Au chevet du batiment et du logement

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Des mesures d'urgence, des plans de relance sectoriels limités - il manque par exemple celui du tourisme... Oui, sans doute. Et après ? Tout doit être fait pour faire redémarrer la machine économique et les activités pouvant induire et conforter la reprise, plus encore la reconstruction de l'appareil productif. Dans tout cela, un grand chantier : celui du bâtiment et du logement.

"Quand le bâtiment va, tout va... " Cet adage populaire n'a pas pris une ride ; il reste d'une grande pertinence. Où en est-on donc ? Que faut-il faire pour que ce secteur-là soit un accélérateur et un vecteur de la croissance et du développement ? Aujourd'hui, l'état des lieux est préoccupant : La Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) y a fait référence, voici une dizaine de jours, au "Club de l'Economiste» : chute des ventes de l'ordre de 95 %, 90 % des chantiers à l'arrêt, cessation d'activités de près de 10 % des entreprises de construction.

Quelles peuvent être les pistes d'une nouvelle politique ? La première a trait à une offre décorrélée par rapport à la demande. Le marché a des besoins qui ne sont ainsi que partiellement satisfaits. La législation sur l'urbanisme est à revoir ; elle est par trop rigide et inadaptée. Avec la pandémie du virus, s'est affirmée une nouvelle demande avec des besoins particuliers (espace, balcons et terrasses, jardins, espaces verts autour des immeubles,...). Il faudra affiner en menant des enquêtes de terrain pour mieux cerner cette évolution de la demande. Une autre piste intéresse, elle, la question du foncier. La structure du prix du logement au Maroc présente un lourd handicap : celui de la part du foncier ? Dans le moyen et haut standing, elle est de l'ordre de 30-40 %. Dans le logement économique, elle dépasse même les 60% alors qu'un benchmark réalisé par la FNPI a montré que ce taux n'était pratiquement que de 15 % en moyenne. Pourtant, le foncier est largement disponible dans le Royaume, que ce soit au titre du domaine public ou privé de l'Etat ou des multiples terres régies par des régimes juridiques particuliers.

Avec la dématérialisation des procédures, voilà une réforme qui est une ardente obligation et qui ne peut que porter durablement ses fruits pour la relance dans ce secteur. Un promoteur menant un projet se trouve confronté à un véritable "parcours du combattant" ; il lui faut 140 signatures de collectivités locales et d'organismes étatiques et pas moins de 14 mois en moyenne. Ce processus bureaucratique a enregistré une contraction en passant, lors des deux années écoulées, de 63 à 32 signatures ; il doit se poursuivre. La FNPI a fait des propositions dans ce sens : un délai de 33 jours - au lieu des 166 jours actuels - pour l'octroi de l'autorisation administrative d'agrément du projet immobilier. 

Un dossier comme celui de la vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) doit être mis à plat tant il est vrai qu'il a complexifié un secteur déjà en butte à tant de difficultés. La loi 44-00 de 2003 ne permettait pas l'inscription de la vente à la conservation foncière. Et l'acquéreur au titre de la VEFA était de fait un acheteur à terme alors qu'il avait avancé un apport par tranches, sans la sécurité juridique de la livraison du bien et partant la pleine jouissance de la propriété.

Avec le gros dossier du logement social, toute une politique publique est à réévaluer sur de nouvelles bases. Le dispositif actuel prend fin en décembre 2020. Il sera certainement reconduit mais avec quels amendements ? S'il a donné des résultats depuis son entrée en vigueur en 2010, il doit être élargi. Les prévisions actuelles retiennent d’ici 2030 des besoins de 2,5 millions de ce type de logement social. Une approche régionalisée s'impose à l'évidence, compte tenu des besoins des territoires. La détermination du prix au mètre carré appelle également un réexamen, autour de 5.000 DH (HT), comme le proposent les professionnels.

Par ailleurs, la gouvernance des politiques dans ce secteur du bâtiment et du logement ainsi que leur mise en œuvre ne peuvent faire l'économie d'une nouvelle approche. Le nombre des intervenants publics doit être réduit et réarticulé. La maîtrise du foncier commande une stratégie lisible et incitative. Les normes d'urbanisme ne doivent-elles pas être revues ? Il s'agit de sortir de la contrainte de l'horizontalité et d'opter aussi - et surtout ? - pour la verticalité avec des constructions en hauteur ainsi que plus de densité. 

Les avantages de cette rupture sont au moins de deux ordres : l'optimisation du foncier constructible et l'incidence sur le coût de revient des logements puisque sur le même terrain, l'on aurait un multiplicateur de logements. La présente crise frappant tous les secteurs, suivant un impact variable, doit être une opportunité particulière pour prioriser aussi la promotion du bâtiment et du logement. Par-delà la loi de finances rectificative à l’ordre du jour qui est une réponse ponctuelle, les politiques publiques auront à arbitrer. A décider et à mettre en route le processus approprié.

 

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