Josep Borrell somme Israël, d’intimider et de menace les juges de la CPI, qui exige aussi un cessez-le-feu sans délai

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Une petite fille palestinienne déplacée ture une charrette pour transporter de l'eau à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 24 mai 2024, alors qu’Israël poursuit dans l’impunité sa guerre d’extermination des Palestiniens. (Photo Eyad BABA / AFP)

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Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a sommé vendredi Israël de ne pas "intimider" ou "menacer" la Cour pénale internationale (CPI), dont le procureur général a requis des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense.

Dans l’après-midi de vendredi, la plus haute juridiction de l'ONU a ordonné vendredi à Israël de suspendre ses opérations militaires à Rafah, une décision susceptible d'accroître la pression internationale sur le pays, plus de sept mois après le début de la guerre à Gaza déclenchée par l'attaque du Hamas le 7 octobre.

La Cour internationale de Justice (CIJ) --dont les décisions sont juridiquement contraignantes mais manque de mécanismes pour leur mise en œuvre--, a également ordonné à Israël de maintenir ouvert le passage de Rafah entre l'Egypte et Gaza, qu'il a fermé après le lancement de son opération terrestre dans la ville début mai.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a fait valoir que les décisions de la CIJ étaient "contraignantes" et doivent être "dûment" respectées, a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric.

Le Hamas a salué la décision de la CIJ tout en déplorant qu'elle se limite "seulement à Rafah".

Dans sa somation à Tel-Aviv de ne pas les juges de la CIJ, M. Borrell a aussi critiqué sans ménagement le gouvernement israélien pour sa réaction à la décision de trois pays européens de reconnaître de manière concertée le 28 mai un Etat palestinien, l'accusant de voir systématiquement dans toute action qu'il désapprouve "une attaque antisémite".

"Je demande à tout le monde, à commencer par le gouvernement d'Israël, mais aussi certains gouvernements européens, de ne pas intimider les juges (de la CPI), de ne pas les menacer, de ne pas essayer d'influer sur leur décision", a déclaré M. Borrell dans une interview à la télévision publique espagnole TVE, appelant au "respect de la Cour pénale internationale".

Le procureur général de la CPI, Karim Khan, a annoncé lundi qu'il avait réclamé des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant, ainsi que contre trois dirigeants du mouvement palestinien Hamas, pour des crimes présumés commis dans la bande de Gaza et en Israël.

La décision de M. Khan a provoqué des réactions véhémentes des intéressés, M. Netanyahu affirmant la "rejeter avec dégoût" et parlant d'un "nouvel antisémitisme", alors que M. Gallant la qualifiait de "méprisable et ignoble".

M. Borrell, un socialiste espagnol de 77 ans, a défendu avec force le travail de la CPI.

"C'est un appel que je fais à tous ceux qui se sont prononcés sur la décision du procureur", a-t-il poursuivi. La demande d'émission de mandats d'arrêt est "une décision du procureur, ce n'est pas une décision de la Cour", a rappelé le Haut-Représentant de l'UE pour la politique étrangère.

"Attendez que les juges prennent leur décision, et dans l'intervalle, je désapprouve, je rejette et je condamne les menaces (...) qui ont été faites contre les juges de la CPI, qui n'ont encore rien dit, ou contre le procureur, qui fait son travail", a-t-il poursuivi.

Il n'a pas précisé quels étaient les "quelques gouvernements européens" auxquels il se référait.

"Mauvaise nouvelle" 

Commentant l'annonce, mercredi, par trois pays européens, deux membres de l'UE (l'Espagne et l'Irlande) et la Norvège, qu'ils reconnaîtraient mardi prochain l'Etat de Palestine, M. Borrell s'est dit persuadé que "d'autres (allaient) faire de même", mentionnant la Slovénie.

Après avoir condamné le jour même cette décision de Dublin, Madrid et Oslo, le gouvernement israélien a annoncé vendredi avoir décidé de "couper le lien" entre le consulat d'Espagne à Jérusalem et les Palestiniens.

En annonçant cette mesure, le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, a expliqué qu'il s'agissait d'une "réponse" à la décision de Madrid de reconnaître l'Etat de Palestine, mais aussi à des déclarations controversées de la numéro trois du gouvernement espagnol, Yolanda Díaz, qu'il a qualifiées d'"appel antisémite".

