Bir Anzaran (1/3) - Par Seddik Maaninou

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Ayant déjà fait preuve d’un haut degré de professionnalisme et de courage au combat dans la guerre algéro-marocaine de 1963, le général Mzirid, à l’époque jeune officier, est décoré par le général Idriss Ben Omar, commandant de l'armée marocaine chargé de la récupération de Hassi Beïda

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En route pour Meknès, un sentiment étrange m'habitait à l'idée de mon rendez-vous avec un officier de l'armée royale. Ce n'était pas une personne ordinaire, mais un personnage hors normes : son nom était lié à l'une des plus grandes batailles militaires au Sahara. Ce qu'il avait alors accompli lors de cette victoire a constitué un tournant stratégique dans l'équilibre des forces et dans le cours des affrontements militaires.  

Villa An-Nasr  

Je devais trouver la rue "Bir Anzaran", puis "Villa An-Nasr", où résidait le général retraité. J'étais surpris de constater que la rue portait le nom de la bataille qu'il avait remportée. Était-ce un hasard ou une reconnaissance par la commune de son exploit ? Étrangement, les surprises allaient se poursuivre tout au long de mon séjour à Meknès.  

Une famille accueillante  

Toute la famille était là pour m'accueillir, et le général Houssein Mzirid s'est levé pour me saluer et me souhaiter la bienvenue. Il m'a dit : « Vous êtes des nôtres, et je vous connais depuis longtemps... Merci de votre intérêt et de votre visite. » Puis le silence s'est installé, un silence de gêne et d’émotion à la fois. Le général semblait fatigué, ce qui rendait ma tâche plus difficile, ne sachant par où commencer. Mon objectif était d'obtenir plus d'informations sur Bir Anzaran, en me concentrant sur la bataille qui avait coupé la route aux milices du Polisario à un tournant historique du dossier du Sahara. Mais le silence persistait.  

J'en ai profité pour dire combien j'étais heureux de cette rencontre, lui expliquant que j'avais essayé pendant des années d'obtenir son adresse ou un numéro de téléphone. Puis au bout de mes peines, Dieu a facilité les choses ces dernières semaines lorsque j'ai pu contacter la plus jeune de ses filles. Je lui avais dit : « Je veux voir votre père. » Quelques jours plus tard, elle m'a fixé un rendez-vous. Sa plus jeune fille a une belle histoire, et on pourrait même dire que son prénom commémore la bataille de Bir Anzaran. Lorsque j'ai demandé à sa mère pourquoi elle portait ce nom, sa réponse m’a étonné.  

À Hassi Beïda  

J'ai demandé au général quand il avait rejoint l'armée. Il s'est approché avec une respiration haletante et a dit : « J'ai rejoint l'Académie militaire de Meknès en 1959, et après deux ans, j'en suis sorti sous-lieutenant. J'ai immédiatement été affecté à Aït Baâmrane, alors que Sidi Ifni était encore sous occupation espagnole, tout comme le Sahara.  

En 1963, l'armée algérienne a attaqué un poste de surveillance frontalier à Hassi Beïda, tuant les gardes et incendiant les tentes et les véhicules. Immédiatement, j'ai reçu l'ordre de me rendre sur place. Nous avons traversé Tiznit jusqu'à Al-Mhamid et mené une guerre défensive pour récupérer notre territoire. » Il est bien connu que des conflits internes au sein de l'armée algérienne, liés à la lutte pour le pouvoir, étaient à l'origine de cette attaque. Dieu sait qu’à ce jour, l'armée algérienne n’a pas encore digéré défaite, et le régime algérien, d’une mauvaise foi absolue, veut faire croire qu’elle est à l’origine de la tension entre Rabat et Alger et de la fermeture des frontières entre les deux pays.  

Étant donné que le général, à l’époque jeune officier, avait démontré un haut degré de professionnalisme et de courage, le général Idriss Ben Omar, commandant de l'armée marocaine chargé de la récupération de Hassi Beïda, l'a décoré.  

