Algérie : L’hashtag qui perturbe la junte qui se lance à son tour dans une tentative maladroite de récupération - Par Taieb Dekkar

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Face à une renaissance du Hirak, sous une autre forme, le pouvoir tente de s’approprier le mouvement en ordonnant à l’appareil de l’État et ses connexions médiatiques d'engager un large débat public pour détourner de ses objectifs celui lancé sur les réseaux sociaux. 

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La junte militaire algérienne semble vouloir récupérer à son profit le malaise social enclenché par l’hashtag «manich Radi » qui exprime à la fois l’insatisfaction et la révolte. C’est qu’elle redoute que cet hashtag annonce la relance du Hirak qui avait en 2019 détrôné le président Bouteflika et provoqué la panique au sein du système de gouvernance en Algérie tente comme à son habitude. Pour rappel le régime militaire algérien n’a du son salut à l'époque qu’à la pandémie de la covid-19 qui avait provoqué bien évidemment la suspension provisoire du Hirak, qui s'est éternisé par une interdiction officielle en bonne et due forme, et soutenue par une vague d’arrestations parmi les activistes du Hirak.

L’Hashtag de la colère

Aujourd’hui, le pouvoir, face à une renaissance du Hirak, sous une autre forme, tente de s’approprier le mouvement en ordonnant à l’appareil de l’État et ses connexions médiatiques d'engager un large débat public, y compris sur les plateaux de télévision, sur les problèmes auxquels sont réellement confrontés au quotidien les Algériens, particulièrement ceux soulevés dans l’Hashtag. Ce dernier avait été imputé d’ailleurs et comme d’habitude au Maroc et à la France, « les ennemis traditionnels de l’Algérie », qui ne veulent que du mal à ce pays, contrairement à « ses bonnes intentions et sa bonne volonté à leur égard ».

 A court d’idées, la junte voudrait noyer l’hashtag dans un océan de la propagande médiatique publique, afin de minimiser son impact auprès de l’opinion.

Toutefois, la stratégie improvisée et précipitée des services de renseignements algériens risque de produire les effets inverses, avec l’étalage des problèmes auxquels les Algériens sont quotidiennement confrontés. Le débat public escompté conduit directement et automatiquement à la mise en cause des gouvernants et à leur incapacité, en dépit des énormes ressources sous-sol du pays, à assurer l’approvisionnement du marché en produits alimentaires, sans les bousculades ni les heurts, qui se produisent fréquemment et épisodiquement dans ce riche pays gazier et pétrolier.

Un système à bout de souffle

La junte militaire algérienne, qui a échappé belle à plusieurs Hirak populaires, qui se sont succédés en Algérie, au cours de ces quatre dernières décennies, plus précisément en 1988, en 1992-2000 et en 2019, risque cette fois-ci de payer la facture globale de tous ses échecs et ses résistances au changement réclamé par le peuple algérien, au prix de plusieurs milliers de morts et de disparus, et d’une lourde fracture sociale. L’armée nationale populaire (ANP), se proclamant héritière de «l’armée de libération nationale » qui avait conduit à l’indépendance du pays, avait paradoxalement retourné les armes contre des milliers d’Algériens, tués parce que réclamant la démocratie et la liberté, ils contestaient la mauvaise gouvernance de leur Etat qu’ils n’ont cessé de désirer civil plutôt que militaire.

Le pays est aujourd’hui dans une grave impasse. Outre le cul-de-sac économique et social, l’Algérie, u système à bout de souffle, est dans un bourbier diplomatique régional et international. La junte a montré au fil de ses 70 ans qu’elle est incapable de garantir à l’Algérie le respect à l’international et au peuple algérien une vie digne, ne serait-ce qu’en assurant la disponibilité sur les étals des produits alimentaires de première nécessité.

 A chaque soulèvement les Algériens ont revendiqué le droit de connaitre la destination réelle des revenus immenses générés par le pétrole et le gaz, pendant plusieurs décennies. A chaque affrontement avec l’armée à laquelle ils demandent de se limiter aux casernes, ils exigent de servir ce que la junte militaire algérienne faisait des immenses ressources du pays qu’elle prétend mettre au service des causes d’un pseudo prestige à l’international, en s’autoproclamant avocat d’un tiers monde qui ne lui a rien demandé, et shérif qui ‘’prend la défense’’ de tous les peuples opprimés sauf du sien. Une charge internationale prétentieuse et dispendieuse, quand bien même elle pouvait être fondée à une autre époque sur une guerre de libération surestimée et survendue.