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Au Maghreb comme au Sahel, le régime algérien sème le mauvais voisinage - Par Mouhcine Sadki
Bamako dénonce l’existence sur le territoire algérien de bureaux assurant la représentation de certains groupes signataires de l’Accord pour la paix et la sécurité au Mali issu de processus d’Alger, devenus aujourd’hui des acteurs terroristes et se demande ce que serait le sentiment des autorités algériennes, si le Mali accueillait au plus haut sommet de l’Etat des représentants du mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie.
Par Mohcine Sadki
Le gouvernement malien n’avait pas tort en condamnant, jeudi dernier, le comportement du régime algérien à l’égard de Bamako, avant d’annoncer la « fin avec effet immédiat » de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali de 2015, issu du processus d’Alger. Le Mali a, en effet, dénoncé ce comportement basé sur le mauvais voisinage et l’ingérence dans les affaires internes des autres pays, notamment ceux du Maghreb et du Sahel qui partagent des frontières avec l’Algérie.
L’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays
Le gouvernement de transition malien a condamné, jeudi, “les actes inamicaux et les cas d'hostilité et d'ingérence dans les affaires intérieures du pays” par les autorités algériennes, qui “portent atteinte à la sécurité nationale et à la souveraineté du Mali”.
Usant de sa présidence du Comité de suivi de l’Accord de paix au Mali, l’Algérie avait accueilli, au cours des derniers mois, au niveau de la présidence de la République, les dirigeants des organisations Azawad (Touarègues) du nord du Mali et l’imam Mahmoud Dicko, imam de la confrérie Kountiya.
Les autorités de Bamako avaient rejeté l’insistance du régime algérien à imposer de manière unilatérale un délai de transition au Mali et « l’accueil sans concertation ou notification préalable et au plus haut sommet de l’Etat algérien de citoyens maliens subversifs et de citoyens maliens poursuivis par la justice malienne pour actes de terrorisme ».
Bamako dénonce aussi l’existence sur le territoire algérien de bureaux assurant la représentation de certains groupes signataires de l’Accord pour la paix et la sécurité au Mali issu de processus d’Alger, devenus aujourd’hui des acteurs terroristes.
Le gouvernement de transition malien explique qu’il « serait curieux de savoir le sentiment des autorités algériennes, si le Mali accueillait au plus haut sommet de l’Etat des représentants du mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie ».
En fait, pas un seul pays voisin de l’Algérie n’a été épargné par ses tentatives d’ingérence dans ses affaires intérieures, le Maroc en premier, dès les années 60. L’Algérie n’a cessé d’héberger et former à la subversion des Marocains hostiles à leur pays pour finir par envoyer, en 1973, des groupes armés sur le territoire marocain dans une vaine tentative de porter atteinte à sa stabilité interne, et s’acharne depuis 1975 à abriter et à financer les séparatistes du Polisario, avec la volonté manifeste de disloquer l’unité territoriale du Royaume.
Cette velléité interventionniste du régime algérien, dirigé par l’institution militaire, s’est illustrée historiquement par l’attaque en 1980, depuis la Libye de la ville tunisienne de Gafsa où la main d’Alger a été dénoncée par de hauts responsables tunisiens de l’époque. Plus récemment, l’ingérence ces dernières années dans les affaires intérieures de la Tunisie, s’est manifestée par l’incitation du président Kaïs Saïed à opérer un coup de force contre le processus démocratique dans ce pays et à jeter en prison de nombreux d’opposants. L’Algérie l’a également poussé à adopter une position hostile au Maroc, en accueillant le chef du Polisario Brahim Ghali, le 26 août 2022, en marge de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD 8), provoquant ainsi une crise dans les relations maroco-tunisiennes, traditionnellement basées sur la fraternité, la solidarité et la coopération sans faille.
Le régime algérien n’a également lésiné sur aucun moyen pour s’ingérer dans les affaires intérieures de la Mauritanie, en vue de torpiller ses relations avec le Maroc et pousser Nouakchott à le suivre dans ses positions hostiles à l’intégrité territoriale du Royaume et isoler le Maroc de son prolongement africain.
Sans remonter aux démêlés du premier président mauritanien, Mokhtar Ould Daddah avec le président Houari Boumediene et à toutes les péripéties de la Mauritanie depuis, il y a lieu de citer, pour illustration seulement, l’expulsion par le gouvernement mauritanien, le 24 avril 2015, du premier conseiller de l’ambassade d’Algérie à Nouakchott, Belkacem Cherouati, pour son implication dans la publication sur le journal électronique mauritanien « Albayane » d’un article portant atteinte aux relations extérieures de la Mauritanie avec le Royaume. Ce comportement a été décrié comme une ingérence dans les affaires intérieures du pays et un acte incompatible avec le statut diplomatique du diplomate expulsée.
