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Sénégal: Ousmane Sonko ou le coup d'éclat permanent, 21 morts depuis l’entrée en confrontation avec ses troupes
La condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison dans une affaire de mœurs a mis en rage des jeunes de Dakar et d'ailleurs
Par Laurent LOZANO (AFP)
Jamais opposant au Sénégal n'a subi pareil acharnement, dit-il. Les réseaux sociaux qu'il affectionne abondent des images d'Ousmane Sonko aux mains des forces de l'ordre, en attendant une éventuelle arrestation potentiellement explosive.
La condamnation de M. Sonko à deux ans de prison dans une affaire de mœurs a mis en rage des jeunes de Dakar et d'ailleurs jeudi.
M. Sonko incarne pour eux l'espoir et la rupture avec une présidence Macky Sall qu'après la pandémie de Covid-19 et les retombées de la crise ukrainienne, ils associent à leurs épreuves : chômage, inflation, absence de perspectives, inégalités sociales, sans parler de la corruption.
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Héraut de la lutte pour le peuple et contre les élites pour les uns, agitateur incendiaire pour les autres, M. Sonko tranche à 48 ans par son relativement jeune âge. Il est l'un des chefs de file d'une opposition qui, depuis 2022, secoue la domination du camp présidentiel.
Maire de Ziguinchor (sud) depuis 2022, il n'a jamais exercé de fonction gouvernementale. Fonctionnaire pendant 15 ans, entré en politique avec la création de son parti en 2014, il a accédé à la notoriété deux ans plus tard avec sa radiation de son poste d'inspecteur des impôts parce qu'il avait dénoncé l'opacité de certains contrats publics et les privilèges de la classe politique.
En 2019, le trublion anti-système a fini troisième de la présidentielle avec 15% des voix, loin derrière Macky Sall (58%). Il est à présent candidat déclaré en 2024.
Son discours souverainiste et panafricaniste, ses diatribes contre "la mafia d'Etat", les multinationales et l'emprise économique et politique exercée selon lui par l'ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population et parmi lesquels, souriant et abordable, il aime à prendre des bains de foule abondamment documentés sur les réseaux sociaux.
M. Sonko défend un durcissement de la répression de l'homosexualité, un thème porteur au Sénégal.
Il est aussi le personnage principal, adulé ou honni, d'une chronique politico-judiciaire qui capte la lumière depuis février 2021 et le dépôt contre lui d'une plainte pour viols par une employée d'un salon de beauté de la capitale, Adji Sarr.
"Je suis persécuté par la justice sénégalaise comme jamais un homme politique n'a été persécuté", disait-il le 1er mai au cours de l'une de ses innombrables déclarations faites devant la presse ou sur son compte Facebook jusqu'aux heures les plus avancées.
Risque d'embrasement
M. Sonko se dit visé par "un complot, une farce et un mensonge "commandité par le président Sall, un monstre (avançant) chaque jour un pas de plus vers son objectif: instaurer une dictature".
Le défenseur de la religion et des traditions qui jure volontiers devant Dieu, le père de six enfants et mari de deux femmes a reconnu être allé se faire masser pour apaiser des douleurs de dos chroniques. Mais il a demandé "à un prêcheur si (sa) religion (l)'autorisait à être massé par des femmes qui ne sont pas (ses) épouses".
La cabale qu'il impute au pouvoir ne viserait pas tant à le faire emprisonner qu'à le rendre inéligible et ouvrir la voie à un troisième mandat controversé de M. Sall. Avant lui, d'autres concurrents de M. Sall, Khalifa Sall (sans lien de parenté) et Karim Wade, ont vu leur trajectoire interrompue par les affaires judiciaires.
M. Sonko assure qu'il ne connaîtra pas le même sort. La silhouette athlétique, le verbe incisif mais toujours posé, il exalte la "résistance" et la "désobéissance civique".
Le vernis craque, disent ses détracteurs, quand il brandit la menace de marcher sur le palais présidentiel ou le spectre d'un "pays à feu et à sang", et quand il compare son accusatrice Adji Sarr à une "guenon frappée d'AVC".
Yoro Dia, un conseiller du président, le réduit à un apologue de la violence "aux antipodes de nos cultures et traditions démocratiques", un "insulteur du net" semant la terreur pour échapper aux juges. Il est aussi le "cheval de Troie des salafistes", dit-il.
La plupart de ces rendez-vous avec la justice ont donné lieu à des incidents et des heurts et tétanisé l'activité de la capitale.
Sa condamnation jeudi a causé des violences qui ont fait au moins neuf morts, comme son interpellation sur le chemin du tribunal en 2021 avait contribué à déclencher plusieurs jours d'émeutes qui avaient fait au moins 12 morts.
Depuis, une trentaine de personnes, quasiment toutes des civils, ont été tuées dans des troubles largement liés à la situation de M. Sonko. Le pouvoir et le camp de M. Sonko s'en rejettent mutuellement la faute.
Interpellé dimanche et ramené de force à Dakar, il est aujourd'hui bloqué chez lui, "séquestré" dit-il, par les forces de sécurité. De nombreux Sénégalais prédisent un embrasement s'il est arrêté.
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