ELECTIONS 2021 : VOTER ? POUR QUELLE MAJORITE ?

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G à d : De Driss Lachgar (USFP), Aziz Akhannouch (RNI), Saad Dine El Otmani (PJD), Mohaned Laansr (MP), Mohamed Sajid (UC) et Nabil Benabdellah (PPS), une coalition gouvernementale aux forceps en 2016 difficile à reconduire dans cette configuration.

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Quelles élections dans ce contexte ? Pourtant, il faut organiser les prochains scrutins prévus en 2021. Un calendrier institutionnel qui doit être respecté, sauf s'il y a une crise majeure ou des circonstances exceptionnelles liées en particulier à la lutte contre la pandémie de la COVID -IS. Tel n'est pas le cas. 

Il est vrai, cependant, qu'au Maroc, en dehors des contraintes liées à cette crise sanitaire, l'état des lieux pose par ailleurs problème. Les acteurs partisans accusent bien des difficultés. Le PJD est profondément divisé entre deux lignes, celle de Benkirane et celle d'El Othmani. 

CLIMAT POLITIQUE

Le Conseil national du PJD, réuni les 21 -22 mars, parle d’unité… Les divergences de fond existantes ont-elles été surmontées ? Il est difficile de le croire ne serait ce que pour ces raisons : la normalisation avec Israël, la nouvelle loi sur le cannabis et celle relative à un nouveau quotient électoral. Plus globalement, toute une ligne au sein de la formation islamiste reste critique quant à la politique gouvernementale du cabinet dirigé par El Othmani. Elle lui reproche de s'éloigner de plus en plus des fondamentaux du parti et de lui faire perdre son identité et son référentiel. 

Ce qui pèse aussi, dans la présente conjoncture, c'est l'évaluation d'une gestion gouvernementale depuis quatre années, la cinquième aujourd'hui ne couvrant plus que quelques mois, en raison des élections. Au sein de la majorité, y -a-t-il convergence et solidarité pour faire valoir un bilan commun ? Difficile à croire. Et puis, quelle composante de la majorité peut revendiquer quoi, en son nom propre : quel parti a porté en effet des réformes initiées à titre principal ? L'on verra mieux, lors de la prochaine campagne électorale, l'absence de coordination, chaque parti mettant en avant son bilan sectoriel par département... 

Enfin, cette interrogation : comment vont se dérouler les élections ? Dans quel climat ? Les mesures de restriction actuelles ne vont pas permettre une grande campagne électorale du fait que ne pourront pas se tenir les meetings ni les réunions publiques. Que fera-t-on, par ailleurs, contre l'utilisation de l'argent ? Quelles mesures contre les achats de voix et contre les parrainages de candidats par des partis ? 

SYSTEME ELECTORAL CORRIGÉ

C’est sûr que le système électoral actuel, tel qu'il a été appliqué en 2011 puis en 2016, était à revoir. Il accordait une sur–représentation à certains partis et une sous-représentation d'autres. En se référant au détail des chiffres, des conclusions sont à tirer en la matière. Si l'on retient comme référence de base le quotient électoral - il est de 14.630 obtenu par la division des 5.779.004 suffrages exprimés par les 395 sièges à pourvoir pour ce qui est du scrutin de 2016- l'on relève ce qui suit : 

-Quatre grands partis ont été avantagés, gagnant des sièges avec un total un total de voix inférieur à ce quotient : PAM (11.826), UC (12.458), PJD (12.951) et PI frôlant ce quotient avec 13.479 ; 

- Un parti, le MP, qui se situe pratiquement autour de ce quotient avec 14.706 ; 

- Enfin, cinq partis ont été pénalisés et donc sous-représentés : RNI (15.104), USFP (17.981), PPS (22.016), MDS (38.815) et FGD (82.280). 

La question qui se pose est de savoir si le nouveau quotient électoral     -obtenu cette fois par la prise en compte de l'ensemble des électeurs inscrits (et non plus les suffrages exprimés comme en 2016)- va avoir ou non des effets pour une plus grande mobilisation civique. Va-t-il pousser davantage d'électeurs inscrits à se rendre aux urnes ? Vont-ils estimer alors que leur vote peut influencer les résultats des élections ? C'est là un enjeu important. En 2016, rappelons que le nombre des électeurs inscrits sur les listes électorales était de 15.702.592 mais que l'on a compté seulement que 6.640.626 votants et 5.779.004 suffrages exprimés par suite de 861.622 bulletins blancs. Ainsi, 10 millions d'électeurs inscrits n'ont pas voté...

UNE NOUVELLE MAJORITÉ ? 

