Contesté, le président palestinien Abbas victime de la mort des accords d’Oslo

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Un jeune Palestinien pousse un pneu en feu lors d'affrontements avec les forces de sécurité israéliennes dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 20 octobre 2023, dans le cadre des batailles entre Israël et les militants du Hamas. e. (Photo par YURI CORTEZ / AFP)

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Inaudible, jugé déconnecté de son peuple et confronté à une grogne de la rue, le président palestinien Mahmoud Abbas, apparaît comme une victime politique collatérale de la guerre qui fait rage à Gaza entre ses rivaux du Hamas et Israël. 

Il paye ainsi la bonne foi de l’OLP et du Fattah de Yasser Arafat dans le processus de paix d’Oslo. Un processus payé en une monnaie de singe faites, au mépris de toutes les résolutions de l’ONU et de son Conseil de sécurité, de tueries, de bombardements, d’annexion de blocus et d’extension des colonies avec toujours l’objectif de détruire la Mosquée d’Alaqsa pour faire renaitre à sa place, 2000 ans après sa destruction, le supposé temple de Salomon dont l’existence, du moins dans les dimensions qu’on lui donne, n’est pas prouvée.

Fidèle processus de paix d'Oslo dont il a été le grand architecte en 1993 et qui était censé conduire à la création d'un Etat palestinien a beau être dans une impasse totale depuis plus de dix ans, en réalité depuis l’assassinat de son artisan coté israélien Itzhak Rabbin en novembre 1995, M. Abbas s'accroche toujours à un règlement négocié du conflit israélo-palestinien.

Et ce malgré l'intensification de la colonisation israélienne qui morcelle la Cisjordanie, au point d'empêcher pratiquement la création d'un Etat palestinien continu et viable, malgré l'augmentation des violences entre l'armée israélienne et des groupes armés palestiniens et malgré la montée des exactions de colons juifs contre des civils palestiniens dans ce territoire occupé par Israël depuis 1967.

Cette position tranche avec l'humeur d'une rue excédée par l'impuissance de M. Abbas et l'Autorité palestinienne face à un gouvernement israélien formé fin décembre par Benjamin Netanyahu grâce au soutien d'une extrême droite fascisto-sioniste partisane de l’extermination des Palestiniens.

Depuis le début de cette énième guerre, M. Abbas est resté très discret, alors que de nombreux Palestiniens, partisans du Hamas ou pas, saluaient sur les réseaux sociaux ce qu'ils considèrent comme "une défaite humiliante" d'Israël, et affichaient leur soutien au groupe.

Plus de 1.400 personnes ont été tuées côté israélien depuis le 7 octobre, en majorité des civils massacrés par le Hamas ce jour-là, selon les autorités israéliennes. Dans la bande de Gaza, près de 5000 Palestiniens, ont été tués dans les bombardements incessants menés par l'armée israélienne, selon le dernier bilan des autorités locales, tandis que le pire est toujours attendu.

"Abbas dégage!" -

Le 16 octobre, une déclaration publiée par l'agence officielle palestinienne dans laquelle M. Abbas affirmait que "les politiques et les actions du Hamas ne représentent pas le peuple palestinien", a suscité des réactions indignées, avant d'être retirée.

Le lendemain, la frappe d'origine contestée dans l'enceinte de l'hôpital Ahli Arab de Gaza, qui a fait plusieurs centaines de morts, a déclenché des manifestations en Cisjordanie. A Ramallah, des centaines de Palestiniens ont protesté aux cris d'"Abbas dégage! dégage!" avant d'être dispersés manu militari.

"Abbas a parié sur la communauté internationale en croyant qu'elle contraindrait Israël à se retirer des territoires occupés pour donner aux Palestiniens un Etat", analyse pour l'AFP Ubai Aboudi, directeur du Bisan Center for Research and Development, un centre de réflexion basé à Ramallah.

"Or la communauté internationale a montré qu'elle fait peu de cas du sang versé par les Palestiniens et de leur souffrance, d'où la colère populaire", ajoute-il.

Selon une enquête d'opinion publiée en septembre par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PSR), avant la guerre, 78% des Palestiniens étaient favorables à une démission de M. Abbas, 88 ans. Au pouvoir depuis 2005, son Autorité ne s'exerce que sur des portions de la Cisjordanie, après avoir été délogée de la bande de Gaza en 2007 par le Hamas.

En outre 58% des personnes interrogées étaient favorables à la "lutte armée" pour mettre fin à l'occupation israélienne, contre 20% pour un règlement négocié et 24% pour une "résistance pacifique".

"Perdant-perdant" 

Aux yeux de ceux qui la contestent, "l'Autorité palestinienne est de plus en plus assimilée, soit par inaction, soit par coopération sécuritaire, à la politique d'Israël", estime le politologue Xavier Guignard, spécialiste des Territoires palestiniens.

"Il y a vraiment la dénonciation qu'Abbas a été incapable de réagir à la hauteur de ce qui se passait à Gaza", ajoute l'expert du centre de réflexion Noria.

Pour Hugh Lovatt, chercheur au Conseil européen des relations internationales (ECFR), "avec le durcissement de l'opinion publique palestinienne en faveur de la résistance armée, l'Autorité palestinienne prend le risque d'être emportée si elle continue à ne pas suivre la voix du peuple palestinien".

La position de M. Abbas est d'autant plus intenable qu'il est "poussé par les Etats-Unis et Israël à réprimer plus durement le Hamas et les autres groupes armés en Cisjordanie, ce qui éroderait davantage sa position", note-t-il.

"Coincée entre l’opinion publique et les attentes américaines, l’Autorité palestinienne a jusqu'à présent évité de prendre une position claire, ce qui ne l'a pas aidée non plus. Il se trouve donc dans une position perdant-perdant", ajoute l'analyste. (Quid avec AFP)