À la croisée des hommages à ses penseurs et de la mise en valeur de ses avancées territoriales, le Salon international de l’édition et du livre (SIEL) 2025 à Rabat a offert un double regard : celui d’un pays honorant ses figures intellectuelles tout en projetant ses territoires et sa justice dans l’ère numérique.

 Un hommage à l’héritage de Mohamed Bahi Horma

Dans une atmosphère d’hommage et de mémoire, le SIEL 2025 a salué l’œuvre foisonnante de l’écrivain et journaliste feu Mohamed Bahi Horma. La rencontre a permis de présenter le neuvième volume de son encyclopédie, intitulé "Le rêveur meurt, mais son rêve ne meurt pas", rassemblant des articles publiés entre 1959 et 1965 dans Al-Tahrir et Al Moharrir.

L’universitaire Tayeb Bayad a souligné la portée intellectuelle de Bahi Horma, saluée également par le romancier Abdel Rahman Mounif dans son œuvre Urwat Al Zaman Al Bahi. Le chercheur Mahmoud Al Zahi a mis en lumière la pertinence des écrits du défunt dans la documentation des mutations géopolitiques au Maghreb et en Afrique, tandis que M’barek Bouderka, auteur du volume, a rappelé l’engagement de Bahi Horma en faveur des luttes africaines pour l’indépendance et le rôle des intellectuels dans ces combats.

Ce volume, riche de 395 pages, comprend six chapitres et une annexe émouvante : un hommage prononcé par **feu Abderrahmane El Youssoufi à l’occasion du 20e anniversaire de sa disparition.

Berkane : vitrine d’une gouvernance numérique exemplaire

À quelques mètres de là, le SIEL 2025 a également mis en lumière un autre visage du Maroc contemporain, celui de la province de Berkane, modèle avancé de smart city et de gouvernance territoriale intelligente.

Sous le thème "La Smart city au service de l’administration des villes", une rencontre a permis de mettre en avant les transformations opérées dans cette province. Le gouverneur Mohamed Ali Habouha a détaillé les efforts engagés pour améliorer les services publics via le digital, mentionnant la création de l’École Nationale de l’Intelligence Artificielle et du Digital de Berkane (ENIADB) et la première société de développement local dédiée à l’innovation territoriale.

Des actions structurantes, comme la digitalisation des réseaux, la mise en œuvre d’indices de disparité territoriale et la transformation des environnements de travail, ont été saluées.

Le chercheur Taoufiq Boudchiche, associé à l’IRES, a souligné la dynamique enclenchée depuis le discours royal de 2003, évoquant une gouvernance locale participative et transparente.

Une ville, un livre : Berkane à l’honneur

La rencontre a aussi été l’occasion de présenter l’ouvrage "Berkane, la force de l’intelligence", coécrit par Philipe Michel et édité par l’Agence de l’Oriental. Ce livre, fruit de deux années de recherche, met en valeur l’histoire, les ressources et le capital humain de la région. Un film institutionnel projeté lors de l’événement a illustré le positionnement stratégique de Berkane en tant que référence continentale en matière de smart city.

Langue amazighe et littérature marocaine à l’honneur

La 30ᵉ édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL) met en lumière deux piliers de la culture marocaine : l’enseignement moderne de la langue amazighe et l’héritage littéraire de Mohamed Berrada. Une double reconnaissance de l’intelligence linguistique et du rayonnement intellectuel du Royaume.

Mohamed Berrada, une voix majeure de la littérature marocaine

Le SIEL a également rendu hommage à Mohamed Berrada, figure fondatrice de la littérature moderne marocaine. Lors d’une cérémonie émotive, écrivains, critiques et universitaires ont célébré une œuvre marquée par la rigueur intellectuelle, l’engagement culturel et l’exploration constante de la forme romanesque.

Fondateur et président emblématique de l’Union des écrivains du Maroc, Berrada a incarné la modernité littéraire au Maghreb. Il a contribué à la diffusion de la culture marocaine à l’échelle arabe, à travers ses romans, critiques et traductions.

Sa reconnaissance au SIEL, ponctuée par la remise d’un trophée, souligne l’importance de sa contribution dans la construction d’un patrimoine littéraire national fort et respecté.

Enseigner l’amazighe à l’âge adulte : méthodes et ambitions

L’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) a présenté ses dernières avancées dans l’enseignement de l’amazighe aux adultes. Lors d’une conférence dédiée, les chercheurs Kamal Ouqua et Bouchra El Barkani ont mis en lumière les efforts déployés par l’Institut dans le domaine didactique et technologique.

Outre les manuels et guides pédagogiques, l’IRCAM s’est distingué par la mise en ligne du MOOC-IRCAM, plateforme numérique facilitant l’apprentissage à distance. Les chercheurs ont insisté sur l’urgence de développer davantage de ressources humaines spécialisées, tout en capitalisant sur les outils numériques pour pallier ce manque.

L’engagement de l’IRCAM se décline aussi par des partenariats avec des établissements tels que l’IRAT, l’ISIC et l’ISADAC, permettant d’introduire l’amazighe dans la formation de cadres publics et de professionnels de la communication.

Justice, concurrence et digitalisation au service de la sécurité économique

La 30ᵉ édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL) a offert une tribune précieuse aux institutions judiciaires et économiques marocaines pour réaffirmer leur rôle stratégique dans la consolidation de la sécurité économique, à travers une conférence conjointe et le lancement d’une plateforme numérique innovante.

Une justice au service de la compétitivité et de l’investissement

Lors d’une conférence conjointe entre le Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire (CSPJ) et le Conseil de la concurrence, les intervenants ont mis l’accent sur le rôle fondamental de la justice dans la sécurisation du climat des affaires au Maroc. 

Khadija Benjelloun, cheffe de pôle au CSPJ, a souligné que la justice commerciale et administrative constitue un pilier de confiance pour les citoyens et les investisseurs. Elle a insisté sur la primauté du droit comme condition de développement durable et inclusif.

Le secrétaire général du Conseil de la concurrence, Mohamed Abou El Aziz, a rappelé que la Constitution marocaine fonde un système économique garantissant la liberté d’entreprise, la concurrence loyale et l'égalité des chances, contribuant ainsi à l’attractivité du Royaume.

Lancement d’un portail juridique numérique

En marge de cette rencontre, le CSPJ a lancé officiellement la "Bibliothèque Juridique et Judiciaire", une plateforme électronique qui centralise textes de lois, jurisprudences et publications juridiques à destination des professionnels du droit, des chercheurs et du grand public.

Mounir El Mountassir Billah, secrétaire général du CSPJ, a précisé que cette plateforme vise à démocratiser l’accès à l’information juridique, en offrant un outil interactif, gratuit et évolutif, au service de la transparence institutionnelle et de la culture juridique citoyenne.

Une dynamique numérique pour un droit accessible

À travers cette initiative, le CSPJ entend jouer un rôle moteur dans la digitalisation de la justice marocaine. Cette bibliothèque numérique s’intègre dans une stratégie plus large de modernisation des institutions judiciaires, contribuant à la transparence, à l’indépendance de la justice et à l’amélioration du service public.