L'un des effets pratiquement mécaniques d'un tel quotient électoral c'est qu'il va modifier la structure actuelle du système partisan. Il n'y aura plus plusieurs partis se classant largement en tête (comme le PJD et le PAM en 2016). Pourquoi ? Parce que compte tenu de la répartition des sièges sur la base du plus fort reste, il sera difficile à des grands partis de remporter plus d'un siège par circonscription. Les petits partis ont en effet la possibilité d'être représentés dans la prochaine Chambre des représentants. 

Se posera la question de la formation d'une nouvelle majorité. Des accords seront nécessaires pour atteindre au moins la majorité absolue qui est de 198 sièges. Quel parti arrivera en tête ? De toute manière, l'on ne sera plus dans le même schéma qu'en 2016 avec un PJD qui avait obtenu 125 sièges. Quelles alliances alors ? Des formules variables sont envisageables : avec le PJD mais quelle majorité ? Sans le PJD ? 

C'est là qu'intervient une autre problématique : celle de l'autonomie de décision des partis. Il est bien connu, me semble-t-il, que cette autonomie est bien relative : faible dans la catégorie des partis dits "administratifs" (RNI, MP, UC et PAM); qu'elle a beaucoup diminué à l'USFP avec Driss Lachgar; qu'elle est assumée par le PPS; et que, pour ce qui est du PJD, toute une ligne portée par ses ministres avec à leur tête Saâdeddine          E1Othmani est plus participationniste qu'une autre représentée par le courant proche de Benkirane et de ses soutiens dont, au premier rang, Idriss Azami El Idrissi, président du conseil national et maire de Fès. 

En d'autres termes, les électeurs votent mais le montage d'une nouvelle majorité leur échappe au stade final conduisant à la mise en place d'un gouvernement issu d'une majorité. Ce n'est d'ailleurs pas propre au Maroc. Dans de nombreux pays, des combinaisons et des alliances entre des partis enregistrent des variations pas toujours conformes aux choix des votants.

PARALLELE USFP –PJD ? NON, Mais…

Le parallèle fait entre les parcours de l'USFP et du PJD peut–il être fait ? Par certains traits, il peut présenter une parenté. I'USFP est une formation issue du mouvement national, avec son historique, ses valeurs et son identité. Elle relève de la mouvance progressiste et socialiste, attachée aussi à la modernité et à la démocratie. Dans l'opposition depuis 1960 - par suite du renvoi du gouvernement Abdallah Ibrahim, l'un des leaders de l'UNFP - elle a campé dans l'opposition durant près de quatre décennies, soit jusqu'au cabinet d'alternance de Me. Abderrahmane El Youssoufi, en 1998. En sa qualité de premier secrétaire de ce parti, il a dirigé le gouvernement. Elle a ensuite participé aux gouvernements Driss Jettou (2002-2007) et de Abbas El Fassi (2007- 2011). Si dans le cabinet Benkirane, elle a été dans l'opposition, elle est, depuis avril 2017, l'une des composantes du gouvernement Saâdeddine E1 Othmani. Aujourd'hui, c'est un parti à vocation gouvernementale avec pas moins de dix-sept années de participation. 

Tout autre est la situation du PJD. Dans l'opposition, il n'a accédé au gouvernement - et à sa tête même - qu'en janvier 2012. Il a bénéficié, lui, des urnes qui l'ont classé en tête, tant en 2011 qu'en 2016. Il a aussi été avantagé par l'effet mécanique des dispositions de l'article 47 de la Constitution de 2011 lesquelles conduisent le Roi à nommer Chef du gouvernement l'un des membres du parti classé premier. Ce n'est pas un choix voulu mais imposé par ce même article 47, sur la base des résultats des élections. Autre différence avec l’USFP : il n'est pas héritier du mouvement national mais il se réclame de ce qu'il appelle le référentiel islamiste. A ce titre, il est porteur d'un projet de société bien différent de celui de l'USFP, un projet où une certaine idéologie religieuse prédomine. 

Au gouvernement, avec l'exercice de responsabilités publiques nationales, l’USFP et le PJD avaient des programmes électoraux au départ. Avec la gestion gouvernementale, ils ont été confrontés aux contraintes de la gestion. A des titres divers, ils ont dû faire des compromis avec leurs alliés pour arrêter et mettre en œuvre avec un programme commun. Avec les années, ils ont eu à faire face à certaines réalités : la résistance de l'administration, l'influence des lobbies, les contraintes financières et économiques, la difficulté à entreprendre des réformes souvent impopulaires,… Une expérience gouvernementale minorant progressivement les ferveurs militantes et idéologiques au temps où ils étaient dans l'opposition... 

