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Présidentielle au Sénégal: la date du 2 juin sur la table, l'opposition vent debout
Les partisans du président sénégalais Macky Sall et du candidat à la présidentielle Amadou Ba tiennent des tracts à son effigie lors d'une marche pour la paix à Dakar, le 3 mars 2024. (Photo ABDOU KARIM NDOYE / AFP)
Le président sénégalais Macky Sall a fait un pas supplémentaire dans la détermination d'une date pour la présidentielle en recevant lundi un rapport préconisant la tenue du scrutin le 2 juin, deux mois après l'expiration de son mandat, au grand dam de l'opposition.
Les Sénégalais étaient censés se rendre aux urnes le 25 février. Mais à trois semaines du scrutin, le chef de l'Etat a décrété le report de l'élection, invoquant les profondes dissensions causées par la validation des candidatures et le risque de nouvelles violences après celles, meurtrières, de 2021 et 2023.
Dénoncé comme un "coup d'Etat constitutionnel" par l'opposition, ce report a provoqué une commotion dans l'opinion et des manifestations qui ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel a depuis déjugé M. Sall, et le pays, plongé dans l'incertitude, est dans l'attente d'une nouvelle date de scrutin.
Lundi, le président a officiellement reçu les recommandations d'un "dialogue national" qu'il a organisé il y a une semaine pour sortir de la crise. La quasi-totalité de l'opposition, qui réclame à cor et à cri une élection avant le 2 avril, avait boycotté la rencontre.
Les préconisations de cette rencontre sont déjà connues: l'élection se tiendrait le 2 juin et M. Sall resterait en fonction jusqu'à l'investiture du cinquième président du Sénégal.
Le chef de l'Etat, élu en 2012 et réélu en 2019 mais non candidat en 2024, "compte saisir le Conseil constitutionnel pour recueillir son avis sur les questions de la date de l'élection et de l'après 2 avril", précise la présidence.
Car le chef de l'Etat a affirmé à plusieurs reprises qu'il partirait le 2 avril.
La perspective d'un renvoi du scrutin au 2 juin et d'un départ du président le 2 avril ouvre la voie à une situation inédite et à un vide juridique, la Constitution ne prévoyant pas ce cas de figure, mais prévoit par ailleurs la vacance du pouvoir qui pourrait être actionnée à cette occasion pour en même temps permettre au président sortant de tenir sa parole de quitter son poste à l’échéance de la fin de son mandat., et répondre en y mettant un terme aux soupçons de l’opposition qui l’accuse de vouloir s’accrocher à la présidence.
"Affront aux familles"
En mettant son veto au report le 15 février, le Conseil avait écrit que "le mandat du président (...) ne peut être prorogé" et que "la date de l'élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat". Les participants au "dialogue national" invoquent par une contorsion juridique l'article 36 de la Constitution selon lequel le président "reste en fonction jusqu'à l'installation de son successeur".
Un collectif regroupant 16 candidats de l'opposition plaide pour l'organisation accélérée du scrutin, avant l'expiration du mandat.
Un "Front de la résistance", alliance de l'opposition politique et d'organisations de la société civile scellée jeudi, a mobilisé quelques centaines de sympathisants samedi à Dakar et entend maintenir la pression avec des rassemblements annoncés mercredi et samedi.
"Nous voulons une élection avant le 2 (avril) avec les 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel et que la démocratie sénégalaise continue de rayonner", expliquait samedi Assane Camara, un commerçant de 27 ans.
Autre sujet de contentieux: un projet de loi d'amnistie sur les faits se rapportant aux manifestations politiques entre 2021 et 2024, qui ont fait des dizaines de morts et provoqué d'importantes dégradations matérielles comme le saccage de l'université de Dakar.
Le projet, initié par le président Macky Sall dans un "esprit de réconciliation", doit désormais être soumis à l'Assemblée nationale pour adoption, peut-être dès cette semaine.
Mais il soulève une levée de boucliers dans l'opposition et ne fait pas l'unanimité au sein de la majorité présidentielle.
L'opposition dénonce un "déni de justice" et y voit une manœuvre pour assurer l'impunité aux responsables de la répression, y compris gouvernementaux.
Dans une tribune publiée vendredi, plus de 200 universitaires qualifient le projet "d'invite à l'amnésie". "Effacer les crimes du passé reviendrait à bafouer la mémoire des victimes et à fragiliser les fondements de l'Etat de droit", écrivent les signataires.
Amnesty International, dans un communiqué publié lundi, voit dans le projet un "affront aux familles des victimes" et une "prime troublante à l'impunité". L'organisation demande que des enquêtes soient menées "sur l'usage de la force par les forces de défense et de sécurité lors des manifestations". (Quid avec AFP)