Pedro Sánchez pense à démissionner après l'ouverture d'une enquête contre son épouse

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Le premier ministre espagnol et candidat du Parti socialiste espagnol (PSOE), Pedro Sanchez (à gauche) et son épouse Begona Gomez assistent au rassemblement de clôture de la campagne à Getafe, dans la banlieue de Madrid, le 21 juillet 2023, avant les élections générales du 23 juillet. (Photo by JAVIER SORIANO / AFP)

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Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé mercredi à la surprise générale "réfléchir" à une démission après l'ouverture d'une enquête contre son épouse pour trafic d'influence et corruption, fruit selon lui d'une campagne de déstabilisation orchestrée par l'opposition de droite.

"J'ai besoin de m'arrêter et de réfléchir" afin de décider "si je dois continuer à être à la tête du gouvernement ou si je dois renoncer à cet honneur", a écrit le responsable socialiste dans une lettre publiée sur le réseau social X.

Le chef du gouvernement espagnol, au pouvoir depuis 2018, a précisé qu'il annoncerait sa décision lundi devant la presse et qu'il suspendait ses activités d'ici là.

Cette enquête préliminaire, placée sous le sceau du "secret de l'instruction", vise son épouse Begoña Gómez. Elle a été ouverte le 16 avril après une plainte de l'association "Manos limpias" (Mains propres), a annoncé mercredi le tribunal supérieur de justice de Madrid.

Ce collectif, à l'origine de plusieurs procédures judiciaires ces dernières années, est considéré comme proche de l'extrême droite.

Dans sa lettre, Pedro Sánchez dénonce une plainte basée sur des faits "inexistants" et une campagne de "harcèlement" contre son épouse, menée par des médias "ultraconservateurs" et soutenue, selon lui, par l'opposition de droite et d'extrême droite.

"Je ne suis pas naïf", dit-il: "je suis conscient du fait qu'ils portent plainte contre Begoña, non pas parce qu'elle a fait quelque chose d'illégal, car ils savent bien que cela n'est pas vrai, mais parce qu'elle est mon épouse".

Plan de sauvetage d'Air Europa 

Selon le média en ligne El Confidencial, qui a révélé l'information, cette enquête porte notamment sur les liens noués par Begoña Gómez avec le groupe de tourisme Globalia, propriétaire de la compagnie aérienne Air Europa, au moment où cette dernière était en pourparlers avec le gouvernement pour obtenir des aides publiques durant la pandémie de Covid.

À l'époque, Begoña Gomez dirigeait IE Africa Center, une fondation liée à l’école de commerce madrilène IE University, poste qu'elle a quitté en 2022.

Or, IE Africa Center avait "signé un accord de parrainage avec Globalia en 2020", écrit El Confidencial, selon qui Begoña Gomez aurait participé à "une réunion privée avec son PDG Javier Hidalgo à l'époque où Globalia négociait son plan de sauvetage".

Ce plan a permis à Air Europa de toucher, en novembre 2020, 475 millions d'euros, issus d'un fonds de 10 milliards destiné à soutenir les entreprises stratégiques en difficulté à cause de la crise sanitaire.

La compagnie espagnole a été la première entreprise à bénéficier de ce fonds. Mais des dizaines d'autres ont suivi, dont plusieurs transporteurs aériens (Iberia, Vueling, Volotea...).

"Pratiques trumpistes" 

Après la publication de la lettre de Pedro Sánchez, le Parti populaire (PP, droite), principale formation d'opposition, a appelé le Premier ministre à "se présenter d'urgence pour donner une explication sérieuse sur les scandales qui entourent son parti, son gouvernement et sa compagne", "au lieu de disparaître pendant cinq jours".

  1. Sánchez "mise sur la victimisation et la pitié plutôt que sur la responsabilité et la clarté", a insisté le parti conservateur, laissant entendre que sa menace de démission pourrait résulter d'un coup de poker politique.

Les proches du Premier ministre sont à l'inverse montés au créneau pour le défendre, à l'image de la numéro trois du gouvernement Teresa Ribera. "Tout n'est pas possible en politique": "ni lui (Pedro Sánchez) ni sa famille ne méritent cela, pas plus que l'Espagne", a-t-elle écrit sur X.

Plus tôt dans la journée, la numéro deux du gouvernement, Maria Jesus Montero, avait dénoncé les "pratiques trumpistes" du PP, qu'elle a accusé "d'utiliser une fausse accusation d'une organisation d'extrême droite pour diffamer et lancer des calomnies" envers le Premier ministre.

Fondé en 1995, le collectif Manos limpias, à l'origine de l'enquête contre Begoña Gómez, est considéré comme proche de l'extrême droite en raison de la personnalité de son fondateur Miguel Bernad, ancien responsable du parti Frente Nacional, dissous en 1993.

Accusé d'être impliqué dans un réseau d'extorsion de fonds, ce dernier avait été condamné à quatre ans de prison en juillet 2021, mais a été finalement relaxé en appel le mois dernier, faute de preuve selon le tribunal. (AFP)