Après la tentative d'assassinat de Trump, déferlement de théories sur les tenants d’un mystère habituel aux USA

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Des partisans de l'ancien président américain et candidat républicain à la présidence Donald Trump participent à la caravane "In Trump we Trust" près de son centre de villégiature Mar-a-Lago à West Palm Beach, en Floride, le 14 juillet, un jour après une tentative d'assassinat lors d'un rassemblement en Pennsylvanie. (Photo Giorgio VIERA / AFP)

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Dès les premières minutes après la tentative d'assassinat de Donald Trump, des théories sur les tenants ont déferlé sur internet, certains évoquant un tireur aux "ordres" du président Biden ou de l'"Etat profond", d'autres dénonçant un "simulacre" destiné à faire de l'ex-président un héros.

Ainsi par exemple, la vidéo en gros plan d'une spectatrice "suspecte" au meeting tenant une pancarte "Biden" ou une photo d'agents de service de sécurité tout sourire tenant un Donald Trump ensanglanté, ont circulé massivement sur X, en anglais, français ou portugais notamment, comme autant de "preuves" que l'attentat était "organisé", "planifié".

Peu importe si la femme à la casquette portait selon toute vraisemblance la même pancarte que ses voisins "Joe Biden, you're fired" ("Joe Biden, tu es viré"), et que la photo des agents a vraisemblablement été retouchée, selon les recherches de l'AFP, les rumeurs inondent le web depuis le meeting en Pennsylvanie samedi.

D'innombrables internautes ont aussi tenté d'identifier eux-mêmes le tireur, assurant à tort, notamment, qu'il s'agissait d'un YouTubeur italien.

La vidéo d'un homme se filmant dans sa voiture et laissant entendre qu'il était le tueur a aussi massivement circulé, bien que nombre de médias américains aient estimé qu'il s'agissait d'un canular.

Pour le chercheur en sciences politiques Julien Giry, l'hystérie collective du weekend autour de cet événement n'est pas une surprise, "à un moment pareil et avec un personnage pareil". "C'est presque l'absence de théories conspirationnistes qui aurait constitué une surprise, presque une anomalie", poursuit-il.

D'autant que la multitude d'images, officielles et amateur, de l'événement, fournit "la possibilité de créer un discours alternatif" selon lui.

La tentative d'assassinat en elle-même, renchérit M. Giry, "apporte du crédit au fait que c'est un homme qui est menacé, qu'il a peut-être voulu aussi mener des combats trop puissants contre les forces prétendument occultes – l'+Etat profond+ par exemple".

L'"Etat profond" ou "Deep State" est une croyance en vogue dans les milieux complotistes américains d'extrême droite, en particulier la mouvance QAnon, qui prétend qu'il existerait une sorte d'Etat secret parallèle, tirant les ficelles du monde au profit d'intérêts de groupes privés.

Côté démocrate, la thèse d'une mise en scène 

Le journaliste Anthony Mansuy, spécialiste de la sphère complotiste américaine, souligne lui "la réaction assez incroyable des cercles centristes et démocrates", qui ont aussitôt dénoncé un simulacre, avec le mot-clé #staged (mis en scène).

Très vite, des comptes prodémocrates ont assuré que le sang sur le visage de Donald Trump était faux, et que le Secret Service" (chargé de la protection de Donald Trump) avait orchestré ce moment avec l'ancien président.

Ce qui montre, selon Anthony Mansuy, "que personne n'est immunisé contre les fantasmes des théories du complot". "L'évènement peut prêter à se poser des questions", tempère-t-il, "mais on bascule dans le complot quand on part en croisade à partir d'éléments pas vérifiés".

Un travers dans lequel certains sont tombés du fait, selon lui, "d'une combinaison de trois facteurs réunis de la machine complotiste: un activisme très fort, un traumatisme socio-politique et des dégradations systémiques", qui pousse les individus, "quand ils ne peuvent plus, à cause de ces facteurs, attendre des infos de médias, à se demander: +à qui profite le crime?+".

La facilité d'accès des réseaux sociaux, ajoute-t-il, peut galvaniser les individus dans l'idée qu'"on participe tous à l'enquête/hystérie collective".

"On observe dans les deux camps politiques américains des signes de conspirationnisme accru", explique Imran Ahmed, directeur du Centre de lutte contre la haine en ligne, interrogé par le Washington Post. "Les théories du complot fournissent une histoire simple pour donner à chacun une raison de ne pas affronter la réalité".

Dans leurs publications, beaucoup font référence à l'assassinat du président Kennedy en 1963 en se demandant "on ne va pas nous refaire le coup du tireur isolé?".

"Depuis 1967-68, vous avez à peu près entre 70 et 80% des Américains, toutes variables socio-démographiques, socio-politiques confondues, qui sont absolument persuadés que JFK est victime d'une conspiration", rappelle Julien Giry. La tentative d'assassinat contre Ronald Reagan, blessé gravement à quelques mois des élections en 1981, revient aussi dans tous les esprits.

Reste, que les USA, habitué à ce type d’attentats politiques ou contre les politiques s’échinent à toujours adopter une version qui exclut l’organisation et préfère l’initiative individuelle, alors même que dans la filmographie américaine pullulent les scénarios de la conspiration où armée, CIA, FBI et bien d’autres officines ne sont jamais loin. 

Le concept de "complexe militaro-industriel" en Amérique a été popularisé par le président américain Dwight D. Eisenhower. Dans son discours d'adieu le 17 janvier 1961, Eisenhower a mis en garde contre l'influence croissante de ce complexe, qui désigne la relation étroite entre les forces armées, les industries de défense et le gouvernement. Il a souligné les dangers potentiels de cette alliance pour la démocratie et l'économie américaine, en insistant sur la nécessité de maintenir un équilibre entre la sécurité nationale et les libertés civiles. Et c’est un autre président, Brak Obama qui a reparlé et pris à son compte ce concept dans ses mémoires sur son passage à la Maison Blanche, Une terre promise.

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