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Que s’est il passé, dans la nuit du samedi 13 avril dans le ciel d'Israël ? – Par Mohamed Chraïbi
Les analystes, sont partagés entre ceux qui mettent en avant les succès d’Israël, et ceux qui soulignent que l'Iran a osé attaquer Israël à partir de son territoire et en dépit des avertissements U.S.
En représailles du bombardement de son consulat à Damas, le 1er avril dernier, qui avait tué plusieurs officiers de haut rang des Gardiens de la Révolution qui s’y trouvaient, l’Iran a lancé, à partir de son propre territoire et de ceux de ses alliés régionaux, une attaque aérienne au moyen de quelques centaines d’engins de différentes natures, dont la majorité a été interceptée.
Les informations soulignent, qu’outre les moyens de défense d’Israël et des États Unis, trois pays arabes de la région (Jordanie, Arabie Saoudite, E.A.U.) auraient pris part à la défense d’Israël contre l’attaque iranienne. La part prise par la Jordanie dans l’interception des engins iraniens est particulièrement saluée alors que celles des deux autres reste floue. Peut être, auraient ils seulement livré aux États Unis les renseignements sur l’attaque que leur auraient fournis l’Iran pour leur permettre de protéger leurs espaces aériens.
Dès que l’attaque a pris, fin la mission Iranienne à l’ONU, a déclaré que les objectifs de l’attaque ayant été atteints, l’Iran considérait l’incident clos et ne souhaitait pas voir le conflit connaître de suite. De son côté, Biden s’est réjoui des prouesses accomplies par La Défense collective régionale organisée sous l’égide de son pays et conseillé à Netanyahu de « ramasser ses gains et quitter la partie ». Conseil accompagné d’un avertissement : les États Unis ne se laisseront pas entraîner dans une escalade du conflit. Au moment de l’écriture de ces lignes, on ne sait toujours pas si Netanyahu écoutera son allié américain ou lancera la contre-attaque réclamée par la majorité de son cabinet et dont il pourrait lui même tirer des avantages personnels.
Les journaux (Haaretz, NYT, the Guardian) mettent l'accent sur la participation des pays arabes à la défense d'Israël (qualifiée d'événement d’historique) sans connaître le contenu exact de celle-ci sinon qu' elle "a sauvé, sans aucun doute, des vies israéliennes" alors qu'on a toute raison d'avoir des doutes, l’armée d’Israël ayant établi que seules ses installations militaires étaient visées. Les mêmes journaux saluent le travail accompli par Benny Gantz (ancien chef d'état-major et actuel membre du cabinet de guerre) dans le montage du dispositif de défense collective qui a permis de faire face avec succès à l'offensive iranienne.
Les analystes, sont partagés entre : 1/ Ceux qui mettent en avant les succès d’Israël : Interception de presque tous les drones et missiles iraniens et la mobilisation de ses alliés traditionnels (U.S., G.B., France) et surtout de ses voisins arabes (la Jordanie notamment) en sa faveur. Ils jugent que la capacité de dissuasion de Tsahal a été rétablie après le fiasco du 7 octobre et que l'Iran a été suffisamment » humilié " pour rendre superflue toute rétorsion israélienne. L’affaire devrait en rester là comme le conseille Biden. Et 2/ Ceux qui soulignent que l'Iran a osé attaquer Israël à partir de son territoire et en dépit des avertissements U.S. faisant ainsi tomber deux tabous. Il a, également, montré qu'il détenait des drones et des missiles de fabrication locale, de longue portée et d'une grande précision. Ils soulignent aussi la volonté manifeste de l'Iran de frapper sans faire mal en visant uniquement les installations militaires et en avisant longtemps à l'avance de son intention de frapper (et même 72 heures avant de frapper) pour laisser à ses adversaires le temps d'organiser la défense de sa cible. Autrement dit, l'Iran a volontairement renoncé à l'effet de surprise, généralement recherché pour une attaque réussie, et dispose des moyens de faire beaucoup plus de dégâts en cas d'escalade. Le refus de cette dernière semble refléter le souhait des gouvernements étrangers, sans préjuger des intentions de celui d'Israël ni de la demande de l'opinion publique israélienne en l'absence de manifestations pour ou contre ni de sondage. Il est suggéré́, cependant, que Benny Gantz serait opposé à l'escalade.
