Des thèses contradictoires autour du NMD

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Chakib Benmoussa lors de la séance d’écoute le 21 septembre 2020 de la délégation du PJD, ici ( à droite) le secrétaire Adjoint du PJD, Slimane El Amrani

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L’annonce du Nouveau modèle de développement (NMD) a donné libre cours à des évaluations subordonnées à des a priori contradictoires.

Pour la gauche, dont la pensée politique est restée figée, le problème réside dans la monarchie exécutive, le NMD n’étant à ses yeux que l’expression de son hégémonie. Ce Modèle, pour avoir ainsi mis fin à tout espoir dans le processus politique, s’érigeant de ce fait en programme gouvernemental, a vidé de sa substance la compétition électorale.

L’autre thèse, non moins extrême, considère que le problème du développement du pays réside dans ses partis politiques. Ce verdict sans appel invoque, pour les disqualifier, la corruption des partis, leur inaptitude à favoriser la promotion interne des compétences, leur absence de vision en matière de gouvernance ainsi que leurs querelles politiciennes aux dépens des intérêts supérieurs du pays. Selon cette thèse, il est temps d’expérimenter la recette du développement comme alternative à la démocratie, déjà adoptée par certains pays émergents qui se sont concentrés sur le développement sans se laisser distraire par les questions de l’édification démocratique.

Le problème des deux thèses est qu’elles parlent d’autre chose que du NMD. Car rien dans le diagnostic ni dans les corpus de ce Modèle ne préconise la monarchie exécutive. Tant s’en faut. Le diagnostic comporte bien au contraire des saillis audacieuses qui pointent le dysfonctionnement des rapports entre les institutions et la difficulté de déterminer les responsabilités, rejoignant pratiquement des critiques formulées par des acteurs politiques qui, après leur passage par la gestion gouvernementale, ont fini par réclamer une réforme constitutionnelle.

Le NMD ne comporte rien qui soutienne la thèse développementaliste aux dépens de la thèse démocratique. Il ne comporte pas non plus d’indicateurs révélant une quelconque référence au modèle chinois affranchi des obligations démocratiques pour réaliser le défi de la croissance. Tout comme rien dans le document n’indique que le train du développement partirait sans le processus démocratique ou ferait l’impasse sur les procédures électorales et politiques.

D’autres évaluations, qui rejoignent la thèse de la gauche, avancent la problématique de la corruption et de la rente comme argument dans leur critique du NMD. Selon cette approche, la dilapidation des richesses dont on ignore la destination ainsi que les possibilités de développement gâchées malgré tous les projets structurants lancés par le Maroc, ne s’expliquent que par la prévarication et la rente couvée par le système. De ce point de vue, nul développement n’est possible sans le démantèlement du système de la rente qui, lui, ne peut être démantelé sans une édification démocratique solide, elle-même dialectiquement tributaire du respect de l’indépendance décisionnelle des partis.

En réalité, ce diagnostic figure également dans le NMD et il serait superfétatoire de discuter un document sans en cerner l’ensemble des détails et des subtilités. Mais est-ce à dire que le rapport sur le NMD est parfait et qu’il n’y a plus qu’à le mettre en œuvre ?

Nullement. Le problème avec ce document est précisément sa structure synthétique, pour ne pas dire syncrétique, alimentée par les évaluations des acteurs politiques et civils soumises à la partie chargée de sa formulation finale. Par conséquent, chaque tendance s’y reconnaîtra, mais chacune aussi y trouvera à redire.

La question majeure que pose le rapport s’articule autour de deux volets. Le premier consiste à savoir si ce document propose une nouvelle version, alternative aux choix précédents, et présente de ce fait le fondement d’une entente politique volontariste apte à servir de socle à un consensus national atour de la démocratie et du développement. Ce qui ferait, le cas échéant, gagner aux Marocains un temps précieux, dilapidé d’habitude dans les querelles partisanes, mais également dans le conflit latent et lancinant entre l’administration territoriale et les forces démocratiques.

Le second volet concerne la méthodologie et se rapporte aux modalités de la mise en œuvre de ce Modèle.  Sera-t-il traité de la même manière que le rapport du Cinquantenaire, ou définira-t-il plutôt les grandes lignes du programme gouvernemental qui, en règle générale, est l’aboutissement du processus politique et électoral ?

En attendant que les intentions et les desseins se clarifient, l’on est tenté de considérer que ce Modèle est de nature à constituer une nouvelle déclinaison de la praxis politique au Maroc qui mettrait fin au débat qui se mord la queue sur la monarchie parlementaire/monarchie exécutive. 

Le NMD serait ainsi un contrat-programme entre la volonté de l’Etat et celle de la classe politique. Sous cet angle, le politique serait complètement affranchi des contraintes de sa soumission à la volonté de l’Etat. Le Nouveau modèle étant dans cette composition le garant de l’accordement des projets politiques sur la volonté de l’Etat, il mettra un terme au problème de la confiance entre les institutions qui a souvent retardé ou bloqué le développement.

Pour ce qui touche à la méthodologie, la réponse sera apportée par la campagne de communication de la Commission du NMD avec les partis. L’appropriation du document par les formations politiques pourrait se traduire par un engagement politique à son égard, tandis que les réserves qu’il susciterait constitueraient l’espace gris où interagiront les dynamiques politiques.

Ainsi, si le Maroc parvient à la faveur de ce document à résoudre le problème de la confiance entre les institutions - en faisant du NMD  un contrat entre l’Etat et les partis de manière à permettre leur émancipation de la soumission  quotidienne des forces politiques aux contraintes de l’Etat, le pays aura assurément mis les pieds sur la voie du progrès et du décollage.

 

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