Culture
Les Sultan et le captif, de Moulay Ismail à l’AFP
Seddik Maâninou s’attache particulièrement dans cet ouvrage à corriger l’idée communément admise qu’on a généralement du Sultan Moulay Ismail, produit souvent des historiens et ambassades européennes
''Mon message aux parties est qu'un problème qui dure depuis tant de décennies dans une région du monde où nous assistons […] il est dans l'intérêt de tous de [le] résoudre une fois pour toutes […]’’.
Le patron de l’ONU, Antonio Guterres évoquait en ces termes la question du Sahara et de la texture de sa déclaration, il ne faut pas être un grand clerc ni un super barthésien pour comprendre qu’il s’adresse aussi bien au Maroc qu’à l’Algérie, qu’à la Mauritanie qu’à (accessoirement) au Polisario.
Seulement le correspondant de l’AFP, en vérité l’AFP tout court, aux Nations Unies ne l’a pas entendu de cette oreille, ni de l’autre d’ailleurs, et a persisté à ne voir dans ce conflit que deux parties, Rabat et les milices en-castrées à Tindouf. Le Maroc, par le biais de l’agence MAP, a dit ce qu’il pensait de cette basse besogne, et il n’y a rien à ajouter si ce n’est qu’on ne peut prendre connaissance de ce nouvel épisode dans la longue histoire maroco-française, sans repenser à l’ouvrage de Moahmed Seddik Maâninou, Assoultane oua al-assir (Le sultan et le captif) sorti des presses en arabe en novembre 2021.
L’intérêt du travail de celui qui fut tour à tour, et souvent à la fois, journaliste, présentateur télé, directeur de l’information à la télé puis au ministère de la communication dont il a été avant sa retraite bien méritée, secrétaire général, vient de ce qu’il jette une lumière crue sur la duplicité qui a, pratiquement de tout temps, marqué les relations maroco- françaises : Convoitises, manœuvres dilatoires, pressions de tous genres, manipulations toutes catégories, faux-fuyants, l’ensemble mâtiné d’une constante condescendance.
A travers le captif répondant au nom de Abdelhak Maâninou et des péripéties pour le libérer des mains des Français, l’ouvrage permet à Seddik éponyme de mettre en exergue le rôle de sa famille, qui occupait une place centrale à Salé, au service du makhzen, et particulièrement du Sultan Moulay Ismail. Il serait toutefois réducteur de limiter ce travail documenté à cette aspiration.
Le personnage central du livre reste le Sultan lui-même et ses efforts pour rétablir la paix et la sécurité dans le pays, et le Maroc dans ses droits historiques et territoriaux.
« Moulay Ismail, écrit-il, est ce jeune sahraoui, venant de Tafilalet, qui, dans un contexte compliqué et complexe, a pris la charge d’un Etat à l’histoire glorieuse et qui aspire à l’unité et au développement, déterminé à libérer la terre et à chasser l’intrus ‘’nasrani’’ ».
Seddik Maâninou s’attache particulièrement à corriger l’idée communément admise qu’on a généralement du Sultan Moulay Ismail, tissé sur mesure par des historiens et ambassades européens intéressés et foncièrement partiaux à un moment où l’Europe du 17ème siècle montait en puissance pour devenir au 18ème et 19ème la Puissance par excellence.
Dans Le Sultan et le captif transparait un Moulay Ismail qui se déploie en interne pour unifier les rangs, sécuriser le pays, loin de l’image léguée par la littérature occidentale du sultan assoiffé de sang, amateur de femmes, poly-polygame et prolifique en progéniture. Le Moulay Ismail qui ressort de la plume de Seddik Maâninou est un sultan qui s’échine à l’international à préserver au Maroc son rang, multipliant les ambassades en direction de l’Angleterre, de l’Espagne et surtout de la France et de son roi soleil, Louis XIV, avec lequel il ne désespérait pas de nouer des alliances pour échanger les captifs et l’aider dans les conquêtes françaises, mais aussi et surtout pour obtenir son soutien contre les convoitises des puissances rivales des Français.
Passe dans ce film des personnages de légende, Abdellah Ben Aicha en est un, et haut en couleurs tels Mohamed Tamim, Ben Ibrahim Maâninou ou encore son frère Ali.
L’auteur a d’autant plus de mérite que tout au long de son travail il se heurte à un problème qu’à nos jours perdure encore, celui des sources et de la rareté des archives marocaines. Souvent il est contraint de se fonder sur la documentation française avec ce qu’elle peut comporter comme préjugés et mauvaise lecture des faits sociétaux quand ce n’est pas, tout simplement, la falsification des actes et gestes des autorités marocaines par les ambassades viciées dépêchées auprès des sultans marocains par les différents régimes.
Au-delà de la facilité de sa lecture, souvent attrayante, et des évènements qu’il interroge ou en rétablit le cours, l’ouvrage reste, par ses mises en garde, une bonne entrée en matière pour tout jeune postulant à des études d’histoire.