Cinéma, mon amour  de Driss Chouika:''NO COUNTRY FOR THE OLD MEN'', L’UNIVERS SOMBRE ET ANGOISSANT DE LA VIOLENCE

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Le film explore l’univers sombre et très angoissant de la violence sous ses formes les plus brutales.

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« Les capacités techniques des frères Coen et leur sens du classicisme occidental, basé sur le paysage, rappelant Anthony Mann et Sam Peckinpah, sont égalés par peu de réalisateurs vivants ».

John Patterson (The Guardian). 

Adapté du roman éponyme de Cormac McCarthy paru en 2005, grand succès international auprès du public et de la critique, ayant obtenu quatre Oscars lors de la cérémonie de 2008 (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur dans un second rôle pour Javier Bardem et meilleur scénario adapté) en plus d’une quantité impressionnante de prix et récompenses dans plusieurs festivals prestigieux, "No Country for Old Men", le douzième film des frères Joel et Ethan Coen, sorti en 2007, reste bien représentatif de leur cinéma au traitement bien original, sombre et d’une violence extrême.

Dans la lignée des traitements thématiques extrêmement violents chers aux frères Coen, l’action du film se déroule à la frontière entre le Mexique et l'État du Texas, infestée de trafiquants de drogue qui ont depuis longtemps remplacé les voleurs de bétail. Llewelyn Moss tombe par hasard sur une camionnette abandonnée, entourée de cadavres ensanglantés et y découvre une mallette contenant deux millions de dollars. Lorsqu’il prend cet argent, il n'a aucune idée du drame qui a été à la base de cette tuerie, ni des réactions en chaîne d'une violence inouïe que cela va provoquer et que le shérif Bell, un homme vieillissant et sans illusions, n’arrive pas à contenir.

UNIVERS SOMBRE ET ANGOISSANT

Le film explore l’univers sombre et très angoissant de la violence sous ses formes les plus brutales. Dans "No Country for Old Men", Les frères Coen adoptent une approche non conventionnelle de la construction narrative en privilégiant une narration elliptique et fragmentée qui crée une tension constante et maintient le spectateur en haleine. Le film joue sur les attentes du public en utilisant les clichés et les schémas narratifs prévisibles, ce qui renforce l'immersion dans l'univers sombre et angoissant du monde de la violence et du trafic. L'utilisation judicieuse du silence et des espaces vides contribue également à intensifier l'ambiance oppressante et la perception de menace qui imprègne tout le récit.

En effet, la mise en scène de "No Country for Old Men" est d'une grande efficacité, marquée par un sens aigu du détail et une esthétique minimaliste qui renforce l'aspect brut et réaliste du film. Les frères Coen optent pour une approche épurée et dépouillée, privilégiant les grands espaces du Texas pour souligner le sentiment de solitude et d'isolement des personnages. La photographie, signée par Roger Deakins, est d'une beauté saisissante, capturant la beauté sauvage et impitoyable des paysages texans tout en accentuant l'atmosphère sombre et mélancolique du récit. 

VIOLENCE ET MORALITÉ

Les frères Coen nous proposent certes un film sombre et intransigeant, qui explore les recoins les plus sombres de l'âme humaine et nous confronte à des questions existentielles profondes. "No Country for Old Men" aborde les thèmes universels et intemporels de la violence, la destinée et la moralité. Le film interroge la nature humaine et la capacité de l'homme à commettre des actes de cruauté incommensurable pour obtenir ce qu'il désire. Il met également en lumière la fragilité de la moralité dans un monde marqué par la violence et l'immoralité. Il explore également le concept de destinée et la question de savoir si les actions des personnages sont préméditées ou le fruit du hasard.

Le film se distingue par ses personnages complexes et ambigus, tous empreints d'une profondeur psychologique fascinante et angoissante. Llewelyn Moss incarne l'archétype du héros solitaire et téméraire, mais sa descente aux enfers et sa confrontation avec sa propre moralité remettent en question les notions traditionnelles de bien et de mal. Anton Chigurh, le tueur à gages, quant à lui, incarne la figure du mal absolu, un personnage terrifiant et imprévisible dont la présence trouble et dérangeante hante chaque scène. Enfin, le shérif Ed Tom Bell symbolise la figure de l'autorité en déclin, dépassée par la violence croissante et la complexité du monde dans lequel il évolue.

L'atmosphère qui imprègne le film, à cheval entre le western et le thriller, mais bien sombre, âpre, violente et très angoissante, malgré un rythme assez lent, en fait une oeuvre filmique particulièrement réussie des frères Coen, considérée depuis comme l’un des classiques du genre et du cinéma contemporain. Il reste également fidèle au style original des frèrs Coen pour lesquels “Le style n'est pas une chose qui résulte d'une opération consciente : c'est une chose qui se dégage d'elle-même”.

FILMOGRAPHIE DE JOEL ET ETHAN COEN (LM)

« Blood simple » (1984) ; « Raising Arizona » (1987) ; « Miller’s Crossing » (1990) ; « Barton Fink » (1991) ; « The Hudsucker Proxy » (1994) ; « Fargo » (1996) ; « The Big Lebowski » (1998) ; « O Brother, Where Art Thou » (2000) ; « The Man Who Wasn’t There » (2001) ; « Intolerable Cruelty » (2003) ; « The Ladykillers » (2004) ; « No Country For Old Men » (2007) ; « Burn After Reading » (2008) ; « A Serious Man » (2009) ; « True Grit » (2010) ; « Inside Llewyn Davis » (2013) ; « Ave, Cesar ! » (2016) ; « The Ballad of Buster Scruggs » (2018).

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