''CINÉMA, MON AMOUR !'' DE DRISS CHOUIKA : LE(A) COMEDIEN(NE), BOUCHE QUI PARLE OU CORPS QUI BOUGE ?

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Pour abonder dans le sens expressif cher à Driss El Khoury, on peut dire que les comédien(ne)s marocains sont arrivés à se complaire dans ce "système de jeu" basé sur un bizarre concept du "n'importe quoi", ou en arabe dialectal "ghir jib ya fom ogoul" (غير جيب يا فم وكول).

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Le débat suscité par les fictions télévisuelles ramadanesques, aujourd’hui saisonnières à force de répétitions, m'a rappelé la fameuse expression de feu Ba Driss El Khoury : "L'acteur marocain est une simple bouche qui parle et non un corps qui bouge" (article critique paru dans Al Ittihad Al ichtiraki ", puis en 1994 dans le recueil d'articles sur le théâtre et le cinéma intitulé "Sur scène, devant l'écran" publié par le Ministère de la Culture).

En effet, ce rappel coïncide avec les désormais fameux programmes télévisuels du mois de ramadan concoctés, selon le même concept, par les télévisions nationales depuis plus de vingt ans. Lesdits programmes illustrent parfaitement ce constat de Driss El Khoury, en réduisant la fiction télévisuelle à ce concept bâtard dans lequel le comédien(ne) devient “une simple bouche qui parle et non un corps qui bouge“ ; et même quant il bouge, il le fait dans un sens burlesque, cabotin et éculé. Ainsi, la fiction proposée n’est plus un récit construit autour d’un thème chosi, suivant un traitement donné et obéissant à des règles thecniques et esthétiques précises selon le genre. Cela devient un fourre-tout d’anecdotes et de gags, des improvisations décousues, servant juste à remplire la plage horaire impartie, sans plus. Et pour abonder dans le sens expressif cher à Driss El Khoury, on peut dire que les comédien(ne)s marocains sont arrivés à se complaire dans ce "système de jeu" basé sur un bizarre concept du "n'importe quoi", ou en arabe dialectal "ghir jib ya fom ogoul" (غير جيب يا فم وكول). Il est devenu même tout à fait normal que la même personne soit à la fois producteur exécutif, réalisateur et comédien(ne) ; cela arrange bien la production !

Et il est bien regrettable de devoir reconnaître le bien fondé des positions de la majorité écrasante de la critique et du public, s’accordant à dénoncer ce flagrant résultat d'une politique de nivellement par la bas menée par les directions des chaînes nationales, en connivence avec une poignée de producteurs exécutifs et d’annonceurs, plus soucieux de leurs gains matériels que de toute considération culturelle, artistique ou créative. C'est le résultat d'un long processus qui a fini par faire passer l'écrasante majorité des comédien(ne)s marocains dans un moule "monolithique" et unidimensionnel. On peut expliquer ce phénomène par l'impact du gain d'argent facile, ou du gain tout court. Mais ce qui est difficilement compréhensible est cette adhésion de plus en plus large que suscite cette pratique auprès des comédien(ne)s et de quelques réalisateurs aussi ! Le seul point honorable est que la majorité des réalisateurs de cinéma (les cinéastes, pour ceux qui préfèrent les appeler ainsi) demeurent en dehors de ce "souk", soit par principe, même si les principes ne nourrissent pas leur homme, soit parce qu’ils en sont exclus, car les chaînes nationales ne portent apparemment pas particulièrement les cinéastes dans le cœur !

Cette situation anachronique, unique en son genre dans les annales des télévisions à l’échelle internationale, a été poussée à l’extrmême par les cahiers de charges des chaînes publiques adoptés depuis 2012 par le 1er gouvernement du PJD, qui ont contribué à la marginalisation, puis l’exclusion de la majorité des professionnels et créateurs audiovisuels nationaux au profit d’un groupe d’affairistes (maline chkara) qui ont fini par reléguer la dimension culturelle et artistique des productions télévisuelles à un plan bien secondaire, s’intéressant surtout au gain matériel. Et le plus curieux dans ce choix réside dans le fait qu’il semble arranger parfaitement les affaires des directions des télévisions publiques qui reconnaissent publiquement préférer confier les productions à des sociétés de production disposant des moyens de financer et livrer les produits pour n’être payées que bien plus tard, sans que ces télévisions ne déboursent aucue avance faute de liquidités ! Ce qui relègue la qualité des produits à un plan bien secondaire. Voilà le clou de l’histoire !