Culture
LEILA ALAOUI OU L'OMBRE DE L'ABSENTE – Par Mustapha Saha
Leila Alaoui, un radieux sourire et des yeux qui dévoraient la vue à jamais éteints
Huit ans déjà. Leila Alaoui, née le 10 juillet 1982 à Paris, morte le 18 janvier 2016 à Ouagadougou, fauchée par l'hydre noire du fanatisme. Elle avait trente-quatre ans. Un poème de Mustapha Saha en guise d’hommage et de rappel
LA BELLE MAGHREBINE
PAR MUSTAPHA SAHA
Mustapha Saha à une exposition en mémoire de la photographe
Elle dansait pieds nus la belle maghrébine
Sur la route d’exil du penseur muselé
Deux anneaux cadençaient sa danse libertine
Deux bracelets d’argent d’énigmes ciselés
Cependant que ses mains gantées de florentine
Perçaient d’évasures les filins barbelés
Elle dansait pieds nus la belle maghrébine
Sur la rhapsodie bleue de l’incessante errance
Sur le chant de douleur lancinant en sourdine
Sur la flûte envoûtée des nuits sans espérance
Tandis qu’un arlequin confident de l’ondine
Rythmait sur tambourin sa sublime endurance
Elle dansait toujours la belle maghrébine
Quand la lune éclaira l’endeuillée ville verte
La place du marché jonchée de carabines
Le puits des supplices bouche d’enfer ouverte
Le mausolée du saint taché d’hémoglobine
La maison des femmes d’anathèmes couverte
Elle dansa pieds nus la belle maghrébine
Jusqu’à disparaître dans la source naissante
Quand il ouvrit les yeux par une aube marine
La mémoire purgée de ses lubies stressantes
Il sentit reprendre la vie dans la poitrine
Et sur son front courir la brise caressante
* Mustapha Saha, Le Calligraphe des sables, éditions Orion, Casablanca, 2021.