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Sénégal: le procès de l'opposant Sonko commence véritablement, sans lui
Des manifestants assis sur des barricades de sacs de sable bloquent la route menant à la maison du chef de l'opposition Ousmane Sonko à Ziguinchor, au Sénégal, le 22 mai 2023. Les manifestants ont bloqué les routes à Ziguinchor pour empêcher l'arrestation du chef de l'opposition Ousmane Sonko avant son procès. (Photo MUHAMADOU BITTAYE / AFP)
Le procès de l'opposant sénégalais Ousmane Sonko, candidat déclaré à la présidentielle de 2024 et accusé de viols, a véritablement commencé mardi en son absence et celle de ses avocats au tribunal de Dakar, placé sous haute protection policière par crainte de troubles.
Le procès s'était ouvert le 16 mai avant d'être renvoyé à cette semaine. Il a repris dans la matinée avec de longs palabres et la chambre criminelle a rejeté les demandes de nouveau report.
Elle est ensuite entrée dans le vif du sujet avec la lecture de l'acte d'accusation et l'interrogatoire de la co-accusée de M. Sonko, Ndèye Khady Ndiaye, jugée pour "incitation à la débauche, complicité de viols et diffusion d'images contraires aux bonnes mœurs". Enceinte, elle a comparu assise.
Ndèye Khady Ndiaye, patronne du salon de beauté de Dakar dans lequel Ousmane Sonko est accusé d'avoir abusé à ’plusieurs reprises d'une employée entre fin 2020 et début 2021, a répondu aux questions sans l'assistance de ses avocats.
Ils avaient quitté la salle comme ceux de M. Sonko, indignés de n'avoir pas obtenu, pour des raisons distinctes, qu'on ajourne l'affaire. Mme Ndiaye a fait face seule, l'avocat commis d'office par la cour pour la défendre étant absent.
La plaignante, Adji Sarr, était, elle, présente.
L'examen des faits présumés a mis fin à au moins deux semaines de suspense autour de la présence ou non de M. Sonko à ce procès à l'enjeu autant criminel que politique, épilogue d'un feuilleton qui tient le Sénégal en haleine depuis plus de deux ans.
M. Sonko, dont l'éligibilité et donc la candidature à la présidentielle de 2024 semble dépendre non seulement de l'issue du procès mais aussi de sa présence aux débats, est présumé se trouver à Ziguinchor (sud), ville dont il est le maire et où il s'est retiré il y a plusieurs jours, à des centaines de kilomètres de Dakar.
Ses partisans montent une garde étroite autour de son domicile pour parer une éventuelle tentative de l'arrêter et de l'amener de force au tribunal.
M. Sonko, président du parti Pastef-les Patriotes et troisième de la présidentielle en 2019, doit répondre de présumés ‘’viols et menaces de mort’’ sur Adji Sarr, employée du salon Sweet Beauté.
Son procès s'était ouvert le 16 mai, également en son absence, dans un contexte de heurts à Ziguinchor (sud), dans la capitale et sa région. Il avait été renvoyé au bout de quelques minutes.
Les rendez-vous de M. Sonko avec la justice dans cette affaire et une autre de diffamation ont régulièrement donné lieu à des incidents et des heurts.
L'activité a une fois de plus été ralentie à Dakar, l'école est suspendue jusqu'à jeudi matin à Ziguinchor. Mais aucun trouble significatif n'a été rapporté mardi.
"Confrontation"
M. Sonko, 48 ans, a reconnu être allé se faire masser pour apaiser des douleurs de dos chroniques. Mais il a toujours réfuté les accusations dans les dossiers de viols présumés et de diffamation et crié au complot du pouvoir pour l'écarter de la présidentielle.
Disant craindre pour sa sécurité, il a annoncé qu'il ne répondrait plus aux convocations de la justice sans garantie de l'Etat pour son intégrité physique. L'Etat n'a donné aucun signe d'avoir accédé à cette exigence.
Ses avocats ont vainement plaidé l'absence de citation à comparaître régulière de leur client, et l'absence de témoins importants. L'un d'eux, Me Ciré Clédor Ly, s'est fait fort de convaincre M. Sonko de venir si la cour consentait à un nouveau répit.
"L'affaire est en état" d'être jugée, a finalement tranché le président Issa Ndiaye, qui a remplacé depuis la première audience un magistrat frère d'une ministre.
"C'est le moment de la confrontation. La vérité va jaillir. Le combat aura lieu", a dit le conseil de la plaignante, Me El Hadji Diouf. Il a qualifié M. Sonko de "fuyard" et de "poltron".
"La justice sénégalaise se saborde. Elle est décidée à livrer une commande" passée par le pouvoir, a protesté Me Ciré Clédor Ly hors de la salle.
Le viol, criminalisé depuis 2020, est passible de dix à vingt ans de prison.
Le cas de M. Sonko, populaire chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population, est source de tensions depuis 2021 et monopolise le débat public, avec les intentions ambigüe de du président Macky Sall.
Ce dernier, élu en 2012, réélu en 2019, entretient le flou sur une nouvelle candidature en 2024. La perspective d'un troisième mandat compte de nombreux adversaires, qui le disent contraire à la Constitution. (Quid avec AFP)