Inondations en Espagne: les habitants d'Utiel en plein cauchemar

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Le 31 octobre 2024, les sauveteurs se sont lancés à la recherche des survivants et des victimes des inondations sans précédent qui ont tué au moins 95 personnes en Espagne et laissé les villes submergées par un déluge de boue. (Photo de JOSE JORDAN / AFP)

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Maisons inondées, arbres arrachés, carcasses de voiture retournées sur la chaussée: Utiel, petite ville située près de Valence, porte les stigmates des inondations historiques dans le sud-est de l'Espagne qui ont fait au moins 95 morts.

"Il n'y a plus rien à sauver", soupire Emilio Muñoz, les bras croisés devant son petit pavillon en briques rouges. "J'ai tout perdu en une nuit", raconte ce retraité.

Les yeux brillants, il rembobine le fil d'une nuit "inédite". "La pluie est tombée sans s'arrêter de 17H00 à 05H00", témoigne le septuagénaire, qui vit à deux pas du rio Magro.

La rivière, qui s'écoule dans la province de Valence, est sortie de son lit et "l'eau est rentrée dans ma maison et a tout retourné", explique-t-il. Un voisin, venu lui prêter main forte, confirme que "tout est à jeter!".

Murs, plafonds, meubles sont gorgés d'eau. Même le lustre en cristal de la salle à manger est recouvert de feuilles et d’arbustes, illustrant la puissance des eaux.

"Je venais de refaire ma cuisine", se lamente M. Muñoz, qui espère "que les assurances ne fuiront pas".

Dans les rues d'Utiel, tout le monde est à pied d'oeuvre pour remettre en état une ville défigurée et à laquelle la boue marron donne une nouvelle couleur.

Mardi, la localité de 10.000 habitants située à quelque 80 km à l’ouest de Valence, a reçu en un jour près de six fois plus d’eau que sur un mois d’octobre ordinaire (40 mm en moyenne de 1991 à 2020).

A titre de comparaison, en 2023, il n’avait plu que 12,8 mm sur tout le mois, soit 18 fois moins que le 29 octobre 2024.

Elan de solidarité 

L'électricité et l'eau sont coupées depuis mardi soir et le réseau mobile peine à fonctionner.

"Nous espérons rétablir l'électricité dans la soirée", a indiqué un responsable de la Guardia Civil. En attendant, des groupes électrogènes ont été installés dans toute la ville.

Des pelleteuses déblayent sans discontinuer d'épaisses couches de boues sur la chaussée, tandis que des tracteurs-remorques récupèrent des pavés, des pneus ou des câbles électriques pour permettre aux secours de circuler.

A Utiel, un élan de solidarité s'est créé, chacun tentant de rendre service en prêtant une pelle, en apportant des bouteilles d'eau ou en offrant des bras pour ouvrir les portes de garages obstrués par la boue.

De jeunes bénévoles effectuent du porte à porte pour s'assurer qu'"aucune personne n'a été oubliée". "On doit aider nos aînés, on ne peut pas rester à ne rien faire", explique Ricardo, 16 ans.

Balai à la main, Maria Gómez tente de sauver "quelques objets" de sa papeterie. "On fait ce qu'on peut, les secours sont débordés, alors on se débrouille seul et surtout on doit garder le moral, il ne nous reste que cela", philosophe la jeune femme.

Épaulée de sa mère, elle dégage péniblement des branches arrachées qui ont atterri dans sa boutique.

"Je n'avais jamais vu autant de pluie et d'eau dans ma vie", assure la trentenaire. "Je n'ai rien compris à ce qui s'est passé, la rivière a débordé, puis tout est allé très vite. L'eau est montée à plus d'un mètre", explique la commerçante.

Debout près du río Magro, Sonia Alvarez montre du doigt sa voiture. "Elle flotte, elle est foutue", s’emporte la jeune mère de famille qui attend un remorqueur "qui ne vient pas".

Ses trois enfants et son mari sont à Valence. "La route est fermée, je vais devoir passer la nuit sans ma famille", regrette-t-elle. La jeune femme est "à bout" et tue le temps en regardant sur les réseaux sociaux des vidéos des inondations. "Il y a toujours pire que nous", lâche-t-elle. (Quid avec AFP)