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Inondations en Espagne: quand la désinformation aggrave la catastrophe
Des bénévoles nettoient les eaux boueuses à Catarroja, dans la région de Valence, dans l'est de l'Espagne, le 8 novembre 2024, à la suite d'inondations meurtrières. (Photo CESAR MANSO / AFP)
Explications mensongères sur l'origine du sinistre, faux messages des pouvoirs publics, bilans erronés: les inondations qui ont ravagé le sud-est de l'Espagne ont entraîné la publication de nombreuses fake news sur les réseaux sociaux, alimentant la colère contre les autorités.
Les pluies torrentielles tombées notamment sur la région de Valence, équivalentes par endroits à un an de précipitations, ont fait selon un bilan toujours provisoire 219 morts, et provoqué le chaos dans de nombreuses localités, défigurées par des torrents de boue.
Dans ce contexte dramatique, des messages frauduleux se sont mêlés aux annonces officielles, au risque de provoquer une panique supplémentaire et d'entraver le travail des pompiers, des policiers et des secours sur le terrain.
Un avis d'expulsion des riverains des rivières Magro et Mijares, à Valence, a ainsi circulé. C'était un faux: les autorités ont bel et bien demandé aux habitants de s'éloigner de ces cours d'eau le soir du 29 octobre, mais elles n'ont pas exigé qu'ils sortent de leurs maisons plusieurs heures plus tard.
Selon les Équipes de soutien opérationnel virtuel (Esov), un collectif faisant de la veille en ligne dans les situations de crise, le risque de ce genre de message est de créer de la panique chez les habitants, les poussant à mettre leur vie en danger en quittant de "façon désordonnée" leurs domiciles.
Aux premiers jours, de l’inondation, l’inimaginable pluie torrentielle qui serait provoquée par le Maroc dans une attaque inédite, a circulé sur les réseaux sociaux.
Un autre faux communiqué a été émis quelques heures après les intempéries, renvoyant vers un numéro d'urgence à appeler en cas d'absence de réponse sur la ligne officielle des services d'urgence. De quoi faire perdre du temps aux personnes en situation de danger.
"Ces fake news nous ont causé des problèmes", a dénoncé le chef des pompiers de la région de Valence, José Miguel Basset. "On a parlé d'évacuations, de débordements, de rupture de barrages... Rien de tout cela n'était correct et cela a entravé fortement le travail des équipes d'urgence", a-t-il ajouté.
"Discours irresponsables"
La désinformation s'est également portée sur la recherche de coupables, alimentée par la colère et la frustration. Avec en particulier une infox, récurrente en Espagne: la supposée "destruction de barrages" à laquelle aurait procédé le gouvernement de Pedro Sánchez, qui aurait aggravé la tragédie.
En Espagne, aucun grand barrage n'a en réalité été détruit ces dernières années. Seules des petites retenues d'eau en mauvais état ou inutiles ont été démolies, parce qu'elles étaient justement susceptibles de provoquer ou aggraver des inondations, selon César Rodriguez, de l'Association AEMS Rivières vivantes.
De nombreux utilisateurs ont également profité du désastre pour assurer qu'une "géo-ingénierie climatique", c'est-à-dire des techniques de manipulation du climat, serait derrière les intempéries. Une façon, souvent, d'écarter la responsabilité du changement climatique.
Mais la science est claire: ni les prétendus "chemtrails" (traînées de condensation laissées par les avions) ni le projet de recherche américain HAARP (qui étudie l'ionosphère, mais ne manipule pas le climat) ne sont à l'origine des inondations.
La responsabilité du réchauffement climatique, en revanche, est établie. Selon le World Weather Attribution, réseau de référence étudiant les phénomènes météo extrêmes, les pluies qui ont frappé l'Espagne ont été 12% plus importantes et deux fois plus probables que si le climat ne s'était pas réchauffé.
"Le changement climatique tue, nous sommes en train de le voir", a souligné Pedro Sánchez, fustigeant les "discours irresponsables" de climatosceptiques.
Mais la désinformation ne se nourrit pas seulement de la colère ou du négationnisme: elle s'appuie aussi sur la tristesse, comme le suggère cette image d'un pompier qui, selon des messages viraux, "pleurait" après être sorti "dévasté" du parking souterrain du centre commercial de Bonaire.
Ce vaste complexe de la banlieue de Valence a suscité durant plusieurs jours l'inquiétude, des messages viraux ayant évoqué la possible présence, dans son sous-sol totalement inondé, de centaines de voitures et de victimes.
"Une fausse information a été diffusée, affirmant qu'il y avait de nombreux cadavres: ce n'était pas vrai", a assuré mardi le directeur de la police nationale, Francisco Pardo, en précisant qu'aucun corps n'y avait été finalement découvert.
L'auteur de la photo du pompier virale sur internet, quant à lui, a précisé que ce dernier ne pleurait pas, mais était simplement fatigué. (Quid avec)