International
Ruée sur les armes à feu en Israël d’une population ‘’civiles’’ déjà fortement armée
Un colon israélien entraine son fils à tirer du Palestinien
Mère de quatre enfants, Riki Tal passe en revue des armes de poing dans une armurerie de Jérusalem. Elle cherche "quelque chose de léger" pour les défendre.
Des Israéliens s'entraînent au tir dans un champ de tir de la colonie de Migdal Oz, en Cisjordanie occupée, le 2 novembre 2023. (Photo par Aris MESSINIS / AFP)
"Chaque fois que mes enfants jouent au parc, je me demande ce que je ferais si quelqu'un venait nous attaquer", explique à l'AFP cette femme de 31 ans en soupesant un revolver sur le comptoir. "Je veux quelque chose que je puisse bien prendre en main", pose l'institutrice, en passant son doigt sur la gâchette.
Les demandes de permis de port d'armes en Israël ont considérablement augmenté depuis le 7 octobre, date à laquelle des hommes du Hamas sont parvenus à pénétrer en Israël et y semer la mort.
Avant le 7 octobre, Israël a un taux de port d’armes par les civils de 7,3 armes à feu pour 100 habitants. Ce qui semble dérisoire par rapport au champion toutes catégories, les Etats Unis d’Amérique où l’on compte 88,8 armes à feu pour 100 habitants. Mais le taux israélien n'inclut pas le nombre d'armes à feu du gouvernement utilisées par des civils, notamment les colonies dont la population est estimée à plus de 710 000, englobant Jérusalem.
Pour accompagner la ruée vers les armureries, le gouvernement, l'un des plus à droite depuis la création d'Israël, assouplit la réglementation.
Le magasin situé en sous-sol interdit les photos et décline les demandes d'interview, mais l'affluence au comptoir témoigne d'une véritable fièvre.
Une mère et sa fille recomptent leurs billets pour payer un Glock. Un homme portant une kippa lève sa chemise pour "essayer" un Smith & Wesson en le glissant dans son jean.
L'étagère derrière la vendeuse est pleine de bibelots de circonstance: des fausses balles, une grenade, des figurines portant les photos d'Oussama ben Laden, Saddam Hussein ou Mouammar Khadafi. Niki Tal les pointe du doigt et note malicieusement qu'il en manque une: le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh.
Une arme à la maison
Plus de 236.000 Israéliens ont demandé un permis de port d'arme depuis le 7 octobre, autant que pendant les 20 années précédentes, selon le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir.
Cette personnalité d'extrême droite a élargi la liste de ceux qui peuvent y prétendre et accéléré les démarches pour l'obtenir. Les demandeurs doivent désormais se soumettre à un entretien téléphonique, au lieu de répondre en personne aux questions des autorités d'accréditation.
Malgré les attaques au couteau ou les fusillades dans la région depuis des décennies, un avocat de Modi'in (centre) affirme qu'il n'y avait jamais pensé. Mais "après le 7 octobre", son épouse et lui-même se sont dit qu'ils avaient "besoin d'une arme à la maison".
Leur voisin a non seulement acheté une arme, mais a également construit un abri anti-bombe dont l'entrée est dissimulée derrière une étagère, "comme dans les films".
Peu de restrictions
Dans les villes israéliennes, comme dans un Western, les armes se portent sans complexe en bandoulière ou à la ceinture, au café comme dans les boutiques ou en maniant une poussette.
Il s'agit notamment de réservistes, mais aussi de civils qui font partie d'escadrons de sécurité bénévoles, armés par le gouvernement depuis le début des hostilités.
Israël compte environ 465.000 réservistes, ce qui représente un nombre considérable en proportion de la population du pays
Des campagnes telles que Gun Free Kitchen Tables (GFKT) affirment que la prolifération des armes à feu pourrait conduire Israël sur la voie des États-Unis, confrontés à une flambée de la violence armée et des fusillades de masse.
"Nous devons pousser l'Etat à assurer la sécurité au lieu de la déléguer aux citoyens", a déclaré à l'AFP une membre de l'équipe du GFKT, ajoutant que les normes assouplies n'éliminent pas les personnes aux antécédents de violence domestique ou de toxicomanie.
"Les armes ne renforcent pas notre sécurité", a-t-elle ajouté, demandant que son nom ne soit pas divulgué afin d'éviter le harcèlement en ligne.
Dans la maison de Riki Tal, dans le quartier d'Armon Hanetsiv, une colonie - illégale au regard du droit international - de Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la ville occupée par Israël depuis 1967, l'imposant fusil d'assaut de son mari semble incongru dans le minuscule salon.
Elle a récemment obtenu un permis provisoire qui lui permet de suivre la formation obligatoire pour obtenir un permis permanent. Son mari, ingénieur informaticien et réserviste, a pour sa part obtenu son M-16 du gouvernement après avoir rejoint une équipe de sécurité locale.
Craignant constamment l'hostilité de leurs voisins palestiniens, le couple explique que l'arme leur procure un sentiment de sécurité, même si c'est un "casse-tête" d'en protéger les enfants. Ils la cachent derrière leur lit ou dans une armoire, fusil d'un côté, munitions de l'autre.
"Si je les attends devant l'école avec une arme, les terroristes y réfléchiront à deux fois", veut croire la jeune mère. (Quid avec AFP)