Algérie: Une partie de la presse paye pour son opposition à Boutéflika

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Comme attendu, apr?s la r??lection du pr?sident Abdelaziz Bouteflika, le r?gime alg?rien a donn? un tour de vis contre la presse priv?e et les acteurs de la soci?t? civile, d?sormais confront?s ? une r?pression en douceur loin des projecteurs.

Le clan Bouteflika, qui n?a cess? de recevoir des coups depuis la d?t?rioration de la sant? du chef de l?Etat, est en passe de r?gler ses comptes avec toutes les parties ou les voix ayant hauss? le ton pour demander l?application de l?article 88 de la Constitution sur la vacance du pouvoir ou ayant marqu? leur opposition ? une r??lection du pr?sident impotent.

Pour une meilleure mise en contexte, il convient de rappeler que les puissants services secrets (DRS) ont ?t? les premiers, d?s les premi?res apparitions de Bouteflika en septembre 2013, ? subir les foudres revanchardes du clan en voyant leur champ d?action r?duit presque ? n?ant, avant d?accepter de faire des concessions majeures en ent?rinant le quatri?me mandat lors de l??lection pr?sidentielle du 17 avril dernier.

En neutralisant le pourvoir de nuisance des hommes du g?n?ral Toufik qui jouaient eux aussi leur survie face ? un clan qui excelle dans la politique de l?ab?me, le terrain est d?sormais balis? pour une vendetta contre la presse priv?e, accus?e d?avoir men? une cabale anti-Bouteflika d?une agressivit? sans pr?c?dent sur ordre du DRS et son redoutable service de presse, vraisemblablement ? l?origine de toutes les rumeurs sur la sant? du pr?sident.

Les observateurs les plus aguerris avaient pr?dit, depuis des semaines, une op?ration chasse aux sorci?res contre les m?dias, suite ? l??clatante victoire de Bouteflika et surtout en l?absence de tout contre-pouvoir, puisque le DRS a laiss? beaucoup de plumes dans le sillage de son d?membrement et du passage de ses directions les plus influentes sous la coupe du g?n?ral Gaid Salah, chef d?Etat-major de l?arm?e, qui compte parmi les plus fid?les ? Bouteflika.

Loin de se fourvoyer dans la mani?re forte, le r?gime alg?rien a trouv? la parade pour museler la presse: fermer le robinet de la manne publicitaire g?r?e par une agence publique (ANEP) et d?poussi?rer les factures impay?es des journaux au titre d?impression.

Rompant avec les actions brutales ch?res aux hommes de Toufik, les nouveaux ma?tres de la place ont choisi de ne pas faire beaucoup de tapage, dans le dessein de donner l?exemple ? autrui. Le stratag?me consiste ? s?en prendre ? des victimes jug?es vuln?rables et sans protection et, par ricochet, dissuader les plus r?calcitrants ou ceux b?n?ficiant d?une certaine aura ? l?int?rieur comme ? l?international.

A trois jours du scrutin du 17 avril, les publications d?Alg?rie News, versions arabophone et francophone, ont appris ? leurs d?pens ce qui attend tout un chacun mettant en cause l?issue des pr?sidentielles. Le groupe, qui affichait clairement son hostilit? ? Bouteflika, a ?t? priv? des annonces distribu?es par l?Agence nationale d??dition et de publicit? (Anep). M?me la soci?t? priv?e de t?l?phonie mobile Ooredoo allait, elle aussi, couper les vannes aux deux quotidiens, dont la survie d?pend largement des annonces.

Alg?rie News est, en quelque sorte, le maillon faible dont le destin pourrait servir aux gros calibres, comme Libert?, Echourouk, El Watan et El Khabar, qui ont les ressorts n?cessaires pour crier au scandale et faire entendre leur voix. Les quatre principaux quotidiens ?taient dans le collimateur pour leur ligne ?ditoriale clairement d?favorable ? Bouteflika, auquel ils s?attaquaient syst?matiquement depuis son hospitalisation.

Selon certaines indiscr?tions, El Watan et Echourouk avaient re?u de s?rieuses remontrances de la part de cercles proches du pouvoir. Les directions des deux publications auraient ?t? inform?es qu?elles seraient priv?es de publicit? si elles ne changeaient pas de cap.