M. Borrell a qualifié de "mauvaise nouvelle, sans aucun doute", la décision israélienne concernant le consulat d'Espagne à Jérusalem, la condamnant sans ambages.

"Malheureusement, à chaque fois que quelqu'un prend une décision pour appuyer la construction d'un Etat palestinien (...) la réaction d'Israël est d'y voir une attaque antisémite", a lancé M. Borrell.

"Une chose est de critiquer le gouvernement de Netanyahu (...) et une autre est d'adopter des positions antisémites", a-t-il poursuivi, reprenant là un argument souvent mis en avant par les détracteurs du gouvernement israélien.

Il a appelé Israël à éviter de voir dans toute critique "une attitude antisémite qui favorise le terrorisme". "Ce n'est pas vrai et on ne peut pas l'accepter", a-t-il ajouté.

Les bombardements de l'armée israélienne et combats au sol se sont poursuivis vendredi dans la bande de Gaza, tandis que la Cour internationale de justice (CIJ) doit se prononcer sur une demande d'arrêt de l'offensive militaire dans le territoire palestinien ravagé par plus de sept mois de guerre.

Dans la nuit, des avions de guerre israéliens ont survolé Gaza et des tirs ont été entendus au sud-est de cette grande ville du nord du territoire palestinien, a constaté l'AFP, rapportant également que des navires de guerre israéliens avaient frappé la côte. L'armée israélienne a fait état de coups de feu et de tirs de mortiers sur des soldats dans le centre.

Vendredi, la CIJ, plus haute juridiction de l'ONU, doit se prononcer sur une requête de l'Afrique du Sud, qui accuse Israël de "génocide" dans la bande de Gaza, d'ordonner "immédiatement" un cessez-le-feu.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a appelé vendredi Israël à ne pas "intimider" et "menacer" les juges de la Cour pénale internationale (CPI), dont le procureur général Karim Khan a requis plus tôt cette semaine des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, notamment.

M. Netanyahu s'adressera "bientôt" au Congrès américain, avait annoncé la veille le chef républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, après que le président Joe Biden a fustigé l'annonce du procureur Khan.

Hôpital "hors service" 

L'armée israélienne qui mène une guerre d’extermination des Palestiniens a lancé une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza,. Plus de 35.000 Palestiniens, dont quelque 30.000 enfants et femmes, ont été tués.

L'armée israélienne a indiqué vendredi matin poursuivre ses opérations à Jabalia (nord) et dans le camp de déplacés éponyme.

L'hôpital Kamal Adwan de Jabalia est "hors service et 14 membres du personnel médical sont piégés à l'intérieur", a indiqué une source médicale de l'établissement.

Vendredi, l'hôpital Al-Ahli Arab, dans la ville de Gaza, a dénombré sept morts et mis en garde contre une pénurie de médicaments et de carburant, essentiel pour alimenter les générateurs.

"Catastrophe humanitaire" 

L'hôpital Al-Aqsa, à Deir al-Balah (centre), a pour sa part appelé la communauté internationale "à fournir 50.000 litres de carburant (...) dans les prochaines heures afin d'éviter une catastrophe humanitaire et sanitaire", a déclaré un haut responsable de l'établissement.

En plus de Kerem Shalom, le principal point de passage depuis Israël vers la bande de Gaza, situé dans le sud du territoire palestinien, les autorités israéliennes ont aussi la mainmise sur le côté palestinien de l'autre grand point de passage du sud, Rafah, à la frontière avec l'Egypte, paralysant les livraisons de carburant, selon l'ONU.

L'armée israélienne a lancé le 7 mai une invasion au sol à Rafah, avec l'objectif de pousser les Palestiniens à choisir entre l’exode ou la mort, faisant fi des mises en garde internationales sur le sort des civils. Quelque 800.000 personnes ont fui, selon l'ONU.

Des Israéliens se sont rassemblés vendredi devant le consulat américain à Jérusalem, portant des banderoles appelant à "libérer Gaza" et à "cesser d'armer le génocide", avant d'être expulsés par les forces de sécurité, rapporte un photographe de l'AFP. (Quid avec AFP)