Au début de l’année dernière, des journalistes mauritaniens ont dénoncé un communiqué de l’ambassade d’Algérie à Nouakchott, qualifiant les actes de cette chancellerie comme « une tentative flagrante d’impliquer Nouakchott dans des conflits fictifs ».
Les journalistes mauritaniens ont estimé que le communiqué de l’ambassade d’Algérie à Nouakchott « comporte des ordres aux autorités mauritaniennes, un comportement inadmissible auquel il faudrait mettre un terme pour qu’il ne se reproduise plus ».
Le communiqué des journalistes précise que l’ambassade d’Algérie tente de « contrôler la presse mauritanienne, de la mépriser et de l’assujettir pour la mettre au service de son agenda politique », soutenant que « cette tentative risible révèle néanmoins un autre aspect du travail de cette chancellerie, qui suscite crainte et préoccupation et appelle au plus haut degré de précaution et de vigilance ».
« En tant que Mauritaniens, nous respectons l’Algérie et nous aimons son peuple fier et agréable par égard aux liens de sang, d’histoire et de destin commun. Mais l’histoire regorge de coups de poignard qui nous ont été assénés par ses dirigeants, ses militaires et ses nébuleuses transsahariennes », souligne encore le communiqué.
De son côté, la Libye n’a pas échappé à l’ingérence du régime algérien dans ses affaires intérieures. Outre son soutien au gouvernement de Tripoli et son hostilité affichée à des personnalités représentant l’Est de la Libye, dont le Général Khalifa Haftar, commandant en chef de l’armée libyenne, le régime algérien a ordonné à ses renseignements extérieurs de s’infiltrer dans les localités de Ghadamès et Ghat dans le sud-ouest de la Libye. L’objectif étant d’attirer les dirigeants des Touarègues et les mettre au service de son agenda, de prendre le contrôle des ressources économiques de la région et de favoriser l’implantation de la compagnie SONATRACH dans les champs pétrolifères de la région.
Parrainage du terrorisme dans la région
En réaction à la suspension de l’Accord issu du processus d’Alger, le régime Tebboune-Chengriha a menacé d’allumer la guerre civile au Mali, après avoir alimenté des années durant tous les ingrédients de la déstabilisation dans ce pays. L’Algérie a en effet abrité et financé le terroriste Iyad Agh Ghali, dirigeant du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), auteur de plusieurs attaques armées contre les forces maliennes. L’Algérie a également parrainé le premier responsable de ce la soi-disant « Al-Qaida au Maghreb islamique » Abdelmalek Droudkel, qui dirigeait les nébuleuses jihadistes dans la région du Sahel, avant d’être abattu, en juin 2020, dans la ville malienne de Tessalit par les forces françaises.
Le régime algérien continue toujours de parrainer le terrorisme au Maghreb, en apportant gîte et financement aux milices du Polisario en vue de soumettre constamment la région aux tensions et à l’instabilité.
Le mythe des satellites dans l’orbite algérienne
Les autorités maliennes ont accusé l’Algérie de se comporter avec leur pays « comme leur arrière-cour ou un Etat paillasson, sur fond de mépris et de condescendance ». Or, cette posture algérienne ne concerne pas uniquement le Mali, mais l’ensemble des pays voisins de l’Algérie au Maghreb et dans la région du Sahel que les dirigeants du Palais El Mouradia considèrent, on ne sait au nom de quoi, comme des satellites qui tournent autour de son orbite. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler comment le président Abdelmajid Tebboune ressasse, toute honte bue, que son pays est « une force de frappe » dans la région, ou encore comment les autres responsables se complaisent à répéter que l’Algérie est un pays-pivot dans le continent africain.
Pour illustrer cette posture condescendante infondée et prétentieuse du régime algérien à l’égard de ses voisins, couplée à ses velléités interventionnistes dans leurs affaires intérieures, il serait fort à propos de rappeler comment le ministère algérien des Affaires étrangères avait annoncé de manière unilatérale, le 2 octobre 2023, que le Niger avait accepté son initiative du retour à l’ordre constitutionnel, suite au putsch militaire ayant renversé le président Mohamed Bazoum. Le lendemain, le ministère Affaires étrangères, de la coopération et des Nigérians à l’extérieur, s’est trouvé dans l’obligation de publier un communiqué dans lequel il affirme que le Niger n’a pas accepté la médiation algérienne ayant proposé aux militaires une phase de transition de six mois, précisant que la période transition ne peut être défini que par « un dialogue national inclusif » propre aux Nigériens.