La nouvelle strat?gie va rapidement apporter ses fruits. La majeure partie des quotidiens, s?ils ne caressent pas dans le sens du poil, ?vitent les sujets qui f?chent. Ils sont dor?navant peu critiques envers le pr?sident Bouteflika. Et ceux qui ont refus? de courber l??chine vont le payer cash.

Au d?but du mois de juin, le quotidien El Fadjr sera interdit d?impression au niveau de la soci?t? d?impression d?Alger, la SIA. Si l?imprimeur ?tatique a cherch? ? justifier cette mesure par des consid?rations commerciales, tout le monde sait pertinemment bien que les motivations sont purement politiques.

Et pour cause: la directrice du quotidien, Hadda Hazam a refus? de rentrer dans les rangs. Ses chroniques sarcastiques et acerbes aga?aient les potentats du r?gime, revigor?s par leur retour triomphal aux arcanes du pouvoir. En plus, Hadda Hazam ?tait tr?s active au sein du mouvement Barakat, fer de lance de la contestation populaire anti-quatri?me mandat.

Vers la fin du m?me mois, les quotidiens d?Alg?rie News, qui s??vertuaient ? garder la t?te hors de l?eau, conna?tront le m?me sort. Mais, dans une tentative de camoufler ses v?ritables intentions, la SIA va aussi stopper l?impression des quotidiens El Adjwaa (arabophone et francophone), pourtant appartenant ? un des thurif?raires du r?gime. Une diversion de mauvais go?t puisque le propri?taire des deux boutiques est pr?t ? tout pour rester dans la bonne gr?ce de ses bienfaiteurs.

Le mus?lement de la presse, op?r? dans les r?gles de l?art, aura des effets n?gatifs sur les mouvements sociaux, qui se nourrissaient de leur m?diatisation ? grande ?chelle. Prompts ? relayer toute protestation aussi mineure ou marginale soit-elle, les journaux, tout en continuant d?accomplir leur devoir professionnel, semblent garder une certaine distance avec les ?v?nements et n?accordent plus ni la m?me importance, ni le m?me espace ? la grogne sociale.

Face ? la soci?t? civile, le r?gime semble adopter la m?me approche: r?pression pr?ventive additionn?e ? des mesures dissuasives pour signifier que la r?cr?ation est termin?e et dans le but de tracer ? nouveau son territoire.

Ainsi, les services de s?curit? suivent une politique de tol?rance z?ro vis-?-vis de toute manifestation, particuli?rement en Kabylie o? l?autorit? semble avoir repris la main apr?s des mois de permissivit?, voire de laxisme, pour laisser passer l?orage du sursaut berb?re.

Le souci de +l?exemplarit?+ est apparemment le nouveau credo des gouvernants d?El Mouradia. Pour avoir manifest? contre la politique du logement, 29 personnes ont ?t? condamn?es, le 18 juin dernier, ? de lourdes peines, alors que ce genre de protestation ou de rassemblements sont monnaie courante dans le pays. Les inculp?s sont destin?s ? servir de mod?le ? leurs semblables.

C?est le nouveau cap que les autorit?s veulent imprimer ? leurs rapports avec la soci?t? dans son ensemble. Un retour de la terreur mais sous une forme plus soft. Les jeunes militants du mouvement Barakat, qui ne veulent pas abdiquer, sont la cible de harc?lements dans leur vie professionnelle et priv?e, mais loin des cam?ras. M?mes pratiques enregistr?es ? l?encontre des sympathisants du malheureux candidat ? la pr?sidentielle, Ali Benflis.

Le r?gime n?h?site plus ? entraver m?me le recueillement sur la tombe du pr?sident Mohammed Boudiaf, assassin? le 29 juin 1992. Une information pass?e sous silence par les journaux, sauf quelques rares exceptions. El Watan a publi? un compte-rendu sur cette interdiction quelque 48 heures apr?s, alors qu?auparavant, un tel incident lui aurait donn? un pr?texte pour clouer au pilori le r?gime avec une couverture instantan?e et non-stop.

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