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La tension monte au Venezuela, nouvelles manifestations en vue
Des opposants au gouvernement du président vénézuélien Nicolas Maduro manifestent dans le quartier de Catia à Caracas, le 29 juillet 2024, au lendemain de l'élection présidentielle vénézuélienne. (Photo YURI CORTEZ / AFP)
La tension monte mardi au Venezuela où de nouvelles manifestations sont attendues au lendemain de la mort d'une personne dans la répression par les forces de l'ordre de regroupements spontanés après la réélection contestée pour un troisième mandat du président Nicolas Maduro.
Les forces de sécurité ont tiré lundi du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc sur des manifestants furieux de l'annonce de cette réélection qui suscite le scepticisme d'une bonne partie de la communauté internationale, Etats-Unis et Union européenne compris, l'opposition affirmant de son côté pouvoir "prouver" sa victoire.
Mardi, le Kremlin, soutien de M. Maduro, a appelé l'opposition à cesser les manifestations et mis en garde contre toute "ingérence extérieure".
La veille, au moins une personne a été tuée dans l'Etat de Yaracuy (nord-ouest) et 46 personnes ont été arrêtées, a écrit sur X Alfredo Romero, directeur de l'ONG Foro Penal spécialisée dans la défense des prisonniers politiques.
Aux cris de "liberté" et de "qu'il rende le pouvoir maintenant", des milliers de manifestants ont envahi les rues y compris dans plusieurs quartiers pauvres de Caracas anciens bastions du soutien à M. Maduro et son gouvernement socialiste. Certains ont brûlé des affiches à l'effigie du président, a constaté l'AFP.
Deux statues d'Hugo Chavez, président du Venezuela de 1999 jusqu'à sa mort en 2013, ont été déboulonnées par des manifestants dans le pays, a annoncé à la télévision M. Maduro, son héritier désigné.
Nicolas Maduro, 61 ans, a été officiellement proclamé lundi président du Venezuela pour un troisième mandat, jusqu'en 2031, après l'annonce de résultats contestés dans la nuit. Balayant les critiques de l'opposition et de la communauté internationale, il a dénoncé une tentative de "coup d'Etat fasciste au Venezuela".
Mais la cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado, qui n'avait pu se présenter au scrutin car déclarée inéligible par le pouvoir, a assuré lundi soir aux médias que l'opposition avait les moyens de "prouver" la victoire de son candidat, Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, un diplomate discret qui l'avait remplacée au pied levé.
"Assemblées" et "marches"
Elle a appelé ses concitoyens à participer mardi à des "assemblées populaires" dans tout le pays pour soutenir une transition pacifique.
"Il y a des millions de citoyens au Venezuela et dans le monde qui veulent voir que leur vote compte", a-t-elle ensuite écrit sur X.
Le directeur de campagne de M. Maduro, Jorge Rodriguez, a pour sa part appelé sur le même réseau social à "de grandes marches à partir de ce mardi pour célébrer la victoire et défendre la paix de la République".
Selon le Conseil national électoral (CNE), qui n'a pas fourni le détail des résultats, M. Maduro a obtenu 5,15 millions de voix (51,2%) devant Edmundo Gonzalez Urrutia avec 4,5 millions de voix (44,2%).
L'opposition, à laquelle les sondages promettaient la victoire pour mettre fin à 25 ans de pouvoir chaviste, crie à la fraude et assure disposer des preuves de sa victoire, disant avoir réuni 73% des bordereaux de résultats des bureaux de vote.
Selon Mme Machado, M. Gonzalez Urrutia a obtenu 6,27 millions de voix, contre 2,7 millions au président sortant Nicolas Maduro, proclamé vainqueur par le CNE. "Nous allons nous battre pour notre liberté", a assuré lundi soir M. Gonzalez Urrutia.
Mme Machado a affirmé que ces "preuves de la victoire" ont été fournies à "des dirigeants" dans le monde et qu'elles seraient mises en ligne pendant la nuit.
Lundi, le parquet a ouvert une enquête sur une éventuelle implication de Mme Machado dans un "piratage" évoqué la veille par le chef du CNE qui avait dénoncé une "agression contre le système de transmission des données ayant retardé" le décompte.
"Transparence"
Si M. Maduro a reçu le soutien de la Russie et de la Chine ainsi que de ses alliés habituels (Cuba, Nicaragua, Honduras et Bolivie), il semble être isolé avec l'afflux de réactions négatives ou sceptiques de la communauté internationale.
Neuf pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Equateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont ainsi appelé dans une déclaration commune à un "réexamen complet avec la présence d'observateurs électoraux indépendants".
Le Brésil et la Colombie, deux pays de gauche, ont demandé une vérification du dépouillement alors que les Etats-Unis ont affirmé "craindre que le résultat annoncé ne reflète pas la volonté ou le vote du peuple vénézuélien".
Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, et plusieurs pays membres ont appelé à la "transparence totale".
Caracas a réagi en retirant son personnel diplomatique de sept pays d'Amérique latine (Argentine, Chili, Costa Rica, Panama, Pérou, République dominicaine et Uruguay) et en annonçant suspendre à partir de mercredi les vols avec le Panama et la République dominicaine.
Intimidations
La campagne et le scrutin se sont déroulés dans une ambiance tendue, l'opposition dénonçant de nombreuses intimidations et arrestations.
Caracas avait limité la possibilité d'observer le déroulement du scrutin. Le Centre Carter, un des rares observateurs indépendants présents, a appelé le CNE à publier les résultats dans chaque bureau de vote.
Le Venezuela, longtemps un des plus riches pays d'Amérique latine, est exsangue: effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté, systèmes de santé et éducatif totalement délabrés. Plus de sept millions de Vénézuéliens ont fui leur pays.
Le pouvoir accuse le "blocus criminel" d'être à l'origine de ces maux: les Etats-Unis avaient durci leurs sanctions pour tenter d'évincer M. Maduro après sa réélection déjà contestée de 2018 qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées.(AFP)