International
CPI: MANDAT D'ARRÊT CONTRE NETANYAHOU - Par Mustapha SEHIMI
Le mandat d’arrêt lancé contre Netanyahu et Gallant est une victoire politique et morale pour les Palestiniens. Leur cause rallie une majorité des opinions publiques dans le monde et particulièrement en Occident. Des organisations internationales des droits de l'homme (Human Right Watch, Amnesty internal…) des pratiques assimilées à l’apartheid ou/et aux crimes de guerre contre les Palestiniens
Le 24 novembre, la Cour pénale internationale (CPI) a décerné des mandats d'arrêt contre Benjamin Netabyahou, Premier ministre d'Israël, et Yoav Gallant, son ancien ministre de la Défense. Des actes faisant suite à l'enquête du Procureur de la CPI concernant la "Situation dans l'État de Palestine".
***
Ce haut magistrat avait sollicité le 20 mai 2024 contre ces deux responsables israéliens en leur reprochant d'être responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité qui auraient été commis par Tsahal dans le cadre des opérations de guerre menées dans la bande de Gaza depuis l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023. C'est en réponse à cette requête que la Chambre préliminaire I de la CPI a délivré ces deux mandats. Ils donnent ainsi très largement raison à la demande du Procureur.
Crimes de guerre et contre l'humanité
Il faut préciser pour commencer qu'un mandat d'arrêt n'est a priori pas public. La Chambre a expliqué que des faits similaires à ceux visés par ces deux mandats sont en train de se commettre. Elle semble donc considérer que la divulgation de leur contenu serait justifié par la nécessité d'alerter sur la continuation actuelle des crimes visés par ces mandats alors que ceux- -ci concernent la période entre le 8 octobre 2023 et le 20 mai 2024, qui est la date de la requête du Procureur. Elle ajoute que cette communication intervient aussi dans l'intérêt des victimes et de leur famille. L'incrimination consiste dans l'emploi de la famine comme méthode de guerre. MM. Netanyahou et Gallant auraient sciemment privé la population civile de Gaza de nourriture, d'eau, de médicaments, de carburant et d'électricité en entravant ou limitant l'aide humanitaire. Il précise que ces restrictions ne répondaient pas à un objectif militaire et que seule une aide humanitaire minimale a été autorisée. L'incrimination regarde aussi des crimes contre l'humanité conformément à la requête du Procureur. Les opérations de guerre menées par l'armée israélienne dans la bande de Gaza avaient donné lieu à une attaque généralisée et systématique contre sa population civile; et que, dans ce cadre, auraient été commis des crimes contre 1'humanité par meurtres, persécutions et autres actes inhumains.
Respecter le droit international humanitaire
Cela dit, quels sont les effets de ces mandats d'arrêt ? Ils n'ont pas d'effet immédiat, MM. Netanyahou et Gallant vivent en Israël qui n'est pas un État membre de la CPI. Le principal effet de ces mandats d'arrêt est a priori de les empêcher de se rendre dans un État ayant adhéré au statut de la CPI. Cette adhésion leur fait obligation d'en respecter les décisions et notamment d'exécuter les mandats d'arrêt décernés par celle-ci, s'ils sont en position de le faire. Il est difficile pour un État de droit de refuser de respecter les mandats d'arrêt qui s'imposent à lui en vertu d'une convention internationale à laquelle il a librement consenti d'adhérer. Il faut préciser que 139 États ont signé le Statut de Rome, adopté le 17 juillet 1998 et entré en vigueur le 1er juillet 2002; que 123 pays ont ratifié ou adhéré à cette convention internationale; et que plusieurs grandes puissances (États-Unis, Chine, Inde, Russie,...) ainsi qu'Israël n'y sont pas partie. C'est également le cas de onze pays africains (Angola, Cabo Verde, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Libye, Maroc, Sao-Tomé-et- Principe, Somalie, Soudan du Sud, Zimbabwe. Pour les pays arabes, seuls quatre d'entre eux sont membres de la CPI (Jordanie, Djibouti, Mauritanie et Palestine).
La CPI a aussi lancé le même jour un mandat d'arrêt contre Mohamed Deïff, chef militaire du Hamas, la preuve de son décès étant cependant fortement présumée sans être formellement rapportée. Simultanément, des mandats d'arrêt visent Ismaël Hanieh, chef du bureau politique du Hamas et Yahia Sinouar, chef du Hamas dans la bande de Gaza, tous deux tués par l'armée israélienne avant que la chambre préliminaire ait pris sa décision- des requêtes retirées ensuite par le Procureur. Le mandat d'arrêt contre Mohamed Deïff porte sur les qualifications de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Les faits en cause sont ceux commis le 7 octobre 2023, Mohamed Deïff aurait eu en cette circonstance à la qualité de coauteur.
Les pays du G7 réunis près de Rome, le 26 novembre, ont fait savoir qu'ils respecteraient leurs obligations " respectives" vis-à-vis des mandats émis par la CPI à l'encontre du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. Le communiqué des ministres des Affaires étrangères précise en substance: "En exerçant son droit à se défendre, Israël doit pleinement respecter ses obligations face au droit international en toutes circonstances, y compris le droit international humanitaire". Mais il ajoute aussi "qu'il ne peut y avoir d'équivalence entre le groupe terroriste Hamas et l'État d'Israël".
Palestine: victoire morale et politique
Avec ces deux mandats d'arrêt, la justice pénale internationale se trouve à un moment charnière. Ils viennent donc s'inscrire après ceux délivrés le 17 mars 2023 contre Vladimir Poutine et la commissaire russe aux droits de l'enfant, Maria Lvova- Belova, puis ultérieurement contre des responsables militaires et politiques de la Fédération de Russie. Des questions se posent à propos de ces mandats. Seront-ils susceptibles d'effets ou n'auront-ils in fine qu'une valeur symbolique ? En effet, la CPI n'a aucune force de police pouvant mettre à exécution ses décisions. Si bien qu'elle ne peut compter que sur la coopération internationale - pas moins de 70 pays n'ont pas adhéré au Statut de Rome créant cette juridiction... Et la crainte que peut susciter la délivrance d'un tel mandat d'arrêt reste bien relative. En septembre dernier, le président Poutine s'est rendu en Moldavie, État qui est pourtant partie au traité de Rome; aujourd'hui, le président Viktor Orban, a immédiatement adressé une invitation à Benjamin Netanyahou, à se rendre en Hongrie qui a elle aussi ratifié ce traité.
En l'état, il n'est pas possible de juger un jour les personnes visées par de tels mandats. Les textes régissant la CPI ne le permettant pas, la Cour ne peut pas ainsi juger par défaut ou in abstentia (par contumace), comme ce fut le cas en 1945-1946 à Nuremberg pour le dirigeant nazi Martin Bormann, ou encore récemment, au Tribunal spécial pour le Liban (TSL) créé en 2007 après l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri (Résolution 1757 du Conseil de sécurité). Une telle procédure, sous certaines conditions, pourrait-elle être introduite dans le traité de Rome créant la CPI ? C'est souhaitable mais pas réalisable, les uns et les autres s'accommodant que cette haute juridiction soit réduite à un rôle de "spectateur engagé".
Pour autant, c’est une victoire politique et morale pour les Palestiniens. Leur cause rallie une majorité des opinions publiques dans le monde et particulièrement en Occident. Des organisations internationales des droits de l'homme (Human Right Watch, Amnesty international...) ont dénoncé des pratiques assimilées à l'apartheid ou aux crimes de guerre contre les Palestiniens.