Cinéma, mon amour de Driss Chouika: FREUD’S LAST SESSION, UN PROFOND ÉCHANGE SUR LES IDÉES ET CROYANCES

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Le film est une confrontation ouverte entre deux personnages aux idées et croyances totalement opposées : Sigmund Freud et CS. Lewis. Interprété brillamment par Anthony Hopkins, Freud est présenté comme un homme vieillissant, mais toujours aussi vif d'esprit

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 Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika - LE CINÉMA UNDERGROUND : QUAND  L'AMÉRIQUE FAISAIT SON CINÉMA EXPÉRIMENTAL

« La pièce est assez incroyable : les thèmes qu'elle traite m’ont tout de suite accrochés. J’ai toutefois pris le temps de mûrir l’adaptation, ce qui m’a été salutaire ». Matt Brown. 

Le film "Freud's Last Session" (2023), de Matt Brown, nous plonge dans un huis clos intellectuel fascinant entre deux géants de la pensée du 20ᵉ siècle : Sigmund Freud et CS. Lewis. Basé sur la pièce à succès de Mark St. Germain, le film explore les idées, les croyances et les personnalités de ces deux hommes dans un contexte historique tendu, alors que l'ombre de la Seconde Guerre mondiale plane sur l'Europe. En combinant des dialogues incisifs avec des performances captivantes, "Freud's Last Session" offre un regard stimulant sur la rencontre de deux esprits brillants aux convictions radicalement opposées.

L’histoire du film peur se résumer ainsi : Nous sommes en 1939 à Londres, et la Deuxième Guerre mondiale vient d’éclater. C’est dans ce contexte tendu que se déroule une rencontre fictive entre l’écrivain CS. Lewis et le psychanalyste Sigmund Freud, dans la résidence de ce dernier. La quarantaine, le premier est dans la force de l’âge, alors que le second a 83 ans et se meurt d’un cancer. Leurs points de vue sur la vie, la mort et l’au-delà sont bien contradictoires : Lewis, après son athéisme est devenu un apologiste de la foi chrétienne, tandis que Freud ne croit qu’en la science. S'ensuit un passionné débat sur l’existence de Dieu. Ainsi assiste-t-on, au gré de réminiscences provoquées par la discussion entre les deux hommes, à divers événements charnières de leurs vies respectives.

Le contexte historique est crucial pour comprendre les tensions et les peurs qui règnent à l'époque. Alors que l'ombre du nazisme s'étend sur l'Europe, les idées de Freud sur la nature humaine, la religion et la civilisation sont mises à l'épreuve. D'un autre côté, C.S. Lewis incarne la voix de la foi chrétienne, contredisant Freud sur ses vues athées et matérialistes. Ainsi, le film explore des thèmes profonds tels que la foi, la raison, la mort et le sens de la vie.

UN CONFLIT DE CROYANCES CONTRADICTOIRES

Le film est une confrontation ouverte entre deux personnages aux idées et croyances totalement opposées :  Sigmund Freud et CS. Lewis.

Interprété brillamment par Anthony Hopkins, Freud est présenté comme un homme vieillissant, mais toujours aussi vif d'esprit. Sa personnalité est empreinte de sagesse et d'un certain fatalisme face à sa propre mort imminente due au cancer de la mâchoire. Il incarne les idéaux de la psychanalyse, mettant en avant sa croyance en un univers sans dieux et en des désirs inconscients façonnant nos actions. Sa confrontation avec Lewis est le cœur du film, car elle oppose les fondements de la psychanalyse freudienne à la foi religieuse de Lewis.

Interprété par Jonathan Pryce, Lewis représente une voix de la foi chrétienne, mais également de l'intellectuel rationnel. Connu pour ses œuvres telles que "Les Chroniques de Narnia", Lewis est un fervent croyant qui voit dans la religion une réponse aux questions fondamentales sur la vie et la mort. Son dialogue avec Freud est empreint d'une tension intellectuelle captivante, car les deux hommes s'affrontent avec des arguments bien articulés, chacun défendant son point de vue avec ferveur.

L'essence du film réside dans le conflit philosophique et idéologique entre Freud et Lewis. Dès le début, nous sommes témoins d'un affrontement entre la psychanalyse et la religion, entre la croyance en un inconscient déterminant nos actes et la foi en un dessein divin. Les dialogues sont ciselés, chaque réplique portant le poids des décennies de réflexion et de débat sur la nature humaine. Freud, en défenseur de la psychanalyse, argumente que nos désirs inconscients et nos pulsions sont les véritables moteurs de nos actions. Pour lui, la religion est une illusion, une béquille psychologique pour les faiblesses de l'humanité. Il expose sa théorie selon laquelle la religion est une "névrose obsessionnelle universelle", une tentative de l'homme de trouver du réconfort face à l'absurdité et à la cruauté du monde.

En revanche, Lewis réplique avec une croyance profonde en Dieu et en un dessein divin. Il voit la religion comme la réponse ultime aux questions de l'existence et de la moralité. Pour Lewis, la foi est une source de réconfort et de force, offrant un sens à une existence par ailleurs chaotique et tragique. Il souligne l'importance de la moralité basée sur des principes religieux, s'opposant ainsi à l'idée freudienne d'une morale basée sur les désirs individuels.

LA MORT ET LA FRAGILITÉ DE L’EXISTENCE HUMAINE

Au cœur de leurs débats se trouve la question de la mort, un thème omniprésent alors que Freud est confronté à sa propre fin imminente. Son cancer de la mâchoire est une métaphore de sa propre mortalité, de la fragilité de l'existence humaine. Pour Freud, la mort est inévitable, et c'est précisément cette conscience de notre propre finitude qui devrait nous pousser à trouver du sens dans nos vies, plutôt que de nous accrocher à des illusions religieuses.

Lewis, d'un autre côté, trouve du réconfort dans sa foi en un au-delà, en un paradis après la mort. Pour lui, la mort n'est pas la fin, mais le début d'une nouvelle existence dans la présence de Dieu. Ce contraste entre les visions de la mort de Freud et de Lewis est poignant, soulignant les différentes façons dont les individus peuvent affronter l'inévitable.

Ainsi, "Freud's Last Session" de Matt Brown est bien plus qu'un simple débat philosophique entre deux grands penseurs. C'est une exploration profonde des idées qui ont façonné le 20ᵉ siècle, des croyances qui ont guidé des millions de personnes à travers l'histoire. Et à travers les performances magistrales d'Anthony Hopkins et Jonathan Pryce, le film nous offre un regard intime sur la confrontation entre la psychanalyse et la religion, entre la raison et la foi. Avec une réflexion aussi profonde, "Freud's Last Session" reste un film qui résonne bien au-delà de son temps et de ses personnages, nous invitant à nous interroger sur nos propres croyances, nos peurs de la mort et nos quêtes de sens dans un monde incertain.

FILMOGRAPHIE ٍDE MATT BROWN (LM)

« Ropewalk » (2000) ; « L’homme qui défiait l’infini » (2015) ; « Freud’s Last Session » (2023).

 

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