Le sulfureux Jacob Zuma écarté de la course électorale

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« Je ne pense pas que l’arrêt du tribunal porte atteinte aux chances électorales du parti MK. Au contraire, cela lui donnera beaucoup de poids politique à une semaine des élections législatives du 29 mai » (Tessa Dooms)

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Par Hamid AQERROUT (Bureau de MAP à Johannesburg)

Les ambitions de l’ex-président sud-africain, Jacob Zuma, d’effecteur un comeback réussi dans l’arène politique ont été cpntrariées après que la Cour constitutionnelle l’a déclaré, lundi, inéligible aux prochaines élections. Un arrêt qui a suscité une vive polémique en Afrique du Sud, à une semaine des législatives cruciales du 29 mai.

Dans un jugement unanime rendu par la juge Leona Theron, la plus haute juridiction du pays a déclaré que Zuma (82 ans) n’était ni éligible ni qualifié pour se présenter aux élections, arguant que la peine de 15 mois qui lui a été infligée en 2021 pour outrage à la justice l’empêchait d’occuper des fonctions publiques.

Tête de liste du parti dissident de l’uMkhonto We Sizwe (MK), Zuma a été condamné à la prison en 2021 pour avoir défié une ordonnance du tribunal l’obligeant à se conformer à une convocation à témoigner devant la Commission d’enquête sur la capture de l’État.

Dans le jugement pour outrage, le tribunal a clairement indiqué que son non-respect de l’ordre et ses attaques incessantes contre le système judiciaire étaient particulièrement répréhensibles car, en tant qu’ex-Président, il avait juré de respecter la Constitution et de protéger l’intégrité des tribunaux.

Il a rejeté l’argument de l’ancien Président et de son parti «uMkhonto weSizwe» selon lequel la remise de sa peine de 15 mois en 2021 pour outrage au tribunal signifiait que l’interdiction de l’article 47(1) de la Constitution ne s’appliquait plus à lui.

Ce nouveau jugement de la cour constitutionnelle annule une décision très critiquée du tribunal électoral rendue en avril dernier, qui avait confirmé l’appel du parti MK contre la décision de la Commission électorale selon laquelle Zuma n’était pas qualifié pour se présenter au Parlement.

La décision du tribunal électoral s’explique par le fait que la remise de peine affecte effectivement la durée de la peine. Toutefois, la Cour constitutionnelle a déclaré que cette interprétation était non seulement erronée, mais qu’elle portait atteinte à la Constitution, qui confère l’autorité judiciaire aux tribunaux.

Zuma, quant à lui, avance que sa peine a finalement été inférieure à 12 mois parce qu’en août de l’année dernière, il bénéficiait d’une remise de peine générale accordée par le Président Cyril Ramaphosa, peu après que les tribunaux ont statué sur sa libération anticipée pour raisons médicales. Cela signifie que l’ancien chef de l’État a purgé moins de trois mois de la peine qui lui a été infligée par la Cour constitutionnelle il y a trois ans.

Son avocat avait tenté de faire valoir que les tribunaux n’étaient pas compétents pour déterminer qui pouvait devenir député, arguant que la décision appartenait au Parlement lui-même.

Commentant ces développements politico-judiciaires, l’analyste Tessa Dooms a déclaré que la décision de la cour suprême pourrait être utilisée comme un outil de mobilisation par le parti MK de Zuma. « Je ne pense pas que l’arrêt du tribunal porte atteinte aux chances électorales du parti MK. Au contraire, cela lui donnera beaucoup de poids politique à une semaine des élections législatives du 29 mai», estime-t-elle.

Et d’expliquer que MK est le parti de Jacob Zuma, qu’il soit ou non candidat aux élections, arguant que ses partisans et électeurs potentiels ne sont pas seulement motivés à voter pour lui, mais aussi contre le Congrès National Africain (ANC au pouvoir) qui les a déçus.

L’analyste politique Dirk Kotze estime, de sons côté, que la décision de la cour constitutionnelle n’aurait probablement que peu d’impact sur les projets électoraux du parti MK. "Je pense qu’en fin de compte, cela n’aura pas un impact aussi important sur MK parce que cela ne disqualifiera pas Jacob Zuma d’être le chef du parti», relève-t-il.

Un autre analyste politique, Levy Ndou, a déclaré que l’avenir du parti dépendait de l’approche future de Zuma, notant qu’à huit jours des législatives, l’ancien Président a encore la possibilité de faire appel de la décision devant le même tribunal.

Les détracteurs de l’ex-président, eux, ont salué la décision de la Cour constitutionnelle qui intervient à quelques jours seulement des élections du 29 mai qui s’annoncent décisives et pour le parti au pouvoir, l’ANC, et pour l’avenir du pays. C’est le cas du groupe de pression le «Conseil pour l’avancement de la Constitution» (CASAC), qui a averti que la décision du tribunal électoral d’autoriser Zuma à briguer un siège lors des prochaines élections «avait des implications pour l’État de droit et la séparation des pouvoirs en Afrique du Sud».

L’effet de cette décision est que même si Zuma peut apparaître sur les affiches électorales de son parti MK et être le visage sur le bulletin de vote, il ne pourra pas occuper un siège au Parlement. Le sulfureux ex-président peut, toutefois, continuer à diriger le parti par d’autres moyens.

 

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