France et Allemagne, deux crises politiques en miroir

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La présidente du groupe parlementaire du Rassemblement national, Marine Le Pen (C), applaudie par le groupe parlementaire du Rassemblement national (RN), rejoint son siège après avoir prononcé son discours lors du débat précédant les votes de défiance qui a fait tomber le gouvernement d eMichel Barnier. (Photo Alain JOCARD / AFP)

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Par Céline LE PRIOUX (AFP)

L'Allemagne a les yeux rivés sur les rebondissements de la crise politique en France, un mois après avoir vu voler en éclat son propre gouvernement de coalition.

Le voisin d'outre-Rhin se console-t-il quand il se compare ? Pas vraiment. Dirigeants affaiblis, montées des extrêmes, économie sous tension: les deux moteurs traditionnels de l'Union européenne sont fragilisés.

Des dirigeants affaiblis 

Merkel, Schröder, Kohl ... aucun chancelier allemand n'a eu de cote de popularité aussi basse qu'Olaf Scholz, régulièrement bon dernier dans les classements des personnalités politiques allemandes.

Le dirigeant social-démocrate (SPD) de 66 ans est considéré comme le "visage" de l'échec de la coalition de centre-gauche, marquée par des disputes internes incessantes, dont les Libéraux ont été chassés le 6 novembre.

Malgré des sondages qui le donnent largement perdant, Olaf Scholz est candidat à un nouveau mandat en vue des législatives anticipées le 23 février.

Il est "probablement le candidat à la chancellerie le plus faible, le moins approprié que le SPD ait jamais présenté", selon le magazine Der Spiegel.

En France, la popularité d'Emmanuel Macron est au plus bas depuis son arrivée au pouvoir en 2017, ou depuis la crise des gilets jaunes l'année suivante, selon les baromètres. Seul son prédécesseur François Hollande a connu avant lui une impopularité plus grande.

Des systèmes en bout de course 

"En France et en Allemagne, les deux systèmes semblent arrivés au bout d'une certaine logique", constate Jacob Ross, chercheur à la société allemande pour la politique étrangère (DGAP).

En France, se profile une crise des institutions de la Ve République, caractérisées jusqu'ici par un président très puissant et une assemblée soumise. Cette assemblée sans majorité claire ne fonctionne plus avec trois blocs qui s'opposent: le parti d'extrême droite Rassemblement national (RN), l'alliance de gauche Nouveau Front Populaire (NFP) et le camp de Macron.

L'Allemagne dispose toujours, jusqu'aux prochaines élections, d'un gouvernement mais il est désormais minoritaire, composé des seuls sociaux-démocrates et écologistes. Régi par des coalitions, concept clé de la culture politique allemande, le pays est confronté à "la difficulté grandissante de trouver des majorités stables avec des partis contestataires", comme l'AfD à l'extrême droite et le BSW, nouveau parti de gauche anti-système.

L'extrême droite est en forte progression dans les deux pays mais n'occupe pas la même place dans le jeu politique.

Après sa troisième place au second tour des législatives de juillet, le RN a pu revendiquer un rôle d'arbitre dans la laborieuse quête d'un Premier ministre puis dans les débats législatifs.

En Allemagne, l'AfD reste exclu de toutes les négociations, de toutes les discussions: le cordon sanitaire persiste, alors que le parti est crédité de la deuxième place aux législatives à venir.

Marine Le Pen a beaucoup travaillé à dédiaboliser son parti, ce qui n'est pas le cas de la direction de l'AfD, avec qui elle a rompu dans les instances européennes. Les deux formations n'appartiennent pas au même groupe dans le parlement européen.

Dette : Allemagne 1/ France 0 

Pendant que le Parlement français s'empoigne pour tailler dans les dépenses budgétaires, les appels se multiplient en Allemagne, y compris chez les conservateurs, pour que le pays assouplisse ses règles drastiques d'endettement afin de relancer l'économie.

La France est confrontée à une dette abyssale (112% du PIB fin juin) et enregistre cette année un sérieux dérapage de son déficit public (6,1% du PIB attendu en 2024).

Avec un ratio de dette à 63% du PIB l'an dernier, l'Allemagne fait figure de bon élève.

Mais après une contraction de l'activité économique l'an dernier, la première économie de l'UE, s'attend à un nouveau recul du PIB cette année , de -0,2% selon les prévisions du gouvernement.

L'industrie allemande subit de plein fouet la faible demande mondiale et des coûts de l'énergie élevés, avec une kyrielle de plans sociaux dans les secteurs de l'automobile, la chimie, la sidérurgie.

De nombreuses annonces de plans sociaux assombrissent aussi l'horizon en France, même si la croissance résiste et pourrait atteindre 1,1% cette année selon le gouvernement. L'inquiétude est plus grande pour l'an prochain, compte-tenu des incertitudes politiques et budgétaires.

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