Le comportement du régime algérien avec son voisinage s’est toujours caractérisé par le rejet de toutes relations bilatérales basées sur le respect, l’égalité et la coopération portée par les intérêts mutuels. Dans cet esprit, le régime algérien s’est inlassablement investi dans les basses besognes consistant à affaiblir les pays voisins, à torpiller les efforts visant la construction de l’Union du Maghreb arabe, et à faire capoter les efforts de coopération sécuritaire et militaire entre les pays du Sahel en vue de faire face au terrorisme. S’arrogeant un droit usurpé au leadership fictif dans la région, il était loin de réaliser que, par cette politique immature, il a fini par sombrer dans un isolement total que viennent de lui rappeler, comme une gifle en pleine figure, les réponses sèches du Mali et du Niger, en riposte à des positions qui touchent à leur dignité et à leur souveraineté.
L’ingratitude envers les pays ayant soutenu la révolution algérienne
Dans ses actes et comportements actuels, nuisibles aux voisins, le régime algérien a renié les contributions précieuses de ces pays au soutien de la révolution algérienne. D’ailleurs, c’est ce que le gouvernement malien a relevé dans son dernier communiqué, en rappelant que le Mali a fait de son territoire une base-arrière pour les combattants algériens en vue d’ouvrir un front au sud dans le combat contre la colonisation française. Faut-il le rappeler, mais l’ex-président Abdelaziz Bouteflika a servi à partir de ce front, à côté de Mohamed Chérif Messaadia, l’un des pontes du FLN, de son nom de guerre Abdelkader le Malien. Le Mali, rappelle-t-on encore, a contribué aux opérations armées contre le colonialisme français, a déployé ses combattants aux côtés des Moudjahidines à l’intérieur même du territoire algérien et défendu la cause algérienne dans les fora internationaux.
En évoquant l’ingratitude du régime algérien, le Mali se trouve dans la même situation des autres pays du Maghreb (le Maroc, la Tunisie et la Libye) qui ont servi de bases-arrières à l’armée de libération nationale, en lui fournissant armes et soutien. Immédiatement après l’indépendance, le régime algérien a commencé à nuire aux pays voisins en vue de les affaiblir et à attiser les tensions et les discordes dans la région, dont le conflit artificiel autour du Sahara marocain qu’il n’a cessé vainement d’exacerber, dans l’objectif de morceler l’unité territoriale du Royaume.
L’Algérie instrumentalise l’Accord de paix au Mali
Les autorités maliennes ont justifié la fin de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, par l’incapacité de la médiation internationale à garantir le respect des engagements imposés aux groupes armés signataires, malgré les plaintes présentées dans ce sens, ainsi que par l’instrumentalisation de cet Accord par les autorités algériennes qui président le comité de suivi de sa mise en œuvre.
La réalité est que le contrôle par le régime algérien de la mise en œuvre de cet Accord et son instrumentalisation au service de son propre agenda étaient patents dès la première réunion du Comité international chargé de son exécution.
L’Accord n’a pas été élaboré avec la vision d’instaurer la paix au nord du Mali et de réaliser une réconciliation entre les autorités centrales à Bamako et les organisations touarègues au nord, mais plutôt pour maintenir la plaie malienne toujours béante, sans aucun espoir de stabilité. C’est ce qu’a confirmé l’ancien ambassadeur de France au Mali Nicolas Normand dans un article publié, le 9 juillet 2020, par le journal Le Monde et dans lequel il conclut que l’Accord issu du processus d’Alger entre Bamako et les rebelles armés a créé plus de problèmes qu’il n’en a réglés.
Pipé dès le départ, ledit Accord convenait parfaitement bien au régime algérien, qui aimerait voir le Mali toujours instable et à la merci d’un Accord dont il préside le Comité de suivi de mise en œuvre. Pas plus d’ailleurs que ce régime ne verrait d’un bon œil une éventuelle amélioration des conditions de vie des Touarègues dans le nord du Mali, avec tout le risque que cela implique pour le sud algérien, là où se trouve la manne pétrolière et où vivent les Touarègues qu’il gouverne avec une poigne de fer.
C’est la raison pour laquelle le régime algérien, par souci de maintenir sous sa coupe martiale les Touarègues du sud algérien, ne peut se permettre de fermer l’œil sur ce qui se passe avec les Touarègues dans son voisinage, notamment en Libye, au Mali et au Niger. Perfide, il garde toujours à l’œil le reste des pays voisins et s’ingénie constamment à ourdir les complots pour leur nuire, car la seule chose où il a prouvé savoir exceller, c’est fomentation des complots et la politique de mauvais voisinage.