Ces journaux ont pour habitude de vérifier les informations qu'elles rapportent ou d'émettre des réserves sur celles qu'ils ne peuvent vérifier. Mais dans le cas présent, je relève ce qui me semble être une contradiction flagrante dans les chiffres donnés : l'attaque aurait impliqué 300 engins (missiles et drones) dont 99% aurait été interceptés par le dispositif de défense collective mis en place, ne laissant donc passer que 1% soit 3 engins. Or ABC News nous apprend que "5 missiles ont touché la base aérienne de Nevatim, endommageant un avion de transport C-130, une piste inutilisée et des entrepôts vides. Et quatre missiles balistiques supplémentaires ont frappé la base aérienne du Néguev, mais aucun dommage significatif n'a été signalé". Ça laisse perplexe.
En vérité, c'est tout ce qu’on lit dans les journaux cités qui laisse un sentiment d'inconfort. L'impression d'un narratif convenu d'avance, d'éléments de langage au service d'une cause. Cause certes noble : éviter l'escalade. Mais pas au sacrifice de la déontologie journalistique. Cela fait penser au film américain (Wag the dog) où une guerre qui n'a pas lieu est largement couverte, analysée et commentée dans les médias. Je ne dis pas que l'attaque iranienne n'a pas eu lieu mais que la façon dont elle s'est déroulée relève plus du spectacle chorégraphié que de la guerre. L’attaque iranienne n’a pas échoué, elle a été conçue de sorte à ne faire aucun dégât humain qui eut légitimé́ une contre-attaque. L’Iran n'a pas cherché à faire mais à montrer ce qu'il pourrait faire. C'est précisément ce que suggère un article de CNN du 14 avril (1) intitulé « l’attaque Iranienne planifiée pour un minimum de dégâts et un maximum de spectacle » où on peut lire notamment : "Le préavis donné par l'Iran, signifiait qu’Israël et ses partenaires régionaux pouvaient préparer les défenses aériennes et l’opération n’était guère plus qu’un terrifiant feu d’artifice. Lorsque la mission permanente de l’Iran auprès des Nations Unies a tweeté que l’opération était « terminée », il était facile d'en déduire que la République islamique ne faisait qu’aboyer et ne mordait pas".
On ne peut alors s’empêcher de penser au 6 juin 67, lorsque aux premiers bruits de bottes au Caire, Israël prit les devants et mit en pièces l’armée égyptienne alors que là il attend , plusieurs jours après la déclaration de guerre de Khamenei, que les missiles iraniens arrivent dans (ou s’approchent de) son espace aérien pour les abattre (pas tous) avec l'aide de trois puissances occidentales et trois pays arabes (2). On peut aussi se souvenir de l'attaque surprise (sic) d'octobre 1973 lorsque l’armée égyptienne a été encerclée sitôt traversé le canal de Suez. Golda Meir, humiliée de cette tentative avortée de l’Égypte de reprendre son Sinaï occupé suite à la débâcle de Juin 67, démissionna. Netanyahu est toujours là à ruminer l’échec de la politique de faits accomplis qu'il pratique depuis sa première accession au pouvoir en 1996. Israël n'est plus que l'ombre de lui-même.
Et quelle crédibilité accorder à la menace de drones qui mettent des heures pour faire le trajet qui sépare les deux belligérants?
Et d'autres questions que j’aurai, peut être, l’occasion de traiter dans une autre chronique.
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the iranian attack planned for maximum show and minimum loss
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Aux dernières nouvelles : manifestations populaires en Jordanie en protestation de la participation de « l’armée de la dignité » à la défense d’Israël alors que l’Iran menace la Jordanie de punition en cas de récidive. Par ailleurs, le Koweït et Bahreïn ont résisté aux pressions américaines de se joindre au dispositif de « défense collective d'Israël »