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Démission et retrait de la démission de Ramid : les explications
Mustapha Ramid, une vraie-fausse démission
Si ce n’est pas encore un séisme, c’est un véritable tonnerre qui a retenti dans le ciel du PJD. Deux démissions successives, à 24 heures d’intervalle, sont venues confirmer en cette fin de cette semaine que les islamistes sont tout sauf biens.
Jeudi, c’est celle de Driss Azami, président du conseil national du PJD et maire de Fès, qui est venue la première annoncer que la montée des eaux dans la formation du chef gouvernement, a atteint la cote d’alerte. Mais c’est la seconde qui va, dès vendredi soir, défrayer les sites d’information et les réseaux sociaux et faire passer presque inaperçue la démission du maire de Fès. Normal. Il s’agit de l’un des « cinq piliers » du PJD, Mustapha Ramid, numéro deux du gouvernement, ministre d’Etat aux droits de l’homme et des relations avec le Parlement, celui-là même que Abdalilah Benkirane avait fait des pieds et des mains pour l’entrainer avec lui dans l’aventure gouvernementale en novembre 2011. A Peine s’il ne le brandissait pas comme un trophée.
Mustapha Ramid a justifié sa démission par son état de santé. En fait il s’agit d’un vrai faux prétexte, puisque celui qui est aussi un avocat en vue à Casablanca est sérieusement souffrant. D’ailleurs le lendemain matin même de sa démission, il subissait une opération à l’hôpital universitaire Mohammed VI de Bouskoura. Et entre l’opération et le réveil de l’anesthésie, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. Mustapha Ramid revient sur sa démission, car entre temps, le chef du gouvernement, Saâdeddine El Othmani lui aura présenté ses excuses. La raison ? Des sources proches de ministre d’Etat affirment que les divergences entre les deux hommes n’ont cessé de s’approfondir ces derniers mois, Mustapha Ramid reprochant au chef du gouvernement sa méthodologie de travail trop unilatéraliste.
Il s’avère ainsi que S. El Othmani associe peu son ministre aux dossiers et ne coordonne pas avec lui son action dans de nombreux autres. M. Ramid lui reproche même de ne pas le tenir informé des réunions du conseil de gouvernement, comme il l’a tenu aussi dans l’ignorance dans le dossier de la nomination des walis et gouverneurs ou encore dans l’examen du projet de la convocation du Parlement à une session extraordinaire à partir de mardi 2 mars 2021.
Des partisans qui s’apprêtent à en découdre
Mohamed Yatim, ancien ministre et membre du secrétariat général, a rapporté dans un post sur son compte Facebook, sans plus de détail, le retrait de la démission du ministre d’Etat. Mais des sources proches de M. Ramid font savoir que des contacts ont eu lieu avec ce dernier au cours desquels le chef du gouvernement a présenté ses excuses pour la « mauvaise coordination ». Suite à ce contact, il s’est empressé de nier l’existence de toute divergence avec ce ministre qui compte, sans doute pour faire cesser les « bruits de bottes » qui se font entendre dans les coulisses, et en dehors, d’un parti qui n’est pas encore sorti de la forte secousse causée par la normalisation des relations avec Israël.
Certaines informations indiquaient que les divergences porteraient sur le projet de loi relatif à la légalisation du cannabis, mais les mêmes sources précisent qu’il en est rien. Elles rapportent à cet effet que le ministre d’Etat a ouvert ce dossier avec nombre de responsables et cadres du MUR, tutelle doctrinale du PJD, précisément pour les convaincre d’adopter une attitude positive à son égard.
Au sein de la chabiba (organisation de la jeunesse), de nombreux militants ont voulu voir dans la démission de M. Ramid une manœuvre politicienne pour reléguer au second plan la démission de Driss Azami et en réduire l’impact. Mais il semble que ce n’est là qu’une vue de l’esprit et qu’aucun rapport ne relie dans les faits les démissions.
Sans doute, les deux actes ont en commun les reproches faits à la gestion en solitaire par S. El Othmani des affaires du gouvernement et du parti. Mais la démission de D. Azami, contrairement à celle de M. Ramid, porte sur le fond de la crise que traverse le PJD et concerne aussi bien la prise de décision que les décisions elles-mêmes jugées par le président démissionnaire du conseil national du Parti en porte-à-faux permanent avec les orientations, les principes et les valeurs portés par le PJD. Elle est l’expression de la confrontation de plus en plus exacerbée entre deux courants qui s’opposent aujourd’hui sur la ligne du parti et sur un nombre de positions « à caractère identitaire et politique » qui intègrent dans leurs considération le gestion du débat peu démocratique, quand il n’est pas brutalement évacué des délibérations des instances du PJD. Sans oublier qu’il ne serait pas saugrenu de croire que l’approche des élections générales n’est pas étrangère à ce marquage des territoires au sein de la formation islamiste