Cette formation islamiste est considérée par une bonne partie de la population comme porteuse d'un projet sociétal "conservateur" voire même rétrograde. C'est ainsi : la société connaît un pluralisme social, avec des clivages, des valeurs propres. Il y a un une composante moderne d'un côté et une autre relevant d'un référentiel jugé réactionnaire. La mouvance islamiste a accusé dans la région - au Maghreb et au Proche-Orient -un grand recul après une forte Progression dans les années 2.000 et un élan particulier. L'environnement international a changé ces dernières années. Il lui est moins favorable même - on l'a vu en Egypte et ailleurs. Les puissances occidentales, surtout les Etats Unis, ont revu et corrigé leurs analyses de la dernière décennie relatives à l'intégration des partis islamistes au premier rang des forces politiques : elles estimaient alors que c'était là un facteur de stabilité dans des pays arabes, avec des pouvoirs globalement autoritaires, confrontés à terme à des hypothèques majeures.

Tel n'est plus le cas ces dernières années, les partis islamistes étant considérés comme l'un des maillons et vecteurs d'une menace islamiste menaçant la paix et la sécurité internationales. La priorité donnée à la lutte antiterroriste par participe de cette préoccupation. 

Ce qui pose problème au Maroc, c'est que la société n'est pas homogène et qu'elle s'articule autour de classes d'âge, de catégories socio- professionnelles bien différenciées. De plus, l'ouverture vers l'international et l'impact de la mondialisation par toutes sortes de moyens et de supports offre d'autres besoins et d'autres aspirations que le programme ou l'univers proposé par le PJD. Il y a là un différentiel, un clivage qui est important. Pour autant, le PJD a des électeurs qui lui sont attachés, d'autres formations lui opposent un contre-modèle. Et si le PJD est l'objet de craintes, d'opposition voire même de rejet, c'est qu'il n'est pas considéré comme pouvant porter et incarner un nouveau modèle de développement démocratique et moderniste. De plus, son bilan de gestion gouvernementale, depuis dix ans, ne l'aide pas à se présenter corne un parti de réformes.

COUPURE PARTIS -SOCIETE

Autre problème de fond : celui des relations entre les partis et la société. Que veut dire, aujourd'hui, adhérer à une formation politique ? Une enquête du HCP, il y a quelques années, précise que seulement 2% des jeunes sont encartés dans un parti. Pourquoi une telle situation ?  Pour plusieurs raisons: parce que les fonctions d'encadrement et de formation assignées aux partis politiques ne sont donc pas assurées, comme le précise l'article 7 de la Constitution ; parce qu'ils ne jouent pas leur rôle dans la promotion et la participation des citoyens à la vie nationale ; enfin, parce qu'ils ne concourent pas suffisamment" à l'expression de la volonté des électeurs ". Les mutations de la société sont profondes et elles sont nourries par une dynamique qui n'est pas maîtrisée. Le Maroc d'il y a vingt ou trente ans n'est pas celui de 2021. En 2030, qu'en sera-t-il ? 

La coupure est réelle entre les partis et la société. Que faire ? Le système partisan est-il en mesure d'opérer une réforme d'ajustement structurel pour prendre en charge les changements ? Que signifie l'adhésion à un parti politique ? Que veut dire le militantisme politique ? Le cadre offert per les partis est-il incitatif et attractif ? Dans ce domaine -là, les partis paraissent concurrencés et même déclassés par le tissu associatif qui, lui, est dynamique, ouvert, sur le terrain, proche des citoyens. Le militantisme associatif n'est-il pas une forme supérieure d'engagement en lieu et place des partis ? 

Il faut ajouter que la place prise par les réseaux sociaux, aujourd'hui, offre un nouveau cadre d'expression aux citoyens. Les débats, les interpellations, le dialogue et même les controverses sont ainsi sur les réseaux sociaux. Le Maroc politique est davantage celui d'un Maroc 2.0, plutôt que dans les instances organiques des partis. 

Tout cela va de nouveau peser sur les élections de 2021 et ce dans le sens d'une modeste participation électorale. Il y a eu 43% en 2016 pour l'élection de la Chambre des représentants. Ce chiffre sera-t-il amélioré ? Difficile de le croire. Pourtant l'offre partisane se veut large avec pas moins de 34 partis, donc potentiellement significative et devant répondre à la demande des citoyens. Mais elle reste incomplète, insuffisante, ce qui ne permet pas de conforter ni de consolider la construction démocratique. 

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