DE QUI SE MOQUE-T-ON ? – Par Gabriel Banon

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Plus de coups fourrés, promis, juré. En effet, poursuivant sa nouvelle profession de foi, la CIA reconnait quelques-unes de ses mauvaises actions, mais c’est fini. L’ex-président Jimmy Carter doit sourire d’aises, lui qui a déclaré « ce n’est pas bien d’espionner ses voisins »

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LE DEBAT EST-IL ENCORE POSSIBLE AUJOURD'HUI ? Par Gabriel Banon

La CIA (Central Intelligence Agency) est indécrottable. Un des éléments le plus connu du Soft Power américain continue à prendre les citoyens de tout pays, pour des idiots sans mémoire ni discernement.

Renouant avec les lubies qu’avait eues en son temps le président Carter durant son mandat à la Maison Blanche, elle déclare Urbi et orbi qu’elle a changé.

Dorénavant, dès la lecture de la préface, on apprend que l’Agence américaine du renseignement va espionner à visage découvert ! En effet, dans son récent ouvrage intitulé : « Les nouvelles menaces sur notre monde, vues par la CIA » elle déclare : « Face à un ancien agent du KGB, Vladimir Poutine, maître des illusions et des manipulations, la CIA a inventé une nouvelle méthode : employer l’information non pas pour dissimuler, mais pour faire éclater la vérité. De façon inédite, les agents de l’ombre ont choisi comme arme la lumière.»

Plus de coups fourrés, promis, juré. En effet, poursuivant sa nouvelle profession de foi, elle reconnait quelques-unes de ses mauvaises actions, mais c’est fini. L’ex-président Jimmy Carter doit sourire d’aises, lui qui a déclaré « ce n’est pas bien d’espionner ses voisins » et avait commencé le démantèlement de la CIA. L’Agence a mis quelques années pour se remettre de l’ère Carter.

Aujourd’hui, face un ennemi comme la Russie, véritable Satan, la meilleure réponse est l’angélisme !

Tout le monde y croit, voyons.  La CIA n’hésite pas, dans le style de la confession et des regrets, d’écrire : « Une succession d’échecs, comme de n’avoir pas pu empêcher les attentats du 11 septembre 2001, ou d’avoir dû monter de toutes pièces le dossier des armes de destruction massive de Saddam Hussein pour justifier l’invasion de l’Irak en 2003, avaient porté un coup à son aura, tout comme les révélations sur ses activités de surveillance domestique.

« La guerre contre le terrorisme islamiste avait aussi transformé la CIA. L’agence avait dû justifier la pratique des « interrogatoires poussés », euphémisme désignant la torture, dans des centres secrets à l’étranger. Elle avait développé une force aérienne secrète de drones tueurs, indépendante de l’US Air Force, éliminant ses cibles grâce à ses avions sans pilote. » 

Mais tout cela c’est fini, on ne mentira plus, on ne tortura plus ni n’éliminera quiconque. C’est en transformant de fond en combles l’Agence de renseignements que l’on va justement maitriser les menaces qui pèsent aujourd’hui sur le monde et neutraliser cette bête immonde qui veut la perte de l’Occident, la Russie et tout ce qui se rangerait à ses côtés, c’est-à-dire le reste du monde, ou presque.

C’est le propos du livre que vient de publier la CIA sous ce titre racoleur. 

C’est un ouvrage, dont la préface est assurée par les journalistes français Adrien Jaulmes et Lucas Menget. Il est en fait essentiellement, la compilation de deux documents : le rapport d’évaluation de la communauté américaine du renseignement et l’audition des responsables de la CIA et autres agences de renseignement devant la Chambre des représentants. 

La première partie du livre est assez classique. Elle traite des menaces auxquelles doivent faire face les États-Unis (et leurs alliés ?) dans le monde actuel. Selon la communauté du renseignement américain, les quatre principales menaces étatiques actuelles sont la Russie, la Chine, grande concurrente des États-Unis et challenger au titre de première puissance mondiale ; l’Iran, qui déstabilise le Moyen-Orient et enfin la Corée du Nord qui menace ses voisins.

À côté de ces menaces étatiques figurent des menaces transnationales qui peuvent se cumuler et engendrer des crises à répétition comme la récente pandémie. La criminalité transnationale et les migrations sont également analysées. Enfin, le terrorisme mondial est cité en dernier, ce qui devrait être une indication majeure.

La deuxième partie aurait pu être plus intéressante. C’est la retranscription de l’audition par la Chambre des représentants de William Burns, patron de la CIA et Avril Haines la directrice du renseignement national américain sous l’administration de Joe Biden. L’audition portait essentiellement sur la guerre en Ukraine. On peut y mesurer le sérieux de l’exercice car on y parle surtout de la santé mentale de Vladimir Poutine, la menace nucléaire russe, ou encore la guerre de l’information — ou de la désinformation en cours.

La dernière partie de l’ouvrage est purement factuelle.  L’ensemble souffre des limites dans l’analyse.

On pourrait regretter l’absence d’une réelle analyse prospective sur les issues possibles de la guerre en Ukraine, par exemple. 

La question qui se pose à la lecture de ce livre, véritable entreprise d’enfumage est : De qui se moque-t-on ?

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