La victoire de Meloni, fasciste déclarée, plonge l'Italie dans une ère d'incertitude

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Photo prise à Rome le 26 septembre 2022 montre les premières pages des journaux italiens avec des photos de la dirigeante du parti d'extrême droite italien "Fratelli d'Italia" (Frères d'Italie) Giorgia Meloni, au lendemain de la victoire de son parti aux élections générales. (Photo de Vincenzo PINTO / AFP)

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Une période d'incertitude s'est ouverte lundi en Italie après la victoire aux législatives de la post-fasciste Giorgia Meloni, aux commandes d'une coalition divisée qui devra s'accorder sur un gouvernement avant d'affronter la crise économique face à une Europe et des marchés inquiets.

Forts de la majorité absolue au Parlement, la dirigeante de Fratelli d'Italia et ses alliés Matteo Salvini de la Ligue (anti-immigration) et Silvio Berlusconi de Forza Italia (droite) vont tenter ces prochains jours de former un gouvernement.

Le dépouillement des bulletins de vote confirmait lundi la nette avance de Mme Meloni , qui recueille plus de 26% des suffrages dans un contexte d'abstention record (36%).

Giorgia Meloni, qui a affirmé sa volonté de diriger elle-même le gouvernement, devrait devenir, à 45 ans, la première dirigeante post-fasciste d'un pays fondateur de la CEE devenue l’Union Européenne.

Lors de sa première et brève déclaration après le vote, elle a tenu à rassurer, tant en Italie qu'à l'étranger: "Nous gouvernerons pour tous" les Italiens, a-t-elle promis.

Des mots qui portaient chez certains électeurs inquiets rencontrés lundi matin dans les rues de Rome.

"Il faut avoir confiance, d'abord parce que c'est une femme, et ensuite parce que le discours qu'elle a tenu était mesuré", estimait ainsi Andrea Fogli, un artiste sexagénaire.

Sous la barre des 9%, soit un score divisé par deux par rapport à 2018, Matteo Salvini paie au prix fort la participation de la Ligue aux gouvernements qui se sont succédé depuis 2018, mais a exclu de démissionner. "Avec Giorgia nous nous parlerons dès aujourd'hui pour réfléchir, vite et bien, au prochain gouvernement", a-t-il expliqué.

"Il aura un rôle plus marginal que celui qu'il souhaiterait dans la formation du gouvernement", a analysé pour l'AFP Sofia Ventura, professeur de Sciences politiques de l’université de Bologne, excluant qu'il retourne au ministère de l'Intérieur, où il avait imposé le blocage de l'accueil de migrants.

'’Catastrophe'’ 

A l'étranger, le président français Emmanuel Macron a déclaré lundi respecter le "choix démocratique" des Italiens et appelé Rome à "continuer à œuvrer ensemble", en "Européens", après la victoire du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a déclaré lundi que les Etats-Unis étaient impatients de travailler avec le nouveau gouvernement italien après la victoire de l'extrême-droite aux élections législatives, mais qu'ils encourageaient le respect des droits humains. Pour le ministre espagnol des Affaires Etrangères José Manuel Albarés, "les populismes finissent toujours en catastrophe". Berlin attend pour sa part de l'Italie qu'elle reste "très favorable à l'Europe".

Mme Meloni a reçu en revanche le soutien enthousiaste des bêtes noires de Bruxelles, la Pologne et la Hongrie, ainsi que les félicitations du parti espagnol d'extrême droite VOX et du Rassemblement national en France.

A Rome, la presse de droite exultait: "Révolution dans les urnes", titrait Il Giornale, le quotidien de la famille Berlusconi, tandis que Libero constatait: "La gauche battue, (nous sommes) libres!!!".

Le patron du Parti démocrate (PD, gauche) Enrico Letta a déploré "un jour triste pour l'Italie" et annoncé, après son résultat décevant, qu'il abandonnerait ses fonctions lors du prochain congrès du parti. "Le PD ne permettra pas que l'Italie sorte du coeur de l'Europe, qu'elle s'affranchisse des valeurs européennes et des valeurs de la Constitution européenne".

Défis économiques 

Le nouvel exécutif succédera au cabinet d'union nationale dirigé depuis janvier 2021 par Mario Draghi, l'ancien chef de la Banque centrale européenne (BCE), appelé au chevet de la troisième économie de la zone euro mise à genoux par la pandémie.

Draghi avait négocié avec Bruxelles l'octroi de près de 200 milliards d'euros d'aides financières à l'Italie en échange de profondes réformes économiques et institutionnelles, une manne qui représente la part du lion du plan de relance européen.

Malgré les enjeux, plusieurs partis qui avaient accepté d'intégrer son gouvernement (Fratelli d'Italia était resté dans l'opposition) ont fini cet été par le faire tomber, pour des raisons purement électorales, entraînant la convocation de législatives anticipées.

Et alors que "Super Mario", présenté en sauveur de la zone euro lors de la crise financière de 2008, apparaissait comme une caution de crédibilité aux yeux de ses partenaires européens, l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite nationaliste, eurosceptique et souverainiste fait craindre une nouvelle ère d'instabilité.

D'autant que l'Italie, qui croule sous une dette représentant 150% du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce, connaît une inflation de plus de 9% avec des factures de gaz et d'électricité qui mettent en difficultés de millions de personnes.

La Bourse de Milan était en hausse lundi matin, la victoire de l'extrême droite ayant été largement anticipée par les marchés. Vendredi, la place italienne avait chuté de 3,36%, subissant le plus fort recul parmi les grandes Bourses européennes.

Signe des inquiétudes persistantes des investisseurs sur la dette de l'Italie, le "spread", c'est-à-dire l'écart très surveillé entre le taux d'emprunt à 10 ans allemand qui fait référence et celui de l'Italie à dix ans, a grimpé à 235 points lundi, en hausse de 6,68%. (AFP)