La plus jeune fille du général a quitté la pièce pour revenir avec une magnifique photo montrant le général Ben Omar décorant l'officier Mzirid.  

À Phosboucraâ  

Le silence s'est encore réinstallé, et j'ai dû prendre l'initiative. J'ai demandé : « Êtes-vous retourné aux environs de Sidi Ifni ? » Il a répondu : « J'ai passé plusieurs années à Tiznit avant de rejoindre l'académie en tant qu'instructeur. J'y ai travaillé pendant sept ans, formant plusieurs promotions. Par la suite, j'ai passé l'examen de l’Ecole d’Eta-major et je l'ai réussie. Une année plus tard, Hassan II a annoncé l'organisation de la Marche Verte. À cette époque, j'étais à Oujda, d'où le commandement nous a envoyés à Agadir.  

J'ai été chargé de constituer quatre unités d'intervention rapide, ce qui a pris six mois. Ensuite, après le début de la guerre, j'ai été envoyé à "Phosboucraâ" pour protéger les mines de phosphate et son transport jusqu'à Laâyoune. Nous avons subi plusieurs attaques, dont certaines ont été violentes et coûteuses. L'ennemi quittait Tindouf la nuit, avançait rapidement en formation dispersée, puis, à l'approche de l'objectif, il se regroupait pour attaquer. Après une heure de combat, il se dispersait à nouveau, rendant ainsi la poursuite très difficile.

Les leçons hassaniennes  

Au fil des ans, alors que l'intensité des affrontements augmentait, il a été transféré à Bir Lahlou, puis à Tifariti. Là, il a reçu l'ordre de se rendre à Bir Anzaran. Le voyage a duré trois jours, accompagné par le sixième régiment mobile. La région était constamment menacée, et les habitants craignaient d'être enlevés et emmenés dans les camps de Tindouf. La position de Bir Anzaran était un verrou stratégique, et la contrôler ouvrait la voie vers Dakhla.  

Nous étions alors en Ramadan 1979. Hassan II présidait les "Leçons hassaniennes". Le 3 août, le roi a pris la parole pour annoncer que le Maroc avait décidé de récupérer Oued Eddahab après que la Mauritanie s'était retirée de ses engagements. Il a alors prononcé sa célèbre aphorisme «كْبرها تْصغار », approximativement : « Grossis l’affaire, elle se dégonflera d’elle-même. »  

La Mauritanie venait de subir un coup d'État qui avait renversé le président Ould Daddah. Son successeur, Ould Haidalla, s'est précipité pour reconnaître la "République de Tindouf" et se rapprocher des militaires algériens. En secret, il a été convenu que la Mauritanie se retirerait de toutes ses accords avec le Maroc et exigerait le retrait des forces marocaines qui la protégeaient des attaques des séparatistes. Lorsque la Mauritanie a annoncé son retrait d'Oued Eddahab, elle s'est entendue avec l'Algérie pour lui ouvrir la voie à l'occupation de Dakhla.  

Le plan algérien visait à atteindre trois objectifs :  

  1. Affaiblir l'armée marocaine positionnée à Bir Anzaran et occuper le site.  
  2. Enlever les habitants sahraouis marocains, dont le nombre dépassait 1 500, et avancer vers Dakhla pour l'occuper.  
  3. Déclarer Dakhla capitale de la "République sahraouie" et demander l'aide des alliés, l’Algérie en l’occurrence, et Cuba de Castro fort probablement.  

Pendant ce temps, à Dakhla, de grandes manifestations ont éclaté. Les habitants ont exprimé leur marocanité et réclamé leur protection. Ils ont hissé les drapeaux marocains, brandi des photos du roi et organisé des sit-in, appelant à une intervention rapide des forces marocaines pour faire face à une invasion imminente de la ville.  Ce fut la Bataille Bir Anzaren. (A suivre)

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