PARLEMENT: UNE SESSION SOUS TENSION - Par Mustapha SEHIMI

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Cette session de printemps aura donc à délibérer sur des projets de textes législatifs dont la liste définitive n'a pas encore été arrêtée. Pourquoi ?  Parce que certains d'entre eux ne sont pas pris en charge par le cabinet soucieux de les reporter à terme

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La session de printemps du Parlement qui s'ouvre ce vendredi 11 avril, conformément aux dispositions de l'article 65 de la Constitution, s'annonce chargée. Des lois importantes sont à l'ordre du jour dont le nouveau Code de la famille. Mais le contexte politique et social actuel va également peser sur la vie parlementaire. Mustapha Sehimi fait le point.

Cette session va durer jusqu'au mois de juillet prochain et même jusqu'au 8 août prochain, le cas échéant, soit quatre mois (art.65, al. 2). Son ordre du jour n'a pas encore été annoncé officiellement. Pour l'heure, sont prévus les projets de loi sur le Code de la famille et le Code de procédure pénale. Le premier, appelé aussi Moudawana, constitue un ensemble de textes régissant le statut personnel, notamment le mariage, le divorce, la garde des enfants, la succession et d'autres aspects encore liés à la vie familiale. La précédente loi de 2004 a été réformée sur la base de ces préoccupations de modernisation, d'une meilleure reconnaissance des droits des femmes et du respect des fondements de la chari'a islamique. Le processus de révision été annoncé par le Roi, Amir El Mouminine, dans son discours du Trône du 30 juillet 2022. Une commission ad hoc a été nommée en septembre 2023. Elle a remis ses propositions six mois plus tard en mars 2024 lesquelles ont fait l'objet de plusieurs critiques: manque de transparence, influence conservatrice persistante avec la référence constante à la chari'a freinant des avancées réelles (égalité dans l'héritage abolition de la polygamie, renforcement de la tutelle maternelle), réexamen de l'héritage considéré comme tabou, principe ambivalent de l'égalité, insuffisance des mécanismes de suivi, etc. La formation islamiste du PJD, aujourd'hui dans l'opposition, va de nouveau se saisir de cette question lors de la délibération parlementaire pour développer ses critiques.

Lois prêtes et à venir…

Le texte sur le code de procédure pénale est tout aussi problématique avec des points sensibles ou controversés (rôle du parquet, garde à vue, vidéosurveillance et perquisitions). Les principales critiques émanent de l'AMDH, du CNDH et de l'ordre des avocats du Maroc et demandent davantage d'avancées. Par ailleurs, figure toujours à l'ordre du jour la réforme du code du travail. La loi organique sur le droit de grève a été laborieusement adoptée le 5 février dernier mais il reste à finaliser l'ensemble de ce code, notamment les points suivants: amélioration des droits des travailleurs, contrat à durée déterminée (CDD), renforcement de la négociation collective, sanction en cas de violation des droits des travailleurs, révision des horaires et du temps de travail.

Le dialogue social va-t-il arriver à un consensus sur toutes ces questions ? Pour l'heure, il peine à reprendre du fait des positions des centrales syndicales après la loi organique sur le droit de grève rejetée et du climat social marqué par la détérioration du pouvoir d'achat des travailleurs. Qu'en sera-t-il d'une grande réforme portant sur les caisses de retraite ? Le gouvernement avait annoncé qu'elle était une priorité de 2025 sans que l'on ait des indications conséquentes sur son avancement. Comment assurer durablement leur viabilité financière alors que la CMR en particulier sera déficitaire dès 2028 ? Comment préserver les droits des affiliés et des retraités défendus de manière non négociable par les syndicats? Les mesures proposées par le gouvernement sont en effet rejetées - relèvement de l'âge de la retraite à 65 ans, augmentation des taux de cotisation, plafonnement des cotisations, gel de la revalorisation des pensions pendant dix, etc. Et last but not least, la réforme du code pénal encore examinée par une commission parlementaire sans qu'un accord ne paraisse se dégager. Un texte fortement clivant sur plusieurs points : décriminalisation de certaines pratiques considérées comme contraires à la norme sociale (relations sexuelles hors mariage, non respect du jeûne Ramadan, droits des minorités et des femmes dans la lutte contre les violences genre, sanction de la corruption et de l'enrichissement illicite...). 

Défiance politique

Cette session de printemps aura donc à délibérer sur des projets de textes législatifs dont la liste définitive n'a pas encore été arrêtée. Pourquoi ?  Parce que certains d'entre eux ne sont pas pris en charge par le cabinet soucieux de les reporter à terme. L'on ne peut pas évacuer au passage la fragilité de l'actuelle majorité qui se distingue de plus en plus par des dissonances publiques entre le RNI d'un côté et ses deux alliés que sont le PAM de Fatima Zohra El Mansouri et le PI de Nizar Baraka. Ces deux formations s'installent désormais dans des repositionnements électoraux conjuguant la critique du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et des griefs sur des mesures publiques telles que la subvention de plus de 13 milliards de DH à une vingtaine d'importateurs de viande ovine et bovine. Trois partis d'opposition (USEP, MP et PPS) ont appelé mardi dernier à la constitution d'une commission d'enquête parlementaire et même à une motion de censure. Ils n'ignorent pas que l'une et l'autre de ces deux procédures requièrent respectivement une majorité simple et une majorité absolue (art. 67 et art.105). Mais ils comptent se mobiliser au sein du Parlement pour acter en termes politiques leur défiance à l'endroit de ce gouvernement.

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