Une brise émiratie souffle sur l'Égypte – Par Hatim Bettioui

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Vue du projet émirati à Ras Al Hikma en Égypte

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Le visiteur du Caire ces jours-ci percevra inévitablement le lourd fardeau qui épuise l'Égypte et trouble son sommeil. L'Égypte, ce pays pivot et stratégique dans les régions du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, vit dans un environnement constamment agité, et il ne semble pas qu'une amélioration soit à l'horizon. 

Cela commence par la situation dans le pays voisin à l'ouest, la Libye, la guerre fratricide au Soudan au sud, l’appréhension impérialiste des eaux du Nil par l'Éthiopie, auxquelles s’additionne l’embrasement infernal de la bande de Gaza qui saigne et en renvoient en live les images de la tragédies qui s’y déroule depuis le 7 octobre dernier.

Sur fond de toutes ces crises qui mettent la sécurité nationale égyptienne à l'épreuve, l'intensité de la crise économique s'est accentuée, caractérisée par une inflation historique et une dette extérieure de 165 milliards de dollars, ce qui met la stabilité sociale en Égypte en péril.

Un bémol cependant, le souffle d'une brise émiratie sur ce pays arabe, dont la population a dépassé les cent millions d'habitants, a ravivé les espoirs pour la majorité du peuple égyptien, palpables chez les chauffeurs de taxi, les gens dans la rue, les travailleurs des restaurants et les détaillants sur les marchés populaires, et aussi dans les posts sur les réseaux sociaux du pays.

Vendredi dernier a été un jour mémorable sur la terre de Kinana, qui a vu l’annonce au Caire d'un investissement décrit par le Premier ministre Mostafa Madbouli comme "le plus grand partenariat d'investissement" entre son pays et les Émirats Arabes Unis.

Ras El Hkma" qui accueillera cet investissement direct étranger de 35 milliards de dollars, est en tête du Hit des discussions. L'Égypte obtiendra en retour 35 % des bénéfices du projet, qui devraient s'élever à 150 milliards de dollars. Des dépôts émiratis en Égypte d'un montant de 11 milliards de dollars ont été inclus dans le montant de l'accord.

La transaction porte sur la construction d’un nombre de villes nouvelles de deuxième génération pour développer la côte nord-ouest dans la région de "Ras El Hekma". Ce qui est une grande bouffée d’air pour le gouvernement égyptien. Elle assure et rassure sur l'avenir de l'investissement touristique dans le pays, et place l'Égypte sur la carte du tourisme mondial et méditerranéen en pôle d’attraction pour les cinq prochaines années.

Le vaste projet sera établi sur une superficie de 170 millions de mètres carrés dans la région située au nord-ouest du pays, à environ 350 kilomètres du Caire. Parmi ses avantages, le projet, fournira de la liquidité en devises, freinera l'inflation et éliminera le marché noir, ce qui n’est pas rien pour la stabilité du marché des devises étrangères et l'amélioration de la situation économique du pays.

Mais, car il y a toujours un mais, à coté de la large satisfaction de la rue égyptienne, il y a ceux qui ne sont pas satisfaits, considérant que l'allocation et la vente d'actifs fixes ne sont qu'une façon pour le gouvernement Madbouli de gérer les crises du pays au détail. Mais le fait est que, suite à la conclusion du projet "Ras El Hikma", le coût des devises sur le marché noir a baissé. Alors qu'un dollar dépassait les 60 livres égyptiennes, son prix est descendu à 53 livres.

Le rôle des gouvernements réside avant tout dans la création d'espoir et non dans la résolution des problèmes d’une inconcevable seule traite. L'espoir incite à surmonter les problèmes sans relâche, et il faut considérer "Ras El Hikma" comme le premier pas dans "le voyage de mille milles".

Il y a bien sûr en Égypte ceux qui pensent que se concentrer sur l'investissement touristique comporte ses risques moraux et éthiques, mais l'éminent homme d'affaires égyptien Naguib Sawiris a déclaré dans un tweet sur la plateforme "X" que l'important dans cette transaction "est l'afflux de devises étrangères vers l'Égypte et la résolution de sa crise, la stabilité du marché des changes, et l'emploi égyptien qui ouvrira de nouvelles opportunités, en plus de l'élévation du niveau de l'architecture, de l'exécution et de la planification dans une ville nouvelle et moderne du niveau de Dubaï". Il a aussi rappelé que l'immobilier et les hôtels font travailler " de nombreuses industries telles que l'acier, le ciment, les antiquités, le mobilier, etc."."

La « dîme morale » est un tribut que toutes les destinations touristiques florissantes ou prometteuses payent. Il n’en demeure pas que le tourisme comporte de nombreux aspects positifs en tant qu'élément essentiel dans la promotion du développement dans tout pays.

D’autres, enfin, estiment que l'accord n’est guère plus qu’un palliatif pour l’affection chronique dont souffre l'économie égyptienne, étant donné qu’au cours de l’année 2024, l'Égypte doit rembourser 42 milliards de dollars en principal et intérêts sur la dette extérieure, et que le montant de l'accord "Ras El Hikma" (35 milliards de dollars) représente une goutte d’eau dans l’océan, et n'est pas suffisant pour couvrir les échéances de la dette dues par Le Caire.

En attendant d'autres accords et projets, la vérité qui saute aux yeux est que l'initiative d'investissement émiratie a sauvé l'Égypte de l'entrée dans un tourbillon de difficultés économiques chroniques, et lui a au moins permis de remplacer cela par des capacités de financement sur le marché des obligations internationales pour emprunter, afin de sortir de la zone rouge dans les indicateurs du Fonds monétaire international.

C’est d’autant plus nécessaire qu’il y a une conviction aux Émirats et dans la plupart des pays du Golfe selon laquelle l'effondrement de l'Égypte est un effondrement pour toute la région arabe, et par conséquent, il n'est pas possible de rester spectateur face à ce qui arrive à son économie. Et comme le disait le penseur égyptien Louis Awad en parlant des crises et des tempêtes qui ont frappé son pays : "Quel que soit l'obscurcissement en Égypte, le soleil y brillera".

D’après Annahar Al-Arabi

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