinéaste et aussi en tant que membre actif de la Fédération Panafricaine des Cinéastes (FEPACI). Il a été l’un des fervents défenseurs de la production cinématographique africaine.

« Tout individu a un besoin vital de son propre reflet, de sa propre image car une part importante de l'équation de l'existence se fonde sur la capacité à établir un dialogue avec cette image, pour la questionner, pour se confronter à elle.

Produire soi-même majoritairement les images que l'on consomme n'est donc pas un luxe ni pour un individu, ni pour une société, un peuple, un pays ou un continent ». (Gaston KABORE "L'Afrique et le centenaire du cinéma". Présence Africaine. 1995)

UNE QUETE IDENTITAIRE

J’avais découvert « Wend Kuuni » en 1983 lors de la 2ème édition du Festival du Cinéma Africain que la Fédération Nationale des Ciné-Clubs du Maroc (dont je faisais partie du Bureau National) organisait à Khouribga. Et c’était une découverte qui venait compléter toute une série de films intéressants qui ont enrichi l’étonnante cinématographie africaine des années 70 et 80 : « La noire de… » et « Emitai (Dieu du tonnerre) » de Sembene Ousmane, « Saitane » de Omarou Ganda, Touki-Bouki de Djibril Diop Mambety, « Le médecin de Gafiré » de Mustapha Diop, « Den musso » (La jeune fille), « Baara » (Le travail) et « Finyé » (Le vent) de Soulaymane Cissé, et la liste est longue…

Cette vitalité du cinéma africain, aujourd’hui atténuée et même presque brisée, avait fait naître l’espoir d’une réappropriation des cinéastes africains de leurs propres images longtemps « colonisés », et avait donné des œuvres majeures, inscrites d’emblée dans l’histoire du cinéma, comme le premier long métrage de Gaston Kabore, « Wend Kuuni » (Le don de Dieu).

C’est un film qui nous interpelle à plus d’un titre.

Par son thème : la question de l’identité et la recherche des racines, son traitement et son montage très alertes et très modernes, son style sobre et dépouillé mais très respectueux des règles de l’art cinématographique, son esthétique qui rend toute la beauté naturelle de la brousse africaine sans tomber dans le piège de la carte postale et des clichés de l’exotisme, « Wend Kuuni » est un hymne à l’amitié, la fraternité et la solidarité humaines qui met en garde contre les dangers des préjugés et superstitions traditionnelles.

UNE VIVE INTENSITE DRAMATIQUE ET EMOTIONNELLE

Un garçon est retrouvé en pleine brousse, incapable de prononcer un mot pour dire qui il est et d’où il vient. Une famille d’un village voisin l’accueille chaleureusement, le considérant comme un « don de Dieu », et il s’y intègre facilement malgré plusieurs médisances superstitieuses. Les valeurs positives finissent par avoir le dessus et le garçon par retrouver l’usage de la parole et raconter sa vraie histoire dont la mise à mort dramatique et injuste de sa mère.

Une histoire bien simple mais traitée avec une rare profondeur humaine où les corps et les décors envoient des signes et dégagent une lumière éblouissante qui aide à les déchiffrer. La grâce et l’émotion qu’ils portent, merveilleusement rendues par une caméra très fouineuse, malgré quelques lenteurs, font ressortir ce que le film dit clairement, à savoir que L’Afrique et l’Africain ne sont pas des « entités primitives insignifiantes » que les colons occidentaux vont venir tenter de « civiliser », mais bien des êtres vivant dans des communautés structurées et organisées, avec leurs propres valeurs et leur propres visions, évoluant en parfaite harmonie avec la nature qui les entoure.

Dans ce film, tout, les cadrages, les mouvements de la caméra, les regards des personnages, l’ambiance, la musique…, contribuent à dégager une très vive intensité dramatique et une très forte émotion.

Je trouve que c’est un regard sincère, posé sur une réalité conflictuelle, par un cinéaste profondément convaincu que le cinéma est un puissant moyen de communication, et que le vrai film est celui qui fait appel à l’intelligence du spectateur et lui donne à réfléchir.

Voilà les raisons pour lesquelles, me semble-il, « Don de Dieu » s’est d’emblée et définitivement inscrit dans l’histoire du cinéma africain, et que son réalisateur, Gaston Kabore, a prouvé son « Don de Cinéma ».

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