''Puissante et libre'': le patinage artistique à New York, voie de la réussite d'Afro-Américaines

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Les membres de FSH - "Figure Skating in Harlem" - glissent sur la patinoire de Central Park pour un spectacle de gala à New York le 4 février 2024. Une à une, une file de jeunes femmes afro-américaines et biraciales vêtues de robes de bal s'élance sur la patinoire du Central Park de New York au son de "Barbie" et "Wonder Woman". (Photo Charly TRIBALLEAU / AFP)

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En tenue de gala, des jeunes filles afro-américaines et métisses glissent sur la glace de la patinoire de Central Park à New York au rythme d'un medley musical des films "Barbie" et "Wonder Woman", avec la grâce de patineuses quasi-professionnelles.

L'association Figure Skating in Harlem (FSH, "Patinage artistique à Harlem") a offert en février à un public ravi sa fête d'hiver annuelle à la nuit tombée et au coeur du poumon vert de Manhattan entouré de gratte-ciel lumineux.

Depuis les années 1990, cette organisation à but non lucratif, sorte de sport-études pour le patinage unique au monde, selon sa fondatrice et présidente Sharon Cohen, "aide des jeunes filles à transformer leur vie, à grandir avec confiance, maîtrise et réussite éducative" à Harlem.

Dans ce quartier multiculturel populaire du nord de la grande île new-yorkaise de Manhattan, "FSH c'est toute ma vie", témoigne tout sourire Nadia Neil, 17 ans, élève en cours du soir et patineuse chez FSH depuis l'âge de six ans.

"Je ne me souviens pas d'une période de mon existence sans patinage artistique", lance-t-elle.

"Comme un papillon" 

"J'ai commencé par apprendre lentement, par évoluer et grandir. Comme un papillon sortant de son cocon. Je suis tombée amoureuse de ce sport", souffle sa camarade du même âge, Ashley Prentice.

Et "quand je patine, je me sens tellement puissante et libre", lâche l'adolescente afro-américaine de Harlem qui a trouvé une "famille" et une "communauté" dans cet attelage atypique d'enseignantes et de sportives que forme FSH.

L'idée a germé en 1991 chez des familles noires américaines de Harlem et chez Sharon Cohen, une sexagénaire blanche et ancienne patineuse professionnelle qui a fondé l'association en 1997.

"C'est vraiment la communauté (de Harlem) qui a mis sur pied ce programme et décidé qu'en plus du patinage artistique -- sport peu pratiqué par les jeunes Afro-Américaines - l'éducation serait vraiment au fondement du programme car c'est ce qui peut leur ouvrir des portes pour leur avenir", raconte-t-elle.

"C'est donc devenu la pierre angulaire (de FSH): l'éducation au coeur, le patinage comme point d'entrée, et cela dure depuis de nombreuses années", se réjouit l'ancienne sportive.

Selon son association, la majorité des 300 élèves patineuses chaque année ont entre six et 30 ans, vivent à Harlem et dans le Bronx, "parmi les quartiers les plus défavorisés de New York", mosaïque multiculturelle de 8,5 millions d'âmes.

Familles noires défavorisées 

"Quasiment toutes les filles et jeunes femmes (98%) se définissent comme Afro-américaines/noires, hispaniques ou métisses et environ 91% viennent de foyers aux revenus extrêmement faibles à modérés", détaille FSH.

Nadia Neil pense que "les jeunes filles de Harlem n'ont parfois pas le soutien dont elles auraient besoin ou sont placées sur le mauvais chemin ou sur une voie qu'elles ne peuvent pas prendre".

Alors, la jeune femme se réjouit des cours du soir d'enseignantes professionnelles -- en plus de l'école publique en journée -- qu'il s'agisse de matières scientifiques ou de sciences sociales, d'éducation civique et morale, et de sport bien sûr.

FSH "offre beaucoup d'opportunités, comme apprendre à gérer ses finances (et), en général, à être quelqu'un de bien", reconnaît-elle.

Pour Sharon Cohen, le patinage artistique est un sport "unique" qui "s'applique vraiment à la vie".

"On commence par échouer, on monte sur la glace et on tombe", sourit l'ancienne sportive.

"Il s'agit donc d'apprendre ce que l'on fait une fois que l'on est tombé, comment on se relève et comment on recommence. Et qu'il n'y a rien de mal à échouer".

D'après des chiffres de FSH, 88% de ses élèves obtiennent de bonnes notes à l'école et les conservent au cours de leur scolarité.

Et les taux de satisfaction des filles, jeunes femmes et de leurs parents sur la qualité d'écoute, l'échange, le fait de se sentir "valorisées" en cours ou sur la glace et d'être "poussées à atteindre (leurs) objectifs" vont de 90% à 97%.

Totalement méconnue, la réussite singulière de FSH a séduit une grande plateforme de streaming qui y a tourné une série documentaire qui sortira en 2025. (AFP)