Les Emirats méfiants des nouveaux dirigeants syriens

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Des rebelles anti-gouvernementaux dans une rue de Maaret al-Numan, dans la province d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie, le 30 novembre 2024. (Photo d'Abdulaziz KETAZ / AFP)

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Fidèles à leur politique de tolérance zéro envers l'islam politique, les autorités des Emirats arabes unis regardent avec méfiance les nouveaux dirigeants qui se sont installés au pouvoir à Damas et redoutent une influence excessive de la Turquie, leur principal allié, estiment des analystes.

Au terme d'une offensive favorisé par la fragilisation du pays par les bombardements israéliens et un soutien de plusieurs intérêts étrangers qui lui a permis de s'emparer d'une grande partie du pays, une coalition de rebelles emmenée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a renversé le pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre.

Les nouveaux dirigeants ont multiplié les promesses en faveur de la protection des minorités dans ce pays multiconfessionnel et multiethnique, sans convaincre totalement, selon des experts, les autorités des Emirats.

Pour Kristin Diwan, de l'Institut des Etats arabes du Golfe à Washington, Abou Dhabi "considère les groupes islamistes comme des concurrents qui (...) menacent leurs ambitions en tant que centre commercial multiculturel ouvert".

Ils sont "mécontents de voir renaître des forces populaires sunnites qui rappellent les soulèvements arabes" et le partenariat du HTS avec le Qatar et la Turquie "ne fait que renforcer cette appréhension", ajoute-elle.

Selon Andreas Krieg, du King's College de Londres, l'offensive rebelle lancée fin novembre a modifié la dynamique régionale, faisant perdre aux Emirats leur statut d'"interlocuteur central sur les questions syriennes". Il souligne la crainte d'Abou Dhabi de voir son "rôle clé" décliner dans le pays au profit de Doha et d'Ankara.

Les Emirats avaient favorisé le retour en 2023 du régime de Bachar al-Assad dans le giron arabe d'où il avait été écarté pendant les années de guerre, déclenchée en 2011 par la répression brutale de manifestations.

"Dangereux" 

Comme ses voisins du Golfe, les Emirats ont d'abord mis en garde contre le risque d'un "chaos" en Syrie pour exprimer leur inquiétude à l'égard des nouveaux dirigeants syriens.

"Nous entendons des messages raisonnables sur la volonté de ne pas imposer de système aux Syriens, mais d'un autre côté la nature des nouvelles forces (au pouvoir, NDLR), leur affiliation aux Frères musulmans et à Al-Qaïda, sont des indicateurs assez inquiétants", a déclaré samedi Anwar Gargash, conseiller diplomatique du président des Emirats arabes unis.

M. Gargash s'exprimait devant la World Policy Conference organisée par l'Institut français des relations internationales (IFRI) à Abou Dhabi.

"Nous devons être optimistes d'une part et aider les Syriens (...) mais en même temps, nous ne pouvons ignorer que la région a déjà connu des épisodes comme celui-ci, nous devons donc être vigilants", a-t-il dit en rappelant notamment les "aventures brutales du groupe Etat islamique" en Irak et en Syrie au cours de la décennie précédente.

HTS, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales.

"Les déclarations de M. Gargash reflètent le scepticisme des dirigeants émiratis à l'égard des groupes islamistes en général", souligne à l'AFP Sanam Vakil, directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord du groupe de réflexion britannique Chatham House.

"Ces dirigeants considèrent que tous les groupes politiques affiliés à l'islam, qu'il s'agisse des Frères musulmans ou de HTS, sont dangereux pour leur modèle de gouvernance", ajoute-t-elle.

"Salafisme et jihadisme" 

En 2014, les Emirats ont dressé leur propre liste "groupes terroristes" qui comprenaient 83 entités, dont la confrérie des Frères musulmans.

La justice du pays a condamné auparavant des dizaines d'Emiratis et d'Egyptiens, accusés d'avoir formé des cellules clandestines, dont des membres de l'association Al-Islah, groupe lié aux Frères musulmans.

En juillet 2024, 43 personnes ont été condamnées à la prison à vie, après avoir été accusées de former un groupe lié aux Frères musulmans qui avait l'intention de commettre des attentats dans le pays.

D'après Andreas Krieg, les Emirats ont actualisé à plusieurs reprises leur liste mais le HTS n'y figure pas, contrairement au Front Al-Nosra, dont il émane.

"L'hypothèse est que le HTS soit considéré comme une organisation issue du Front Al-Nosra et qu'il est donc inscrit sur la liste", a-t-il déclaré.

Selon lui, les Emirats présentent donc le groupe comme un mouvement menant au "salafisme et au jihadisme et à une forme de salafisme et de jihadisme semblable à celle d'Al-Qaïda ou de l'Etat islamique". (Quid avec AFP)

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