chroniques
Un si long chemin d'Intissar Haddya - Par Samir Belahsen

À travers ses mots soigneusement choisis et ses récits poignants minutieusement brodés, Intissar arrive à tisser une tapisserie complexe de vies interconnectées, un tableau qui illustre comment les personnages utilisent l’écriture comme un outil de transformation personnelle et collective
Et si écrire devenait une voie de guérison ? Dans "Un si long chemin", Intissar Haddya explore la puissance de l’écriture comme acte thérapeutique, révélant comment les mots peuvent panser les blessures les plus profondes et reconstruire l’identité brisée. Pour Samir Belahcen c’est une plongée littéraire entre douleur, résilience et renaissance.
« J’écris tous les jours depuis l’âge de treize ans. J’avais déjà l’intuition que le bonheur viendrait de l’écriture. »
Erik Orsenna
« Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux »
René Char
Il est largement reconnu que l’écriture est un moyen de réflexion et de catharsis. C’est un outil efficace pour exprimer ses pensées et ses émotions qui favorise le processus d’amélioration, de transformation et de guérison.
Dans "Un si long chemin", le dernier roman d’Intissar Haddya, cette dimension de l’écriture permet de traiter les thèmes de la souffrance, de la mémoire, de la résilience et de la quête d’identité.
À travers ses mots soigneusement choisis et ses récits poignants minutieusement brodés, Intissar arrive à tisser une tapisserie complexe de vies interconnectées, un tableau qui illustre comment les personnages utilisent l’écriture comme un outil de transformation personnelle et collective. Le roman explore les effets bénéfiques de l'écriture sur l'individu pour expliquer le pouvoir de la narration comme moyen d’affronter les traumatismes.
Confronté à ses propres luttes internes, coucher des mots sur la page (ou sur un écran) est une forme de réclamation puis de proclamation de son identité.
Les passages introspectifs permettent aux protagonistes du roman de traverser la douleur, de reconstruire leur histoire et de trouver leur voie vers la transformation, la guérison et la reconstruction. L’écriture n’est en fait qu’une quête pour le sens et la reconstruction. A travers l’acte amoureux de raconter, l’individu peut reprendre progressivement le contrôle sur son propre récit.
L’histoire
Le roman aborde le thème de la résilience les deux histoires de deux femmes, Nadia et Lilia. Un drame de jeunesse et une grande injustice en entreprise. Deux douleurs…
"Un si long chemin" n’est pas une simple exploration littéraire des conséquences de la douleur. C’est un plaidoyer pour l’écriture comme méthode thérapeutique, un outil permettant d’affronter les souffrances passées et d'embrasser l'avenir avec espoir. De survivre puis de vivre…
En exposant la corrélation entre l'écriture et la guérison, l’auteure nous impose une expérience : réfléchir sur sa propre relation à l’écriture et envisager comment puiser dans ce médium pour surmonter ses propres défis. La puissance de sa prose réside dans sa capacité à résonner profondément au sein de chacun de nous, faisant écho à la vérité humaine essentielle que le récit est bien plus qu’une simple évasion, c’est une voie vers la rédemption.
Si les préoccupations d'Intissar se retrouvent dans les travaux de ses prédécesseurs maghrébins qui ont exploré des thèmes semblables (exil, mémoire et réconciliation avec un passé tumultueux), sa spécificité réside dans sa capacité à fusionner des éléments narratifs classiques avec des techniques plus modernes de narration avec beaucoup de réussite. Son usage singulier de la métaphore et celui pointu de la symbolique font émerger des paysages émotionnels inattendus avec un profond regard introspectif.
Pour notre auteure, médecin, l’écriture est un acte de guérison. Son approche de l'écriture cathartique est inspirée par les courants psychanalytiques et existentialistes. La narration devient une forme de redéfinition de soi. Son recours à des images puissantes et son emploi des procédés stylistiques qui préservent l’authenticité émotionnelle, lui permettent de transcender les limites de la langue pour faire surgir la douleur et l'espoir. On se trouve dans un dialogue avec l’auteure nous invitant à réfléchir non seulement à la trajectoire des protagonistes, mais aussi à la nôtre.
L'écriture comme catharsis
Dans ce roman, les personnages se trouvent confrontés à des blessures émotionnelles et psychologiques profondes. L'écriture qu'ils entreprennent est une véritable quête de soi, chaque mot et chaque phrase deviennent des instruments d’exploration intérieure, permettant ainsi une déconstruction des traumatismes accumulés : libération progressive d'émotions refoulées. L’écriture permet aux protagonistes de raconter leur vécu de le comprendre puis de le reformuler. L’écriture devient un espace de réflexion permettant la transformation des blessures en récits qui révèlent des strates enfouies de leur identité, leur permettant de se réapproprier leur histoire.
La guérison par l’écriture dans la littérature
Plusieurs autres œuvres traitent de la guérison par l'écriture : Dans "Écrire pour Guérir", Lena Clarke met en scène deux femmes qui trouvent la guérison à travers une correspondance épistolaire, soulignant le pouvoir thérapeutique de l'écriture.
Rupi Kaur, dans "Écrire pour guérir" propose un cahier d'exercices poétiques pour utiliser l'écriture libre et la poésie comme outils de guérison personnelle.
Jean-Yves Revault dans "La guérison par l'écriture" explore comment l'écriture peut libérer des souffrances et des traumatismes passés. Il propose une vraie approche thérapeutique pour "accoucher de soi-même". Il présente aussi des témoignages pour illustrer l’efficacité de la méthode.
Dans "L'Écriture qui guérit" que Nayla Chidiac vient de publier, la clinicienne explique comment l’écriture peut panser les plaies psychologiques liées à la guerre et au traumatisme. Pour elle l’écriture est un acte physique et émotionnel qui permet de reconnecter le corps à l’âme…
La lecture du roman d’Intissar Haddya et sa prescription d’écriture est une invitation à la reconnexion du corps à l’âme…
Alors, ECRIVONS !