IMMIGRATION : UN CAMOUFLET - Par Mustapha SEHIMI

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Emmanuel Macron président de. La république française - Les membres de l'exécutif français ne se sont pas exprimés quant à la constitutionnalité de leur texte, sur l’immigration, mais ont reconnu - "assumé" même - cette inconstitutionnalité

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La décision était attendue. Jeudi 25 janvier, le Conseil constitutionnel français a censuré une bonne partie de la loi immigration et émis des réserves d'interprétation sur d'autres. Il avait été saisi, les 26 et 27 décembre dernier, par le président de la République, la présidente de l'Assemblée nationale, plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs. Un "camouflet" salué par la gauche, un "coup de force" pour l'extrême-droite... 

Ces dispositions censurées, introduites en quasi-totalité par le Sénat, portent notamment sur :

  •  L'instauration de quotas migratoires ;

  •  L'exigence d'une durée de séjour régulier imposé aux étrangers pour l'accès à certaines allocations (aides personnelles au logement-APL, allocations familiales...); le durcissement du regroupement familial;

  • Les restrictions sur l'accès au séjour des étrangers malades;

  • Le dépôt d'une "caution de retour" pour les étudiants étrangers

  • Le rétablissement du délit de séjour irrégulier;

  • Les conditions d'accès à la nationalité française des jeunes nés en France de parents étrangers;

  • La prise d'empreintes digitales d'un étranger clandestin sans son consentement;

  • Les conditions d'hébergement d'urgence des étrangers visés par une mesure d'éloignement;

La prise en compte dans l'attribution de l'aide publique au développement du degré de coopération des États étrangers en matière de lutte contre l'immigration irrégulière.

Les Sages ont censuré plus du tiers des articles de la loi Immigration. Trente-deux sont jugés sans lien suffisant avec le texte, dont le durcissement de l'accès aux prestations sociales et au regroupement familial. Trois autres articles sont censurés partiellement ou totalement sur le fond, dont l'instauration de quotas migratoires fixés par le Parlement. 

Dans le détail, la mesure très controversée allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales (APL, allocations familiales...) a ainsi été totalement censurée. Idem pour le resserrement des critères du regroupement familial (avec une durée de résidence requise passant de 18 à 24 mois), l'instauration d'une «caution retour » pour les étudiants étrangers ou la fin de l'automaticité du droit du sol pour les enfants d'étrangers nés en France. L'instauration de quotas migratoires annuels déterminés par le Parlement après un débat obligatoire, elle, a été jugée inconstitutionnelle, ce qui fera jurisprudence. Le projet de loi conserve néanmoins la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants, l'un des objectifs du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Sans surprise, l'article sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, qui avait cristallisé les débats de l'automne, est bien validé par les Sages. 

Les 32 mesures, ajoutées par amendements, invalidées par le Conseil constitutionnel, ont été logiquement écartées. D'autres dispositions étaient litigieuses, et n'ont pas fait l'objet de censure. Un certain nombre d'articles n'ont pas l'objet d'examens par le Conseil constitutionnel, alors même que selon un collectif de juriste qui a travaillé sur la question, ces dispositions étaient très problématiques au regard des droits des libertés. On peut penser par exemple aux nouvelles conditions du regroupement familial qui s'appliqueront à l'avenir à Mayotte. Il y a une disposition pour les mères étrangères d'enfants français à Mayotte: pour avoir un titre de séjour, il faut qu'elles prouvent que les pères de ces enfants s'occupent d'eux depuis la naissance, ou pendant au moins trois ans.

Côté politique, les réactions n'ont pas tardé. Le Conseil constitutionnel a validé « l'intégralité du texte du gouvernement », s'est félicité le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. « Jamais un texte n'a prévu autant de moyens pour expulser les délinquants et autant d'exigence pour l'intégration des étrangers », a écrit sur X (ex-Twitter) le ministre, qui « prend acte » de la censure des ajouts obtenus par la droite au texte initial du gouvernement. « Camouflet », « claque », « baffe monumentale » : la gauche a salué dans la foulée la large censure du texte. Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure juge que « le gouvernement portera comme une tache indélébile l'appel à voter » la loi Immigration. Exprimant sur X « sa satisfaction » après la décision du Conseil constitutionnel, il souligne qu'avec cette loi, le gouvernement s'était «aligné sur les positions historiques de l'extrême droite sous la pression de LR ». 

De son côté, le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, a estimé que la loi Immigration, « totalement amputée » par la censure du Conseil constitutionnel, n'a «aucune légitimité» et doit dorénavant « être retirée » par le gouvernement.  Même son de cloche du côté de l'ONG Amnesty International, pour qui la censure partielle du projet de loi est « une victoire », comme a réagi lors d'un rassemblement associatif à Paris le président de l'ONG Amnesty international, Jean-Claude Samouiller. L'ONG sera « vigilante » à ce que la partie du texte censurée «ne revienne pas par la fenêtre » avant la promulgation de la loi, a-t-il ajouté. 

À l'inverse, le patron du Rassemblement national, Jordan Bardella, a dénoncé « un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République lui-même ». « La loi Immigration est mort-née. La seule solution, c'est le référendum sur l'immigration », a-t-il insisté. Côté LR, le patron des Républicains, Eric Ciotti, a appelé à une réforme  constitutionnelle « plus que jamais indispensable pour sauvegarder le destin de la France ». « Cette censure était attendue par Emmanuel Macron et la gauche », a réagi sur X le député des Alpes-Maritimes. Selon lui, les membres du Conseil constitutionnel « ont jugé en politique plutôt qu'en droit ». 

Le texte avait été durci par le Sénat, où la droite est majoritaire, après son rejet à l'Assemblée nationale, consécutif à l'adoption d'une motion de rejet préalable. Ce sont 86 articles - sur 27 au départ - qui avaient été finalement retenus par une commission mixte paritaire  et définitivement votés le 19 décembre par le Parlement. Des articles empruntant, selon leurs nombreux détracteurs, aux thématiques de la   « préférence nationale » de l'extrême droite - le Rassemblement national et de la droite conservatrice - Les Républicains -, comme - l'instauration de quotas migratoires ou le durcissement du regroupement familial.