International
Comment le Mossad tente d’intimider les magistrats de la CPI
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, s'exprime lors d'une conférence de presse au Palais San Carlos à Bogota, le 25 avril 2024. Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a déclaré le 20 mai 2024 qu'il avait demandé des mandats d'arrêt pour les crimes de guerre des principaux dirigeants d'Israël, Netanyahu et Gallantn et du Hamas. (Photo par Luis ACOSTA / AFP)
Pressions, écoutes téléphoniques, intimidations et même menaces physiques : pour empêcher que ses dirigeants ne se retrouvent dans le collimateur de la Cour pénale internationale (CPI), Israël a mené ces dix dernières années une véritable guerre de l’ombre contre cette institution. C’est ce qu’a révélé une enquête du quotidien britannique The Guardian et du site d’information israélien +972, publiée mardi 28 mai, rapporte le quotidien français Le Monde qui assure avoir « pu recouper les principaux enseignements auprès de ses propres sources.
Toutefois, « ces actions clandestines ont échoué à dissuader la Cour de se pencher sur le conflit en cours à Gaza (…) Mais, jusqu’à la dernière minute, Israël a tenté de dissuader Karim Khan de passer à l’action, en utilisant tous les leviers possibles, « jusqu’aux menaces personnelles », explique une source à la Cour, indique Le Monde.
Quand la Palestine a obtenu son adhésion à la CPI, en avril 2015, l’Etat hébreu a mis en place une stratégie d’Etat visant à neutraliser tout risque de mise en cause de ses dirigeants et de ses soldats. Selon le quotidien britannique, Yossi Cohen, chef du Mossad de 2016 à 2021 et intime de Benyamin Nétanyahou, « a personnellement dirigé » cette opération. M. Cohen n’a pas répondu aux questions des journalistes.
Ce dernier s’était présenté dans la chambre d’hôtel de la procureure à New York, sans avoir été annoncé au préalable pour montrer « à la procureure une photo d’elle prise lors d’un voyage à Londres avec son mari. Une source précise au Monde que Mme Bensouda aurait aussi été photographiée lors d’un déplacement privé pour un mariage au Qatar. Selon les sources internes à la CPI qui se sont confiées au quotidien britannique, Yossi Cohen aurait implicitement menacé la procureure : « Vous devriez nous aider et nous laisser prendre soin de vous. Vous ne voulez pas vous engager dans des choses qui pourraient compromettre votre sécurité ou celle de votre famille », lui a-il dit.
Ce qui n’a. pas empêché en 2019, Fatou Bensouda d’annoncer « son intention d’ouvrir une enquête sur les crimes commis par Israël à l’encontre des Palestiniens. Elle demande au préalable aux juges de lui préciser les limites du territoire sur lequel elle est compétente. Au même moment, l’avocat général d’Israël dépose un mémoire de 34 pages à la Cour, rejetant sa compétence. « Ils avaient accès au dossier, c’était évident », affirme une source à la CPI.
Il aura fallu l’assaut du 7 octobre et les bombardements et l’invasion de Gaza qui ont fait à ce jour plus de 35 000 morts, « pour que le procureur Karim Khan, successeur de Fatou Bensouda, se décide à relancer l’enquête de la CPI, jusque-là au point mort. Fin novembre, il se rendait en Israël et à Ramallah, où « les renseignements israéliens ont suivi de près la visite », écrit +972, citant une source israélienne, car, comme pour Fatou Bensouda, « le renseignement israélien surveille aussi les activités de Khan ».
Le 21 mai dernier Josep Borrel, chef de la diplomatie européenne, a sommé Tel-Aviv de ne pas les juges de la CIJ, M. Borrell a aussi critiqué sans ménagement le gouvernement israélien pour sa réaction à la décision de trois pays européens de reconnaître de manière concertée le 28 mai un Etat palestinien, l'accusant de voir systématiquement dans toute action qu'il désapprouve "une attaque antisémite".
"Je demande à tout le monde, à commencer par le gouvernement d'Israël, mais aussi certains gouvernements européens, de ne pas intimider les juges (de la CPI), de ne pas les menacer, de ne pas essayer d'influer sur leur décision", a déclaré M. Borrell dans une interview à la télévision publique espagnole TVE, appelant au "respect de la Cour pénale internationale".».